Н. Долгорукова - Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut
- Название:Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut
- Автор:
- Жанр:
- Издательство:Литагент «АСТ»c9a05514-1ce6-11e2-86b3-b737ee03444a
- Год:2014
- Город:Москва
- ISBN:978-5-17-085077-8
- Рейтинг:
- Избранное:Добавить в избранное
-
Отзывы:
-
Ваша оценка:
Н. Долгорукова - Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut краткое содержание
В книге представлен один из шедевров западноевропейской литературы средних веков – Тристан и Изольда. В основе сюжета – трагическая любовь Изольды, жены корнуоллского короля, к племяннику её мужа Тристану. Эту легенду не раз перелагали французские поэты. Здесь представлен перевод на современный французский язык, выполненный в начале прошлого века известным филологом Жозефом Бедье и считающийся едва ли не самым удачным.
Текст снабжён комментариями, в которых поясняются некоторые лексические и грамматические сложности. В конце книги помещён небольшой французско-русский словарь.
Издание предназначено для Уровня 4, то есть для продолжающих изучение французского языка верхней ступени.
Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut - читать онлайн бесплатно ознакомительный отрывок
Интервал:
Закладка:
Elle se délaça des bras du roi, et jeta un manteau fourré de gris sur son corps presque nu. Il lui fallait traverser la salle voisine, où chaque nuit dix chevaliers veillaient à tour de rôle ; tandis que cinq dormaient, les cinq autres, en armes, debout devant les huis et les croisées, guettaient au dehors. Mais, par aventure, ils s’étaient tous endormis, cinq sur des lits, cinq sur les dalles. Iseut franchit leurs corps épars, souleva la barre de la porte : l’anneau sonna, mais sans éveiller aucun des guetteurs. Elle franchit le seuil, et le chanteur se tut.
Sous les arbres, sans une parole, il la pressa contre sa poitrine ; leurs bras se nouèrent fermement autour de leurs corps, et jusqu’à l’aube, comme cousus par des lacs, ils ne se déprirent pas de l’étreinte. Malgré le roi et les guetteurs, les amants mènent leur joie et leurs amours.
Cette nuitée affola les amants ; et les jours qui suivirent, comme le roi avait quitté Tintagel pour tenir ses plaids à Saint-Lubin, Tristan, revenu chez Orri, osa chaque matin, au clair soleil, se glisser par le verger jusqu’aux chambres des femmes.
Un serf le surprit et s’en fut trouver Andret, Denoalen et Gondoïne : « Seigneurs, la bête que vous croyez délogée est revenue au repaire. – Qui ? – Tristan. – Quand l’as-tu vu ? – Ce matin, et je l’ai bien reconnu. Et vous pourrez pareillement demain, à l’aurore, le voir venir, l’épée ceinte, un arc dans une main, deux flèches dans l’autre. – Où le verrons-nous ? – Par telle fenêtre que je sais. Mais, si je vous le montre, combien me donnerez-vous ? – Un marc d’argent, et tu seras un manant riche. – Donc écoutez, dit le serf. On peut voir dans la chambre de la reine par une fenêtre étroite qui la domine, car elle est percée très haut dans la muraille. Mais une grande courtine tendue à travers la chambre masque le pertuis. Que demain, l’un de vous trois pénètre bellement dans le verger ; il coupera une longue branche d’épine et l’aiguisera par le bout ; qu’il se hisse alors jusqu’à la haute fenêtre et pique la branche, comme une broche, dans l’étoffe de la courtine ; il pourra ainsi l’écarter légèrement et vous ferez brûler mon corps, seigneurs, si derrière la tenture vous ne voyez pas alors ce que je vous ai dit ».
Andret, Gondoïne et Denoalen débattirent lequel d’entre eux aurait le premier la joie de ce spectacle, et convinrent enfin de l’octroyer d’abord à Gondoïne. Ils se séparèrent : le lendemain, à l’aube, ils se retrouveraient ; demain, à l’aube, beaux seigneurs, gardez-vous de Tristan !
