Simenon, Georges - Maigret aux assises
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Il connaissait les lieux. On le voyait gravir lentement l’escalier grisâtre, s’arrêter, non pour souffler, mais parce qu’il hésitait toujours.
— Il monte, patron ! téléphonait Baron, d’un bureau du rez-de-chaussée.
Et Maigret répétait à Janvier, qui se trouvait dans son bureau :
— Il monte.
Ils attendaient tous les deux. C’était long. Meurant ne se décidait pas, rôdait dans le couloir, s’arrêtait devant la porte du commissaire comme s’il allait frapper sans se faire annoncer.
— Qu’est-ce que vous cherchez ? lui demandait Joseph, le vieil huissier.
— Je voudrais parler au commissaire Maigret.
— Venez par ici. Remplissez votre fiche.
Le crayon à la main, il pensait encore à s’en aller et Janvier sortit à ce moment du bureau de Maigret.
— Vous venez voir le commissaire ? Suivez-moi.
Tout cela, pour Meurant, devait se passer comme dans un cauchemar. Il avait le visage de quelqu’un qui n’a guère dormi, les yeux rouges, et il sentait la cigarette et l’alcool. Pourtant, il n’était pas ivre. Il suivait Janvier. Celui-ci lui ouvrait la porte, le faisait passer devant lui et la refermait sans entrer lui-même.
Maigret, à son bureau, apparemment plongé dans l’étude d’un dossier, resta un moment sans lever la tête, puis il se tourna vers son visiteur, sans montrer de surprise, murmura :
— Un instant...
Il annotait un document, puis un autre, murmurait distraitement :
— Asseyez-vous.
Meurant ne s’asseyait pas, n’avançait pas dans la pièce. À bout de patience, il prononçait :
— Vous croyez peut-être que je suis venu vous dire merci ?
Sa voix n’était pas tout à fait naturelle. Il était un peu enroué et il essayait de mettre du sarcasme dans son apostrophe.
— Asseyez-vous, répétait Maigret sans le regarder.
Cette fois, Meurant faisait trois pas, saisissait le dossier d’une chaise au siège garni de velours vert.
— Vous avez fait ça pour me sauver ?
Le commissaire l’examinait enfin des pieds à la tête, calmement.
— Vous paraissez fatigué, Meurant.
— Il ne s’agit pas de moi mais de ce que vous avez fait hier.
Sa voix était plus sourde, comme s’il se fût efforcé de contenir sa colère.
— Je suis venu vous dire que je ne vous crois pas, que vous avez menti, comme ces gens ont menti, que j’aimerais mieux être en prison, que vous avez commis une mauvaise action...
L’alcool provoquait-il en lui un certain décalage ? C’était possible. Pourtant, encore une fois, il n’était pas ivre et, ces phrases-là, il avait dû les répéter dans sa tête une bonne partie de la nuit.
— Asseyez-vous.
Enfin ! Il s’y décidait, à contrecœur, comme s’il eût flairé un piège.
— Vous pouvez fumer.
Par protestation, pour ne rien devoir au commissaire, il ne le faisait pas, malgré son envie, et sa main tremblait.
— Il vous est facile de faire dire ce que vous voulez à des gens comme ça, qui dépendent de la police...
Il s’agissait évidemment de Nicolas Cajou, tenancier d’un hôtel de passe, et de la femme de chambre.
Maigret allumait sa pipe, lentement, attendait.
— Vous savez aussi bien que moi que c’est faux...
Son angoisse lui mettait des gouttes de sueur au front. Maigret parlait enfin.
— Vous prétendez que vous avez tué votre tante et la petite Cécile Perrin ?
— Vous savez bien que non.
— Je ne le sais pas, mais je suis persuadé que vous ne l’avez pas fait. Pourquoi, croyez-vous ?
Surpris, Meurant ne trouvait rien à répondre.
— Il y a beaucoup d’enfants dans l’immeuble que vous habitez, boulevard de Charonne, n’est-ce pas ?
Meurant disait oui, machinalement.
