Simenon, Georges - Liberty Bar
- Название:Liberty Bar
- Автор:
- Жанр:
- Издательство:неизвестно
- Год:неизвестен
- ISBN:нет данных
- Рейтинг:
- Избранное:Добавить в избранное
-
Отзывы:
-
Ваша оценка:
Simenon, Georges - Liberty Bar краткое содержание
Cela commença par une sensation de vacances. Quand Maigret descendit du train, la moitié de la gare d'Antibes était baignée d'un soleil si lumineux qu'on n'y voyait les gens s'agiter que comme des ombres. Des ombres portant chapeau de paille, pantalon blanc, raquette de tennis. L'air bourdonnait. Il y avait des palmiers, des cactus en bordure du quai, un pan de mer bleue au-delà de la lampisterie. Et tout de suite quelqu'un se précipita. - Le commissaire Maigret, je pense ? Je vous reconnais grâce à une photo qui a paru dans les journaux... Inspecteur Boutigues...
Boutigues ! Rien que ce nom-là avait l'air d'une farce ! Boutigues portait déjà les valises de Maigret, l'entraînait vers le souterrain. Il avait un complet gris perle, un œillet rouge à la boutonnière, des souliers à tiges de drap. - C'est la première fois que vous venez à Antibes ?
[http://www.amazon.fr/Maigret-Liberty-Bar-Georges-Simenon/dp/2253142522](http://www.amazon.fr/Maigret-Liberty-Bar-Georges-Simenon/dp/2253142522)
Liberty Bar - читать онлайн бесплатно полную версию (весь текст целиком)
Интервал:
Закладка:
GEORGES SIMENON
Liberty Bar
Maigret XX
ARTHÈME FAYARD
I
Le mort et ses deux femmes
Cela commença par une sensation de vacances. Quand Maigret descendit du train, la moitié de la gare d’Antibes était baignée d’un soleil si lumineux qu’on n’y voyait les gens s’agiter que comme des ombres. Des ombres portant chapeau de paille, pantalon blanc, raquette de tennis. L’air bourdonnait. Il y avait des palmiers, des cactus en bordure du quai, un plan de mer bleue au-delà de la lampisterie.
Et tout de suite quelqu’un se précipita.
— Le commissaire Maigret, je pense ? Je vous reconnais grâce à une photo qui a paru dans les journaux… Inspecteur Boutigues…
Boutigues ! Rien que ce nom-là avait l’air d’une farce ! Boutigues portait déjà les valises de Maigret, l’entraînait vers le souterrain. Il avait un complet gris perle, un œillet rouge à la boutonnière, des souliers à tiges de drap.
— C’est la première fois que vous venez à Antibes ?
Maigret s’épongeait, essayait de suivre son cicérone qui se faufilait entre les groupes et dépassait tout le monde. Enfin, il se trouva devant un fiacre surmonté d’un taud en toile crème, avec de petits glands qui sautillaient tout autour.
Encore une sensation oubliée : les ressorts qui s’écrasaient, le coup de fouet du cocher, le bruit mou des sabots sur le bitume amolli…
— Nous allons d’abord boire quelque chose… Mais si… Au Café Glacier, cocher…
C’était à deux pas. L’inspecteur expliquait :
— Place Macé… Le centre d’Antibes…
Une jolie place, avec un square, des vélums crème ou orange à toutes les maisons. Il fallut s’asseoir à une terrasse, boire un anis. En face, une vitrine était pleine de vêtements de sport, de maillots de bain, de peignoirs… à gauche, une maison d’appareils photographiques… Quelques belles voitures le long du trottoir…
Un air de vacances, enfin !
— Préférez-vous voir d’abord les prisonnières ou bien la maison du crime ?
Et Maigret répondit sans trop savoir ce qu’il disait, comme si on lui eût demandé ce qu’il buvait :
— La maison du crime…
Les vacances continuaient. Maigret fumait un cigare que l’inspecteur lui avait offert. Le cheval trottait au bord de la mer. À droite, des villas étaient enfouies dans les pins ; à gauche, quelques roches, puis l’eau bleue piquée de deux ou trois voiles blanches.
— Vous vous rendez compte de la topographie ? Derrière nous, c’est Antibes… À partir d’ici commence le cap d’Antibes, où il n’y a plus que des villas, surtout de très riches villas…
Maigret approuvait, béat. Tout ce soleil qui lui entrait dans la tête l’étourdissait, et il clignait de l’œil vers la fleur pourpre de Boutigues.
