Simenon, Georges - Au Rendez-vous des Terre-Neuvas

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    Au Rendez-vous des Terre-Neuvas
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Simenon, Georges - Au Rendez-vous des Terre-Neuvas краткое содержание

Au Rendez-vous des Terre-Neuvas - описание и краткое содержание, автор Simenon, Georges, читайте бесплатно онлайн на сайте электронной библиотеки LibKing.Ru

- Que c'est le meilleur petit-gars du pays et que sa maman, qui n'a que lui, est capable d'en mourir. J'ai la certitude, comme tout le monde ici, qu'il est innocent. Mais les marins à qui j'en ai parlé prétendent qu'il sera condamné parce que les tribunaux civils n'ont jamais rien compris aux choses de la mer...


" Fais tout ce que tu pourras, comme si c'était pour toi-même... J'ai appris par les journaux que tu es devenu une haute personnalité de la Police judiciaire... " C'était un matin de juin ; Mme Maigret, dans l'appartement du boulevard Richard-Lenoir, dont toutes les fenêtres étaient ouvertes, achevait de bourrer de grandes malles d'osier, et Maigret, sans faux col, lisait à mi-voix. " De qui est-ce ?


- Jorissen... Nous avons été à l'école ensemble... Il est devenu instituteur à Quimper... Dis donc, tu tiens beaucoup à ce que nous passions nos huit jours de vacances en Alsace ?....


[http://www.amazon.fr/Au-rendez-vous-Terres-Neuvas-Georges-Simenon/dp/2253142980](http://www.amazon.fr/Au-rendez-vous-Terres-Neuvas-Georges-Simenon/dp/2253142980)

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GEORGES SIMENON

Au Rendez-Vous

des Terre-Neuvas

Maigret IX

ARTHÈME FAYARD 1 Le mangeur de verre que cest le meilleur petit gars du - фото 1

ARTHÈME FAYARD

1

Le mangeur de verre

… que c’est le meilleur petit gars du pays et que sa maman, qui n’a que lui, est capable d’en mourir. J’ai la certitude, comme tout le monde ici, qu’il est innocent. Mais les marins à qui j’en ai parlé prétendent qu’il sera condamné parce que les tribunaux civils n’ont jamais rien compris aux choses de la mer…

Fais tout ce que tu pourras, comme si c’était pour toi-même… J’ai appris par les journaux que tu es devenu une haute personnalité de la Police Judiciaire et…

C’était un matin de juin, M meMaigret, dans l’appartement du boulevard Richard-Lenoir, dont toutes les fenêtres étaient ouvertes, achevait de bourrer de grandes malles d’osier, et Maigret, sans faux col, lisait à mi-voix.

— De qui est-ce ?

— Jorissen… Nous avons été à l’école ensemble… Il est devenu instituteur à Quimper… Dis donc, tu tiens beaucoup à ce que nous passions nos huit jours de vacances en Alsace ?…

Elle le regarda sans comprendre, tant la question était inattendue. Il y avait vingt ans qu’ils passaient invariablement leurs congés chez des parents, dans le même village de l’Est.

— Si nous allions plutôt à la mer ?…

Il relut à mi-voix des passages de la lettre :

… tu es mieux placé que moi pour obtenir des renseignements précis. En bref, Pierre Le Clinche, un jeune homme de vingt ans qui a été mon élève, s’est embarqué il y a trois mois à bord de l’Océan, un chalutier de Fécamp qui pêche la morue à Terre-Neuve. Le navire est rentré au port avant-hier. Quelques heures plus tard, on découvrait le corps du capitaine dans le bassin et tous les indices font croire à un crime. Or, c’est Pierre Le Clinche qu’on a arrêté…

— Nous ne serons pas plus mal pour nous reposer à Fécamp qu’ailleurs ! soupira Maigret sans enthousiasme.

Il y eut de la résistance. M meMaigret, là-bas, en Alsace, était en famille, aidait à faire les confitures et la liqueur de prunes. L’idée de vivre dans un hôtel, au bord de la mer, en compagnie d’autres Parisiens, l’effrayait.

— Qu’est-ce que je ferai toute la journée ?

Enfin elle emporta des travaux de couture et de crochet.

— Surtout, ne me demande pas de prendre des bains ! J’aime mieux t’avertir dès maintenant…

Ils étaient arrivés à cinq heures à l ’Hôtel de la Plage , où M meMaigret avait commencé aussitôt à aménager la chambre à sa guise. Puis ils avaient dîné.

Et maintenant Maigret, tout seul, poussait la porte à vitre dépolie d’un café du port : Au Rendez-Vous des Terre-Neuvas .