— Vous les entendez aller et venir. Il arrive qu’au retour de l’école ils jouent dans l’escalier. Vous leur parlez parfois ?
— Je les connais.
— Bien que n’ayant pas d’enfant vous-même, vous êtes au courant des heures de classe. Cela m’a frappé, dès le début de l’enquête. Cécile Perrin fréquentait l’école maternelle. Léontine Faverges allait l’y chercher chaque jour, sauf le jeudi, à quatre heures de l’après-midi. Jusque quatre heures, votre tante était donc seule dans l’appartement.
Meurant s’efforçait de comprendre.
— Vous aviez une grosse échéance le 28 février, soit. Il est possible que, la dernière fois que vous lui avez emprunté de l’argent, Léontine Faverges vous ait signifié qu’elle ne céderait plus. En supposant que vous ayez projeté de la tuer pour vous emparer de l’argent du vase chinois et des titres...
— Je ne l’ai pas tuée.
— Laissez-moi finir. En supposant, dis-je, que vous ayez eu cette idée, vous n’aviez aucune raison de vous rendre rue Manuel après quatre heures et, par conséquent, d’avoir à tuer deux personnes au lieu d’une. Les criminels qui s’en prennent aux enfants sans nécessité sont rares et ceux-là appartiennent à une catégorie bien définie.
On aurait pu croire que Meurant, une buée dans les yeux, était sur le point de pleurer.
— Celui qui a assassiné Léontine Faverges et l’enfant, ou bien ignorait l’existence de cette dernière, ou bien était obligé de faire son coup en fin d’après-midi. Or, s’il connaissait le secret du vase et le tiroir aux actions, il est vraisemblable qu’il connaissait aussi la présence de Cécile Perrin dans l’appartement.
— Où voulez-vous en venir ?
— Fumez une cigarette.
L’homme obéissait machinalement, continuait à regarder Maigret d’un œil soupçonneux où il n’y avait déjà plus la même colère.
— Nous supposons toujours, n’est-ce pas ? L’assassin sait que vous devez venir vers six heures rue Manuel. Il n’ignore pas que les médecins légistes — les journaux l’ont assez répété — sont capables de déterminer à une heure ou deux près, dans la plupart des cas, l’heure de la mort.
— Personne ne savait que...
Sa voix aussi avait changé et, maintenant, son regard se détournait du visage du commissaire.
— En commettant son crime vers cinq heures, le meurtrier était à peu près sûr que vous seriez soupçonné. Il ne pouvait prévoir qu’un client se présenterait à votre atelier à six heures et, d’ailleurs, le professeur de musique n’a pu fournir un témoignage formel, puisqu’il n’est pas sûr de la date.
— Personne ne savait... répétait Meurant mécaniquement.
Maigret, soudain, changeait de sujet.
— Vous connaissez vos voisins, boulevard de Charonne ?
— Je les salue dans l’escalier.
— Ils ne viennent jamais chez vous, même pour une tasse de café ? Vous n’allez pas chez eux ? Vous n’entretenez avec aucun des relations plus ou moins amicales ?
— Non.
— Il y a donc des chances pour qu’ils n’aient jamais entendu parler de votre tante.
— Maintenant, oui !
— Pas avant. Votre femme et vous aviez beaucoup d’amis à Paris ?
Meurant répondait de mauvaise grâce, comme s’il craignait, en cédant sur un point, d’avoir à lâcher sur toute la ligne.
— Qu’est-ce que cela change ?
— Chez qui alliez-vous dîner à l’occasion ?
— Chez personne.
— Avec qui sortiez-vous le dimanche ?
— Avec ma femme.
— Et elle n’a pas de famille à Paris. Vous non plus, à part votre frère, qui vit le plus souvent dans le Midi et avec qui, depuis deux ans, vous avez rompu les relations.
— Nous ne nous sommes pas disputés.
— Vous avez cependant cessé de le voir.
Et Maigret paraissait à nouveau changer de sujet.
— Combien existe-t-il de clés de votre appartement ?
— Deux. Ma femme en a une, moi l’autre.
