Simenon, Georges - Le chien jaune
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Simenon, Georges - Le chien jaune краткое содержание
En ce vendredi 7 novembre, à Concarneau, quand l'horloge lumineuse indique onze heures, toutes les routes sont désertes. Mais à l'hôtel l'Amiral, il y a encore des hommes en train de jouer aux cartes. Cinq minutes plus tard, l'un des joueurs, M. Mostaguen sort ivre de l'hôtel, avance d'environ 200 mètres, s'arrête sur le seuil d'une maison, allume son cigare puis tombe en arrière, blessé par une balle. Malgré l'arrivée de Maigret, les crimes se succèdent et, à chaque meurtre, on constate la présence d'un étrange chien jaune sur les lieux...
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— Peu importe ! Un miroir que je puisse poser sur la table.
Quand l’inspecteur revint, il trouva Maigret campé sur le balcon, les doigts passés dans les entournures du gilet, fumant sa pipe avec une satisfaction évidente.
— Celui-ci conviendra ?…
La fenêtre fut refermée. Maigret posa le miroir debout sur la table et, à l’aide de deux chandeliers qu’il prit sur la cheminée, il dressa vis-à-vis la feuille de papier buvard.
Les caractères reflétés dans la glace étaient loin d’être d’une lecture facile. Des lettres, des mots entiers manquaient. Il fallait en deviner d’autres, trop déformés.
— J’ai compris ! dit Leroy d’un air malin.
— Bon ! alors, allez demander au patron un carnet de comptes d’Emma… ou n’importe quoi écrit par elle…
Il transcrivit des mots, au crayon, sur une feuille de papier.
… te voir, heures… inhabitée… absolument…
Quand l’inspecteur revint, le commissaire, remplissant les vides avec approximation, reconstituait le billet suivant :
J’ai besoin de te voir. Viens demain à onze heures dans la maison inhabitée qui se trouve sur la place, un peu plus loin que l’hôtel. Je compte absolument sur toi. Tu n’auras qu’à frapper et je t’ouvrirai la porte.
— Voici le carnet de la blanchisseuse, qu’Emma tenait à jour ! annonça Leroy.
— Je n’en ai plus besoin… La lettre est signée… Regardez ici… mma… Autrement dit : Emma… Et la lettre a été écrite dans cette chambre !…
— Où la fille de salle retrouvait le docteur ? s’effara l’inspecteur.
Maigret comprit sa répugnance à admettre cette hypothèse, surtout après la scène à laquelle, couchés sur la corniche, ils avaient assisté la veille.
— Dans ce cas, ce serait elle qui…
— Doucement ! Doucement, petit ! Pas de conclusions hâtives ! Et surtout pas de déductions !… A quelle heure arrive le train qui doit nous amener Jean Goyard ?…
— Onze heures trente-deux…
— Voici ce que vous allez faire, vieux !… Vous direz d’abord aux deux collègues qui l’accompagnent de me conduire le bonhomme à la gendarmerie… Il y arrivera donc vers midi… Vous téléphonerez au maire que je serais heureux de le voir à la même heure, au même endroit… Attendez !… Même message pour Mme Michoux, que vous toucherez téléphoniquement à sa villa… Enfin, il est probable que d’un moment à l’autre les policiers ou les gendarmes vous amèneront Emma et son amant… Même destination, même heure !… Est-ce que je n’oublie personne ?… Bon ! Une recommandation !… Qu’Emma ne soit pas interrogée en mon absence… Empêchez-la même de parler…
— Le douanier ?…
— Je n’en ai pas besoin.
— M. Mostaguen…
— Heu !… Non !… C’est tout !…
Dans le café, Maigret commanda un marc du pays, qu’il dégusta avec un visible plaisir tout en lançant aux journalistes :
— Cela se tire, messieurs !… Ce soir, vous pourrez regagner Paris…
Sa promenade à travers les rues tortueuses de la vieille ville accrut sa bonne humeur. Et quand il arriva devant la porte de la gendarmerie, surmontée du clair drapeau français, il nota que l’atmosphère, par la magie du soleil, des trois couleurs, du mur ruisselant de lumière, avait une allégresse de 14 Juillet.
Un vieux gendarme, assis sur une chaise de l’autre côté de la poterne, lisait un journal amusant. La cour, avec tous ses petits pavés séparés par des traits de mousse verte, avait la sérénité d’une cour de couvent.
— Le brigadier ?…
— Ils sont tous en route, le lieutenant, le brigadier et la plupart des hommes, à la recherche du vagabond que vous savez…
— Le docteur n’a pas bougé ?…
L’homme sourit en regardant la fenêtre grillagée du cachot, à droite.
— Il n’y a pas de danger !
— Ouvrez-moi la porte, voulez-vous ?
Et, dès que les verrous furent tirés, il lança d’une voix joyeuse, cordiale :
— Bonjour, docteur !… Vous avez bien dormi, au moins ?…
Mais il ne vit qu’un pâle visage en lame de couteau qui, sur le lit de camp, émergeait d’une couverture grise. Les prunelles étaient fiévreuses, profondément enfoncées dans les orbites.
— Alors quoi ? Ça ne va pas ?…
— Très mal… articula Michoux en se soulevant sur sa couche avec un soupir. C’est mon rein…
— On vous donne tout ce dont vous avez besoin, j’espère ?
— Oui… Vous êtes bien aimable…
Il s’était couché tout habillé. Il sortit les jambes de la couverture, s’assit, se passa la main sur le front. Et Maigret, au même moment, enfourchait une chaise, s’accoudait au dossier, éclatant de santé, d’entrain.
— Dites donc ! Je vois que vous avez commandé du bourgogne !…
— C’est ma mère qui me l’a apporté hier… J’aurais autant aimé éviter cette visite… Elle a dû avoir vent de quelque chose, à Paris… Elle est rentrée…
Le cerne des paupières rongeait la moitié des joues non rasées, qui semblaient plus creuses. Et l’absence de cravate comme le complet fripé accroissaient l’impression de détresse qui se dégageait du personnage.
Il s’interrompait de parler pour toussoter. Il cracha même ostensiblement dans son mouchoir, qu’il regarda en homme qui craint la tuberculose et qui s’observe avec anxiété.
— Vous avez du nouveau ? questionna-t-il avec lassitude.
— Les gendarmes ont dû vous parler du drame de cette nuit ?
— Non… Qu’est-ce que… Qui a été…
Il s’était collé au mur comme s’il eût craint d’être assailli.
— Bah ! Un passant, qui a reçu une balle dans la jambe…
— Et on tient le… le meurtrier ?… Je n’en peux plus, commissaire !… Avouez qu’il y a de quoi devenir fou… Encore un client du Café de l’Amiral, n’est-ce pas ?… C’est nous que l’on vise !… Et je me creuse en vain la tête pour deviner pourquoi… Oui, pourquoi ?… Mostaguen !… Le Pommeret !… Goyard ! Et le poison qui nous était destiné à tous… Vous verrez qu’ils finiront par m’atteindre malgré tout, ici même… Mais pourquoi, dites ?…
Il n’était plus pâle. Il était livide. Et il faisait mal à voir tant il illustrait l’idée de panique dans ce qu’elle a de plus pitoyable, de plus affreux.
— Je n’ose pas dormir… Cette fenêtre, tenez !… Il y a des barreaux… Mais il est possible de tirer à travers… La nuit !… Un gendarme, ça peut s’endormir, ou penser à autre chose… Je ne suis pas né pour une vie pareille, moi !… Hier, j’ai bu toute cette bouteille, avec l’espoir de dormir… Et je n’ai pas fermé l’œil !… J’ai été malade !… Si seulement on était parvenu à abattre ce vagabond, avec son chien jaune…
Est-ce qu’on l’a revu le chien ?… Est-ce qu’il rôde toujours autour du café ?… Je ne comprends pas qu’on ne lui ait pas envoyé une balle dans la peau… A lui et à son maître !…
— Son maître a quitté Concarneau cette nuit…
— Ah !…
Le docteur semblait avoir peine à y croire.
— Tout de suite après… après son nouveau crime ?…
— Avant !…
— Mais alors ?… Ce n’est pas possible !… Il faut croire que…
— C’est cela ! Je le disais au maire, cette nuit… Un drôle de bonhomme, entre nous, le maire… Qu’est-ce que vous en pensez, vous ?…
— Moi ?… Je ne sais pas… Je…
— Enfin, il vous a vendu les terrains du lotissement… Vous êtes en rapport avec lui… Vous étiez ce qu’on appelle des amis…
— Nous avions surtout des relations d’affaires et de bon voisinage… A la campagne…
Maigret nota que la voix se raffermissait, qu’il y avait moins de flou dans le regard du docteur.