C’était juste en face du chalutier Océan , amarré à quai, près d’une file de wagons. Des lampes à acétylène pendaient aux agrès et des gens s’agitaient dans la lumière crue, déchargeant la morue qui passait de main en main et qu’on entassait dans les wagons après l’avoir pesée.

Ils étaient dix, hommes et femmes, sales, déchirés, saturés de sel, à travailler. Et devant la bascule un jeune homme bien propre, le canotier sur l’oreille, un carnet à la main, pointait les pesées.

Une odeur rance, écœurante, qui ne s’atténuait pas quand on s’éloignait, s’infiltrait, rendue plus sourde encore par la chaleur, dans le bistrot.

Maigret s’assit sur la banquette, dans un coin libre. Il pénétrait en plein vacarme, en pleine agitation. Il y avait des hommes debout, d’autres assis, des verres sur le marbre des tables. Rien que des marins.

— Qu’est-ce que ce sera ?…

— Un demi…

Le patron arrivait près de la fille de salle.

— Vous savez que j’ai une autre pièce à côté, pour les touristes ?… Ici ils font tellement de bruit !…

Un clin d’œil.

— Après trois mois de mer, hein ! ça se comprend…

— C’est l’équipage de l’ Océan ?

La plupart… Les autres bateaux ne sont pas encore rentrés… Il ne faut pas faire attention… Il y a des gars qui n’ont pas dessoûlé depuis trois jours… Vous restez là ?… Vous êtes peintre ; je parie… Il en vient de temps en temps, qui prennent des croquis… Tenez ! il y en a un qui a fait ma tête, là, au-dessus du comptoir…

Mais le commissaire donnait si peu de prise au bavardage que le patron, décontenancé, s’éloigna.

— Une pièce de deux sous en bronze ! Qui est-ce qui a une pièce de deux sous en bronze ?… criait un marin pas plus haut ni plus gras qu’un gamin de seize ans.

Sa tête était vieille, les traits irréguliers. Des dents manquaient. L’ivresse faisait briller les yeux et une barbe de trois jours envahissait les joues.

On lui donna une pièce. Il la plia en deux, d’un effort des doigts, puis il la mit entre ses dents et la sectionna.

— À qui le tour ?

Il paradait. Il se sentait le centre de l’attention générale, et il était capable de faire n’importe quoi pour le rester.

Comme un mécanicien bouffi saisissait une pièce, il intervint :

— Attends !… C’est ceci aussi qu’il faut faire…

Il prit un verre vide, y mordit à pleines dents, mâcha le verre en imitant la satisfaction d’un gourmet.

— Ha ! Ha ! Pouvez toujours y venir… Verse à boire, Léon !…

Il lançait autour de lui des regards de cabotin qui s’arrêtèrent sur Maigret. Et alors ses sourcils se froncèrent.

Un instant il eut l’air désemparé. Puis il s’avança, dut s’appuyer à une table tant il était ivre.

— C’est pour moi ?… questionna-t-il, crâneur.

— Doucement, P’tit Louis !

— Toujours le truc du portefeuille ?… Dites donc, vous autres !… Vous vouliez pas me croire, tout à l’heure, quand je vous racontais mes histoires de la rue de Lappe… Eh bien, voilà un flic haut placé qui se dérange exprès pour bibi… Permettez que je boive encore un coup ?…

Maintenant on observait Maigret.

— Assieds-toi ici, P’tit Louis !… Fais pas l’imbécile !…

Et l’autre pouffait :

— T’offres un glass ?… Non !… C’est pas possible !… Permettez, hein ! les copains ?… M. le commissaire me paie à boire ?… Du fil en six, Léon !…

— Tu étais à bord de l’ Océan ?

Changement à vue. P’tit Louis se rembrunit au point qu’on put croire que son ivresse disparaissait. Il recula un peu, méfiant, sur la banquette.

— Et puis après ?…

— Rien… À ta santé… Il y a longtemps que tu es soûl ?…

— Il y a trois jours qu’on fait la foire… Depuis qu’on a débarqué, quoi !… J’ai donné mon argent à Léon… Neuf cents et des francs… Tant qu’il en reste !… Combien qu’il me reste, Léon, vieille fripouille ?…

— Sûrement pas de quoi payer des tournées jusqu’au matin ! Dans les cinquante francs… Si ce n’est pas malheureux, monsieur le commissaire ! Demain il n’aura plus un sou et il sera obligé d’embarquer sur n’importe quel bateau, comme soutier… Et c’est chaque fois comme ça !… Remarquez que je ne le pousse pas à la consommation !… Au contraire !…

— Ta gueule !…

Les autres avaient perdu leur entrain. Ils parlaient bas en se tournant sans cesse vers la table du commissaire.