— Vous avez dit Boutigues, n’est-ce pas ?
— Oui, je suis Niçois… Ou plutôt Nicéen !…
Autrement dit Niçois pur jus, Niçois au carré, au cube !
— Penchez-vous ! Vous voyez la villa blanche ? C’est là…
Maigret ne le faisait pas exprès, mais il regardait tout cela sans y croire. Il n’arrivait pas à se mettre dans une atmosphère de travail, à se dire qu’il était là par suite d’un crime.
Il est vrai qu’il avait reçu des instructions assez spéciales :
— Un nommé Brown a été assassiné au cap d’Antibes. Les journaux en parlent beaucoup. Il vaudrait mieux qu’on ne fasse pas trop d’histoires !
— Compris !
— Brown a rendu, pendant la guerre, des services au 2 eBureau !
— Re-compris !
Et voilà ! Le fiacre s’arrêtait. Boutigues tirait une petite clé de sa poche et ouvrait la grille, piétinait le gravier de l’allée.
— C’est une des villas les moins jolies du cap !
Ce n’était pourtant pas mal. Les mimosas saturaient l’air d’une odeur sucrée. Il y avait encore quelques oranges dorées sur de tout petits arbres. Puis des fleurs biscornues, que Maigret ne connaissait même pas.
— En face, c’est la propriété d’un maharadjah… Il doit y être en ce moment… À cinq cents mètres, à gauche, c’est un académicien… Puis il y a la fameuse danseuse qui est avec un lord anglais…
Oui ! Eh bien ! Maigret avait envie de s’asseoir sur le banc qui se dressait contre la maison et de sommeiller une heure ! Il est vrai qu’il avait voyagé toute la nuit.
— Je vous donne, en vrac, quelques explications indispensables.
Boutigues avait ouvert la porte, et l’on pénétrait dans la fraîcheur d’un hall dont les baies s’ouvraient sur la mer.
— Il y a une dizaine d’années que Brown habite ici…
— Il travaille ?
— Il ne fait rien… Il doit avoir des rentes… On dit toujours : Brown et ses deux femmes…
— Deux ?
— En réalité, une seule était sa maîtresse : la fille… Une nommée Gina Martini…
— Elle est en prison ?
— La mère aussi… Ils vivaient tous les trois, sans domestique…
On ne s’en étonnait pas en voyant la maison, d’une propreté douteuse. Peut-être y avait-il quelques belles choses, quelques meubles de valeur, quelques objets ayant eu leur moment de splendeur.
Tout cela était sale, en désordre. Beaucoup trop de tapis, de tissus qui pendaient ou qui étaient étalés sur des fauteuils, beaucoup trop de choses pleines de poussière…
— Maintenant, voici les faits : Brown avait un garage juste à côté de la villa… Il y mettait une auto démodée qu’il conduisait lui-même… Elle servait surtout à aller faire le marché à Antibes…
— Oui… soupira Maigret, qui regardait un pêcheur d’oursins fouillant, de son roseau fendu, le fond de l’eau claire.
— Or, pendant trois jours, on a remarqué que l’auto restait sur la route jour et nuit… Ici, les gens s’occupent peu les uns des autres… On ne s’est pas inquiété… C’est lundi soir que…
— Pardon ! nous sommes bien jeudi ?… Bon !
— Lundi soir, le boucher revenait avec sa camionnette quand il a aperçu la bagnole qui démarrait… Vous lirez sa déposition… Il la voyait de derrière… Il a d’abord cru que Brown était ivre, car il faisait de terribles embardées… Puis l’auto a roulé un moment en ligne droite… Tellement en ligne droite qu’au tournant, à trois cents mètres d’ici, elle a foncé en plein sur le rocher… Avant que le boucher soit intervenu, deux femmes étaient descendues et, entendant un bruit de moteur, elles se mettaient à courir vers la ville…
— Elles portaient des paquets ?
— Trois valises… C’était le crépuscule… Le boucher ne savait que faire… Il est venu ici, place Macé, où, comme vous pouvez le voir, il y a un agent en faction… L’agent s’est lancé à la recherche des deux femmes, qu’il a fini par retrouver alors qu’elles se dirigeaient, non pas vers la gare d’Antibes, mais vers celle de Golfe-Juan, à trois kilomètres.
— Toujours avec les valises ?