— Qu’est-ce que vous lui disiez ?…
Maigret tira son carnet de sa poche.
— Je lui disais que la série de crimes, ou si vous préférez de tentatives de meurtre, n’avait pu être commise par aucune des personnes actuellement connues de nous… Je ne vais pas reprendre les drames un par un… Je résume… Je parle objectivement, n’est-ce pas ? en technicien… Eh bien ! il est certain que vous n’avez pas pu matériellement tirer cette nuit sur le douanier, ce qui pourrait suffire à vous mettre hors de cause… Le Pommeret n’a pas pu tirer non plus, puisqu’on l’enterre demain matin… Ni Goyard, qui vient d’être retrouvé à Paris !… Et ils ne pouvaient, ni l’un ni l’autre, se trouver le vendredi soir derrière la boîte aux lettres de la maison vide… Emma non plus…
— Mais le vagabond au chien jaune ?
— J’y ai pensé ! Non seulement ce n’est pas lui qui a empoisonné Le Pommeret, mais, cette nuit, il était loin des lieux du drame quand celui-ci s’est produit… C’est pourquoi j’ai parlé au maire d’une personne inconnue, un Ixe mystérieux qui, lui, pourrait avoir commis tous ces crimes… A moins…
— A moins ?…
— A moins qu’il ne s’agisse pas d’une série !… Au lieu d’une sorte d’offensive unilatérale, supposez un vrai combat, entre deux groupes, ou entre deux individus…
— Mais alors, commissaire, qu’est-ce que je deviens, moi ?… S’il y a des ennemis inconnus qui rôdent… je…
Et son visage se ternissait à nouveau. Il se prit la tête à deux mains.
— Quand je pense que je suis malade, que les médecins me recommandent le calme le plus absolu !… Oh ! il n’y aura pas besoin d’une balle ni de poison pour m’avoir… Vous verrez que mon rein fera le nécessaire…
— Qu’est-ce que vous pensez du maire ?…
— Je ne sais pas ! Je ne sais rien !… Il est d’une famille très riche… Jeune homme, il a mené la grande vie à Paris… Il a eu son écurie de courses… Puis il s’est rangé… Il a sauvé une partie de sa fortune et il est venu s’installer ici, dans la maison de son grand-père, qui était, lui aussi, maire de Concarneau… Il m’a vendu les terres qui ne lui servaient pas… Je crois qu’il voudrait être nommé conseiller général, pour finir au Sénat…
Le docteur s’était levé et on eût juré qu’en quelques jours il avait maigri de dix kilos. Il se fût mis à pleurer d’énervement qu’on ne s’en serait pas étonné.
— Qu’est-ce que vous voulez y comprendre ?… Et ce Goyard qui est à Paris quand on croit… Qu’est-ce qu’il peut bien faire là ?… Et pourquoi ?…
— Nous ne tarderons pas à le savoir, car il va arriver à Concarneau… Il est même arrivé à l’heure qu’il est…
— On l’a arrêté ?…
— On l’a prié de suivre deux messieurs jusqu’ici… Ce n’est pas la même chose…
— Qu’est-ce qu’il a dit ?…
— Rien ! Il est vrai qu’on ne lui a rien demandé !
Alors, soudain, le docteur regarda le commissaire en face. Le sang lui monta d’un seul coup aux pommettes.
— Qu’est-ce que cela veut dire ?… Moi, j’ai l’impression que quelqu’un devient fou !… Vous venez me parler du maire, de Goyard… Et je sens, vous entendez, je sens que d’un moment à l’autre c’est moi qui serai tué… Malgré ces barreaux qui n’empêcheront rien !… Malgré ce gros imbécile de gendarme qui est de garde dans la cour !… Et je ne veux pas mourir !… Je ne veux pas !… Qu’on me donne seulement un revolver pour me défendre !… Ou alors, qu’on enferme ceux qui en veulent à ma vie, ceux qui ont tué Le Pommeret, qui ont empoisonné la bouteille…
Il pantelait des pieds à la tête.
— Je ne suis pas un héros, moi ! Mon métier n’est pas de braver la mort !… Je suis un homme !… Je suis malade !… Et j’ai bien assez, pour vivre, de lutter contre la maladie… Vous parlez ! Vous parlez !… Mais qu’est-ce que vous faites ?…
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