— Ils sont tous de l’ Océan ?

— Sauf le gros en casquette qui est pilote et le rouquin qui est charpentier maritime…

— Raconte-moi ce qui s’est passé.

— J’ai rien à dire.

— Attention, P’tit Louis ! N’oublie pas le coup du portefeuille, quand tu faisais le mangeur de verre à la Bastille.

— Ça ne me vaudra jamais que trois mois et j’ai justement besoin de repos… Si le cœur vous en dit, on peut y aller tout de suite…

— Tu travaillais aux machines ?

— Turellement ! Comme toujours ! J’étais second chauffeur !

— Tu voyais souvent le capitaine ?

— Peut-être deux fois en tout !

— Et le télégraphiste ?

— Sais pas !

— Léon ! Remplissez les verres…

P’tit Louis eut un rire méprisant.

— J’serais soûl à crever que je ne dirais quand même pas ce que je voudrais dire… Mais, tant que vous y êtes, vous pourriez offrir une tournée aux copains… Après une saloperie de campagne comme celle-là !…

Un marin qui n’avait pas vingt ans s’approchait, sournois, tirait P’tit Louis par la manche. Et tous deux se mettaient à parler breton.

— Qu’est-ce qu’il dit ?

— Qu’il est temps que j’aille me coucher…

— C’est ton ami ?

P’tit Louis haussa les épaules et, comme l’autre voulait lui prendre son verre, il l’avala d’un trait, par défi.

Le Breton avait d’épais sourcils, une crinière ondulée.

— Assieds-toi avec nous… lui dit Maigret.

Mais, sans répondre, le marin alla s’asseoir à une autre table, continua à laisser peser son regard sur les deux hommes.

L’atmosphère était lourde, saumâtre. On entendait des touristes qui jouaient aux dominos dans la salle voisine, plus claire et plus propre.

— Beaucoup de morue ? questionna Maigret qui suivait son idée avec l’implacabilité d’une foreuse mécanique.

— De la saleté ! Elle est arrivée à moitié pourrie…

— À cause de quoi ?

— Pas assez salée… Ou trop !… De la saleté, quoi !… Il n’y aura pas le tiers des hommes pour rembarquer la semaine prochaine…

— L’ Océan repart ?

— Parbleu ! À quoi cela servirait-il d’avoir des machines ? Les voiliers ne font qu’une campagne, de février à septembre. Mais les chalutiers ont le temps d’aller deux fois sur le banc…

— Tu y retourneras ?

P’tit Louis cracha par terre, haussa les épaules avec lassitude.

— J’aimerais autant aller à Fresnes… Une saloperie !…

— Le capitaine ?…

— Je n’ai rien à dire !

Il avait allumé un bout de cigare qui traînait. Il eut un haut-le-cœur, se précipita vers la rue où on le vit vomir, debout au bord du trottoir, où le Breton le rejoignit.

— Si ce n’est pas malheureux ! soupirait le patron du café. Avant-hier, il avait près de mille francs en poche ! Aujourd’hui, c’est tout juste s’il ne me doit pas d’argent ! Des huîtres et de la langouste ! Sans compter qu’il paie à boire à tout le monde, comme s’il ne savait que faire de son argent…

— Vous connaissiez le télégraphiste de l’Océan ?

— Il couchait ici… Tenez ! il prenait ses repas à cette table, puis il allait écrire dans l’autre salle, pour être plus tranquille…

— Écrire à qui ?

— Pas seulement des lettres… Comme qui dirait de la poésie ou des romans… Un garçon instruit, bien élevé… Maintenant que je sais que vous êtes de la police, je peux bien vous dire que c’est une erreur qu’on a commise de…

— N’empêche que le capitaine a été tué !

Haussement d’épaules. Le patron s’assit devant Maigret. P’tit Louis qui rentrait se dirigea vers le comptoir et commanda à boire. Et son compagnon, en bas-breton, continuait à lui prêcher le calme.

— Il ne faut pas faire attention… Une fois à terre, ils sont comme ça, ils boivent, ils crient, ils se battent, ils cassent les vitres… À bord, ça travaille comme pas un !… Tenez ! Même P’tit Louis !… Le chef mécanicien de l’Océan me disait encore hier qu’il abat la besogne de deux hommes… En mer, un joint de vapeur a sauté… C’était dangereux à réparer… Personne ne voulait y aller… C’est P’tit Louis qui s’en est chargé… Du moment qu’on ne les laisse pas boire…

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