— Elles en avaient jeté une en route. On l’a découverte hier dans un bois de tamaris… Elles se sont troublées… Elles ont expliqué qu’elles allaient voir une parente malade à Lyon… L’agent a eu l’idée de faire ouvrir les valises, et il y a trouvé tout un lot de titres au porteur, quelques billets de cent livres, et enfin des objets divers… La foule s’était amassée… C’était l’heure de l’apéritif… Tout le monde était dehors et a escorté les deux femmes jusqu’au commissariat, puis jusqu’à la prison…
— On a fouillé la villa ?
— Le lendemain à la première heure. D’abord on n’a rien trouvé. Les deux femmes prétendaient qu’elles ne savaient pas ce que Brown était devenu. Enfin, vers midi, un jardinier a remarqué de la terre remuée. Sous une couche de moins de cinq centimètres, on découvrait le cadavre de Brown, tout habillé…
— Les deux femmes ?…
— Elles ont changé de musique. Elles ont prétendu que, trois jours auparavant, elles avaient vu l’auto s’arrêter et qu’elles s’étaient étonnées, parce que Brown ne la rentrait pas au garage… Il a traversé le jardin en titubant… Gina lui a crié des injures par la fenêtre, le croyant ivre… Il est tombé sur le perron…
— Mort, bien entendu !
— Tout ce qu’il y a de plus mort ! Il a reçu un coup de couteau par-derrière, juste entre les omoplates…
— Et elles ont vécu trois jours avec lui dans la maison ?
— Oui ! Elles ne donnent aucune raison plausible ! Elles prétendent que Brown avait horreur de la police et de tout ce qui y ressemble…
— Elles l’ont enterré et sont parties avec l’argent et les objets les plus précieux !… Je comprends l’auto sur la route pendant trois jours… Gina, qui ne savait pas très bien conduire, a hésité devant la manœuvre à faire pour pénétrer au garage… Mais dites donc ! il y avait du sang dans la voiture ?
— Pas de sang ! Elles jurent que ce sont elles qui l’ont effacé…
— Et c’est tout ?
— C’est tout ! Elles sont furieuses ! Elles demandent qu’on les relâche…
Le cheval du fiacre hennissait, dehors. Maigret n’osait pas jeter son cigare, qu’il n’avait pas le courage de fumer jusqu’au bout.
— Un whisky ! proposa Boutigues en avisant une cave à liqueurs.
Non, vraiment, cela ne sentait pas le drame ! Maigret faisait un vain effort pour prendre les choses au sérieux. Était-ce la faute au soleil, aux mimosas, aux oranges, au pêcheur qui visait toujours des oursins à travers trois mètres d’eau limpide ?
— Vous pouvez me laisser les clés de la maison ?
— Bien entendu ! Du moment que c’est vous qui prenez l’enquête en main…
Maigret vida le verre de whisky qu’on lui tendait, regarda le disque qui se trouvait sur le phonographe, tourna machinalement les boutons d’un appareil de TSF, et l’on entendit :
— … blés à terme… novembre…
À ce moment, juste derrière l’appareil, il avisa un portrait, qu’il saisit pour le regarder de plus près.
— C’est lui ?
— Oui ! Je ne l’ai jamais vu vivant, mais je le reconnais…
Maigret arrêta l’appareil de TSF, avec un rien de nervosité. Quelque chose s’était déclenché en lui. L’intérêt ? Plus que cela !
Une sensation confuse, assez désagréable, d’ailleurs ! Jusque-là, Brown n’avait été que Brown, un inconnu, étranger presque à coup sûr, qui était mort dans des circonstances plus ou moins mystérieuses. Personne ne s’était demandé ce qu’il avait pensé durant sa vie, quelle avait été sa mentalité, ni ce qu’il avait souffert…
Et voilà qu’en regardant le portrait, Maigret était troublé, parce qu’il avait l’impression de connaître le personnage… Pas même de le connaître pour l’avoir déjà vu…
Non ! Les traits lui étaient indifférents… Une face large d’homme bien portant, plutôt sanguin, aux cheveux roux assez rares, à la petite moustache coupée au ras de la lèvre, aux gros yeux clairs…
Mais il y avait quelque chose, dans l’allure générale, dans l’expression, qui rappelait Maigret lui-même. Une façon de tenir les épaules un peu rentrées… Ce regard exagérément calme… Ce pli à la fois bonhomme et ironique des lèvres…
Ce n’était déjà plus Brown-le-cadavre… C’était un type que le commissaire avait envie de connaître davantage et qui l’intriguait.
— Encore un coup de whisky ? Il n’est pas mauvais…
Читать дальшеИнтервал:
Закладка: