Луи-Фердинанд Селин - Voyage au bout de la nuit / Путешествие на край ночи. Книга для чтения на французском языке

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    Voyage au bout de la nuit / Путешествие на край ночи. Книга для чтения на французском языке
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    978-5-9925-1311-0
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Луи-Фердинанд Селин - Voyage au bout de la nuit / Путешествие на край ночи. Книга для чтения на французском языке краткое содержание

Voyage au bout de la nuit / Путешествие на край ночи. Книга для чтения на французском языке - описание и краткое содержание, автор Луи-Фердинанд Селин, читайте бесплатно онлайн на сайте электронной библиотеки LibKing.Ru
Роман французского писателя Луи-Фердинанда Селина «Путешествие на край ночи», написанный в 1932 году, является одним из важнейших произведений французской литературы XX в. Исповедь интеллигентного человека, представителя «потерянного поколения» прошедших сквозь ужасы Первой мировой войны и разуверившихся в жизни, была с восторгом принята частью литераторов – достаточно упомянуть Генри Миллера и Чарльза Буковски – и категорически отрицалась другими. Книга адресована всем любителям современной французской литературы.

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Tout marchait parfaitement en somme et nous étions bien en train de gagner la guerre, quand certain beau jour, à l’heure du déjeuner, je la trouvai bouleversée, se refusant à toucher un seul plat du repas. L’appréhension d’un malheur arrivé, d’une maladie soudaine me gagna. Je la suppliai de se fier à mon affection vigilante.

D’avoir goûté ponctuellement les beignets pendant tout un mois, Lola avait grossi de deux bonnes livres! Son petit ceinturon témoignait d’ailleurs, par un cran, du désastre. Vinrent les larmes. Essayant de la consoler, de mon mieux, nous parcourûmes, sous le coup de l’émotion, en taxi, plusieurs pharmaciens, très diversement situés. Par hasard, implacables, toutes les balances confirmèrent que les deux livres étaient bel et bien acquises, indéniables. Je suggérai alors qu’elle abandonne son service à une collègue qui, elle, au contraire, recherchait des « avantages ». Lola ne voulut rien entendre de ce compromis qu’elle considérait comme une honte et une véritable petite désertion dans son genre. C’est même à cette occasion qu’elle m’apprit que son arrière-grand-oncle avait fait, lui aussi, partie de l’équipage à tout jamais glorieux du Mayflower débarqué à Boston en 1677, et qu’en considération d’une pareille mémoire, elle ne pouvait songer à se dérober, elle, au devoir des beignets, modeste certes, mais sacré quand même.

Toujours est-il que de ce jour, elle ne goûtait plus les beignets que du bout des dents, qu’elle possédait d’ailleurs toutes bien rangées et mignonnes. Cette angoisse de grossir était arrivée à lui gâter tout plaisir. Elle dépérit. Elle eut en peu de temps aussi peur des beignets que moi des obus. Le plus souvent à présent, nous allions nous promener par hygiène de long en large, à cause des beignets, sur les quais, sur les boulevards, mais nous n’entrions plus au Napolitain, à cause des glaces qui font, elles aussi, engraisser les dames.

Jamais je n’avais rien rêvé d’aussi confortablement habitable que sa chambre, toute bleu pâle, avec une salle de bains à côté. Des photos de ses amis, partout, des dédicaces, peu de femmes, beaucoup d’hommes, de beaux garçons, bruns et frisés, son genre, elle me parlait de la couleur de leurs yeux, et puis de ces dédicaces tendres, solennelles, et toutes, définitives. Au début, pour la politesse, ça me gênait, au milieu de toutes ces effigies, et puis on s’habitue.

Dès que je cessais de l’embrasser, elle y revenait, je n’y coupais pas, sur les sujets de la guerre ou des beignets. La France tenait de la place dans nos conversations. Pour Lola, la France demeurait une espèce d’entité chevaleresque, aux contours peu définis dans l’espace et le temps, mais en ce moment dangereusement blessée et à cause de cela même très excitante. Moi, quand on me parlait de la France, je pensais irrésistiblement à mes tripes, alors forcément, j’étais beaucoup plus réservé pour ce qui concernait l’enthousiasme. Chacun sa terreur. Cependant, comme elle était complaisante au sexe, je l’écoutais sans jamais la contredire. Mais question d’âme, je ne la contentais guère. C’est tout vibrant, tout rayonnant qu’elle m’aurait voulu et moi, de mon côté, je ne concevais pas du tout pourquoi j’aurais été dans cet état-là, sublime, je voyais au contraire mille raisons, toutes irréfutables, pour demeurer d’humeur exactement contraire.