— Il n’arrivait jamais qu’en sortant l’un de vous deux laisse la clé à la concierge ou à un voisin ?
Meurant préférait se taire, comprenant que Maigret ne disait rien sans raison, incapable toutefois de voir où il voulait en venir.
— La serrure, ce jour-là, n’a pas été forcée, les experts qui l’ont étudiée l’affirment. Pourtant, si vous n’avez pas tué, quelqu’un est entré chez vous par deux fois, la première pour prendre votre complet bleu dans l’armoire de la chambre à coucher, la seconde pour l’y remettre avec tant de soin que vous ne vous êtes aperçu de rien. Vous l’admettez ?
— Je n’admets rien. Tout ce que je sais, c’est que ma femme...
— Quand vous l’avez rencontrée, voilà sept ans, vous étiez un solitaire. Est-ce que je me trompe ?
— Je travaillais toute la journée et, le soir, je lisais, j’allais parfois au cinéma.
— Est-ce qu’elle s’est jetée à votre cou ?
— Non.
— D’autres hommes, d’autres clients du restaurant où elle était serveuse, ne lui faisaient-ils pas la cour ?
Il serrait les poings.
— Et alors ?
— Combien de temps avez-vous été obligé d’insister pour qu’elle accepte de sortir avec vous ?
— Trois semaines.
— Qu’avez-vous fait, le premier soir ?
— Nous sommes allés au cinéma, puis elle a voulu danser.
— Vous dansez bien ?
— Non.
— Elle s’est moquée de vous ?
Il ne répondit pas, de plus en plus dérouté par la tournure de l’entretien.
— Vous l’avez emmenée ensuite chez vous ?
— Non.
— Pourquoi ?
— Parce que je l’aimais.
— Et la seconde fois ?
— Nous sommes encore allés au cinéma.
— Ensuite ?
— À l’hôtel.
— Pourquoi pas chez vous ?
— Parce que je vivais dans une chambre mal meublée au fond d’une cour.
— Vous aviez déjà l’intention de l’épouser et vous craigniez de la décourager ?
— J’ai tout de suite eu envie d’en faire ma femme.
— Vous saviez qu’elle avait eu beaucoup d’amis ?
— Cela ne regarde personne. Elle était libre.
— Vous lui avez parlé de votre métier, de votre magasin ? Car vous aviez déjà un magasin, faubourg Saint-Antoine, si je ne me trompe.
— Bien sûr que je lui en ai parlé.
— N’était-ce pas avec l’arrière-pensée de la tenter ? En vous épousant, elle deviendrait la femme d’un commerçant.
Meurant avait rougi.
— Comprenez-vous à présent que c’est vous qui avez voulu l’avoir et que, pour y arriver, vous n’avez pas hésité à tricher un peu ? Aviez-vous des dettes ?
— Non.
— Des économies ?
— Non.
— Elle ne vous a pas parlé de son désir de tenir un jour un restaurant ?
— Plusieurs fois.
— Que lui avez-vous répondu ?
— Peut-être.
— Vous aviez l’intention de changer de métier ?
— Pas à cette époque-là.
— Vous ne vous y êtes décidé que plus tard, après deux ans de mariage, quand elle est revenue à charge et qu’elle vous a parlé d’une occasion exceptionnelle.
Il était troublé et Maigret poursuivait, implacable :
— Vous étiez jaloux. Par jalousie, vous la forciez à rester à la maison au lieu de travailler comme elle en avait envie. Vous habitiez alors un logement de deux pièces, rue de Turenne. Chaque soir, vous insistiez pour qu’elle vous fournisse l’emploi de son temps. Étiez-vous réellement persuadé qu’elle vous aimait ?
— Je le croyais.
— Sans arrière-pensée ?
— Cela n’existe pas.
— Votre frère, je pense, vous voyait assez souvent ?
— Il vivait à Paris.
— Sortait-il avec votre femme ?
— Il nous arrivait de sortir tous les trois.
— Ils ne sortaient jamais tous les deux ?
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