Lola, après tout, ne faisait que divaguer de bonheur et d’optimisme, comme tous les gens qui sont du bon côté de la vie, celui des privilèges, de la santé, de la sécurité et qui en ont encore pour longtemps à vivre.

Elle me tracassait avec les choses de l’âme, elle en avait plein la bouche. L’âme, c’est la vanité et le plaisir du corps tant qu’il est bien portant, mais c’est aussi l’envie d’en sortir du corps dès qu’il est malade ou que les choses tournent mal. On prend des deux poses celle qui vous sert le plus agréablement dans le moment et voilà tout! Tant qu’on peut choisir entre les deux, ça va. Mais moi, je ne pouvais plus choisir, mon jeu était fait! J’étais dans la vérité jusqu’au trognon, et même que ma propre mort me suivait pour ainsi dire pas à pas. J’avais bien du mal à penser à autre chose qu’à mon destin d’assassiné en sursis, que tout le monde d’ailleurs trouvait pour moi tout à fait normal.

Cette espèce d’agonie différée, lucide, bien portante, pendant laquelle il est impossible de comprendre autre chose que des vérités absolues, il faut l’avoir endurée pour savoir à jamais ce qu’on dit.

Ma conclusion c’était que les Allemands pouvaient arriver ici, massacrer, saccager, incendier tout, l’hôtel, les beignets, Lola, les Tuileries, les Ministres, leurs petits amis, la Coupole, le Louvre, les Grands Magasins, fondre sur la ville, y foutre le tonnerre de Dieu, le feu de l’enfer, dans cette foire pourrie à laquelle on ne pouvait vraiment plus rien ajouter de plus sordide, et que moi, je n’avais cependant vraiment rien à perdre, rien, et tout à gagner.

On ne perd pas grand-chose quand brûle la maison du propriétaire. Il en viendra toujours un autre, si ce n’est pas toujours le même, Allemand ou Français, ou Anglais ou Chinois, pour présenter, n’est-ce pas, sa quittance à l’occasion… En marks ou francs? Du moment qu’il faut payer…

En somme, il était salement mauvais, le moral. Si je lui avais dit ce que je pensais de la guerre, à Lola, elle m’aurait pris pour un monstre tout simplement, et chassé des dernières douceurs de son intimité. Je m’en gardais donc bien, de lui faire ces aveux. J’éprouvais, d’autre part, quelques difficultés et rivalités encore. Certains officiers essayaient de me la souffler, Lola. Leur concurrence était redoutable, armés qu’ils étaient eux, des séductions de leur Légion d’honneur. Or, on se mit à en parler beaucoup de cette fameuse Légion d’honneur dans les journaux américains. Je crois même qu’à deux ou trois reprises où je fus cocu, nos relations eussent été très menacées, si au même moment cette frivole ne m’avait découvert soudain une utilité supérieure, celle qui consistait à goûter chaque matin les beignets à sa place.

Cette spécialisation de la dernière minute me sauva. De ma part, elle accepta le remplacement. N’étais-je pas moi aussi un valeureux combattant, donc digne de cette fonction de confiance! Dès lors, nous ne fûmes plus seulement amants mais associés. Ainsi débutèrent les temps modernes.

Son corps était pour moi une joie qui n’en finissait pas. Je n’en avais jamais assez de le parcourir ce corps américain. J’étais à vrai dire un sacré cochon. Je le demeurai.

Je me formai même à cette conviction bien agréable et renforçatrice qu’un pays apte à produire des corps aussi audacieux dans leur grâce et d’une envolée spirituelle aussi tentante devait offrir bien d’autres révélations capitales au sens biologique il s’entend.

Je décidai, à force de peloter Lola, d’entreprendre tôt ou tard le voyage aux États-Unis, comme un véritable pèlerinage et cela dès que possible. Je n’eus en effet de cesse et de repos (à travers une vie pourtant implacablement contraire et tracassée) avant d’avoir mené à bien cette profonde aventure, mystiquement anatomique.

Je reçus ainsi tout près du derrière de Lola le message d’un nouveau monde. Elle n’avait pas qu’un corps Lola, entendons-nous, elle était ornée aussi d’une tête menue, mignonne et un peu cruelle à cause des yeux bleu grisaille qui lui remontaient d’un tantinet vers les angles, tels ceux des chats sauvages.

Rien que la regarder en face, me faisait venir l’eau à la bouche comme par un petit goût de vin sec, de silex. Des yeux durs en résumé, et point animés par cette gentille vivacité commerciale, orientalo-fragonarde qu’ont presque tous les yeux de par ici.

Nous nous retrouvions le plus souvent dans un café d’à côté. Les blessés de plus en plus nombreux clopinaient à travers les rues, souvent débraillés. À leur bénéfice il s’organisait des quêtes, « Journées » pour ceux-ci, pour ceux-là, et surtout pour les organisateurs des « Journées ». Mentir, baiser, mourir. Il venait d’être défendu d’entreprendre autre chose. On mentait avec rage au-delà de l’imaginaire, bien au-delà du ridicule et de l’absurde, dans les journaux, sur les affiches, à pied, à cheval, en voiture. Tout le monde s’y était mis. C’est à qui mentirait plus énormément que l’autre. Bientôt, il n’y eut plus de vérité dans la ville.

Le peu qu’on y trouvait en 1914, on en était honteux à présent. Tout ce qu’on touchait était truqué, le sucre, les avions, les sandales, les confitures, les photos; tout ce qu’on lisait, avalait, suçait, admirait, proclamait, réfutait, défendait, tout cela n’était que fantômes haineux, truquages et mascarades. Les traîtres eux-mêmes étaient faux. Le délire de mentir et de croire s’attrape comme la gale. La petite Lola ne connaissait du français que quelques phrases mais elles étaient patriotiques: « On les aura!.. », « Madelon, viens!.. » C’était à pleurer.

Elle se penchait ainsi sur notre mort avec entêtement, impudeur, comme toutes les femmes d’ailleurs, dès que la mode d’être courageuse pour les autres est venue.

Et moi qui précisément me découvrais tant de goût pour toutes les choses qui m’éloignaient de la guerre! Je lui demandai à plusieurs reprises des renseignements sur son Amérique à Lola, mais elle ne me répondait alors que par des commentaires tout à fait vagues, prétentieux et manifestement incertains, tendant à faire sur mon esprit une brillante impression.

Mais, je me méfiais des impressions à présent. On m’avait possédé une fois à l’impression, on ne m’aurait plus au boniment. Personne.

Je croyais à son corps, je ne croyais pas à son esprit. Je la considérais comme une charmante embusquée, la Lola, à l’envers de la guerre, à l’envers de la vie.

Elle traversait mon angoisse avec la mentalité du Petit Journal : Pompon, Fanfare, ma Lorraine et gants blancs… En attendant je lui faisais des politesses de plus en plus fréquentes, parce que je lui avais assuré que ça la ferait maigrir. Mais elle comptait plutôt sur nos longues promenades pour y parvenir. Je les détestais, quant à moi, les longues promenades. Mais elle insistait.

Nous fréquentions ainsi très sportivement le Bois de Boulogne, pendant quelques heures, chaque après-midi, le « Tour des Lacs ».

La nature est une chose effrayante et même quand elle est fermement domestiquée, comme au Bois, elle donne encore une sorte d’angoisse aux véritables citadins. Ils se livrent alors assez facilement aux confidences. Rien ne vaut le Bois de Boulogne, tout humide, grillagé, graisseux et pelé qu’il est, pour faire affluer les souvenirs, incoercibles, chez les gens des villes en promenade entre les arbres. Lola n’échappait pas à cette mélancolique et confidente inquiétude. Elle me raconta mille choses à peu près sincères, en nous promenant ainsi, sur sa vie de New York, sur ses petites amies de là-bas.

Je n’arrivais pas à démêler tout à fait le vraisemblable, dans cette trame compliquée de dollars, de fiançailles, de divorces, d’achats de robes et de bijoux dont son existence me paraissait comblée.

Nous allâmes ce jour‐là vers le champ de courses. On rencontrait encore dans ces parages des fiacres nombreux et des enfants sur des ânes, et d’autres enfants à faire de la poussière et des autos bondées de permissionnaires qui n’arrêtaient pas de chercher en vitesse des femmes vacantes par les petites allées, entre deux trains, soulevant plus de poussière encore, pressés d’aller dîner et de faire l’amour, agités et visqueux, aux aguets, tracassés par l’heure implacable et le désir de vie. Ils en transpiraient de passion et de chaleur aussi.

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