Le lendemain, dans la nuit encore obscure, Tristan, quittant la cabane d’Orri le forestier, rampa vers le château sous les épais fourrés d’épines. Comme il sortait d’un hallier, il regarda par la clairière et vit Gondoïne qui s’en venait de son manoir. Tristan se rejeta dans les épines et se tapit en embuscade : « Ah ! Dieu ! fais que celui qui s’avance là-bas ne m’aperçoive pas avant l’instant favorable! » L’épée au poing, il l’attendait ; mais, par aventure, Gondoïne prit une autre voie et s’éloigna. Tristan sortit du hallier, déçu, banda son arc, visa ; hélas ! l’homme était déjà hors de portée. À cet instant, voici venir au loin, descendant doucement le sentier, à l’amble d’un petit palefroi noir, Denoalen, suivi de deux grands lévriers. Tristan le guetta, caché derrière un pommier. Il le vit qui excitait ses chiens à lever un sanglier dans un taillis. Mais avant que les lévriers l’aient délogé de sa bauge, leur maître aura reçu telle blessure que nul médecin ne saura la guérir. Quand Denoalen fut près de lui, Tristan rejeta sa chape, bondit, se dressa devant son ennemi. Le traître voulut fuir ; vainement : il n’eut pas le loisir de crier : « Tu me blesses ! » Il tomba de cheval, Tristan lui coupa la tête, trancha les tresses qui pendaient autour de son visage et les mit dans sa chausse : il voulait les montrer à Iseut pour en réjouir le cœur de son amie.
«Hélas ! songeait-il, qu’est devenu Gondoïne ? Il s’est échappé : que n’ai-je pu lui payer même salaire ? » Il essuya son épée, la remit en sa gaine, traîna sur le cadavre un tronc d’arbre, et laissant le corps sanglant, il s’en fut, le chaperon en tête, vers son amie. Au château de Tintagel Gondoïne l’avait devancé : déjà, grimpé sur la haute fenêtre, il avait piqué sa baguette d’épine dans la courtine, écarté légèrement deux pans de l’étoffe, et regardait au travers la chambre bien jonchée. D’abord il n’y vit personne que Perinis ; puis ce fut Brangien qui tenait encore le peigne dont elle venait de peigner la reine aux cheveux d’or. Mais Iseut entra, puis Tristan. Il portait d’une main son arc d’aubier et deux flèches ; dans l’autre il tenait deux longues tresses d’homme. Il laissa tomber sa chape, et son beau corps apparut. Iseut la Blonde s’inclina pour le saluer, et comme elle se redressait, levant la tête vers lui, elle vit, projetée sur la tenture, l’ombre de la tête de Gondoïne.
Tristan lui disait : « Vois-tu ces belles tresses ? Ce sont celles de Denoalen. Je t’ai vengée de lui. Jamais plus il n’achètera ni ne vendra écu ni lance ! – C’est bien, seigneur ; mais tendez cet arc, je vous prie : je voudrais voir s’il est commode à bander ». Tristan le tendit, étonné, comprenant à demi. Iseut prit l’une des deux flèches, l’encocha, regarda si la corde était bonne, et dit à voix basse et rapide : « Je vois chose qui me déplaît. Vise bien, Tristan ! »
Il prit la pose, leva la tête et vit, tout au haut de la courtine, l’ombre de la tête de Gondoïne. « Que Dieu, fait-il, dirige cette flèche! » Il dit, se retourne vers la paroi, tire. La longue flèche siffle dans l’air, émerillon ni hirondelle ne vole si vite, crève l’œil du traître, traverse sa cervelle comme la chair d’une pomme, et s’arrête, vibrante, contre le crâne. Sans un cri, Gondoïne s’abattit et tomba sur un pieu.
Alors Iseut dit à Tristan : « Fuis maintenant, ami ! Tu le vois, les félons connaissent ton refuge ! Andret survit, il l’enseignera au roi ; il n’est plus de sûreté pour toi dans la cabane du forestier ! Fuis, ami, Perinis le Fidèle cachera ce corps dans la forêt, si bien que le roi n’en saura jamais nulles nouvelles. Mais toi, fuis de ce pays, pour ton salut, pour le mien ! »
Tristan dit : « Comment pourrais-je vivre ? – Oui, ami Tristan, nos vies sont enlacées et tissées l’une à l’autre. Et moi, comment pourrais-je vivre ? Mon corps reste ici, tu as mon cœur. – Iseut, amie, je pars, je ne sais pour quel pays. Mais, si jamais tu revois l’anneau de jaspe vert, feras-tu ce que je te demanderai par lui ? – Oui, tu le sais : si je revois l’anneau de jaspe vert, ni tour, ni fort château, ni défense royale ne m’empêcheront de faire la volonté de mon ami, que ce soit folie ou sagesse ! – Amie, que le Dieu né en Béthléem t’en sache gré ! – Ami, que Dieu te garde ! »
XIV
Le grelot merveilleux
Tristan se réfugia en Galles, sur la terre du noble duc Gilain. Le duc était jeune, puissant, débonnaire ; il l’accueillit comme un hôte bienvenu. Pour lui faire honneur et joie, il n’épargna nulle peine ; mais ni les aventures ni les fêtes ne purent apaiser l’angoisse de Tristan.
Un jour qu’il était assis aux côtés du jeune duc, son cœur était si douloureux qu’il soupirait sans même s’en apercevoir. Le duc, pour adoucir sa peine, commanda d’apporter dans sa chambre privée son jeu favori qui, par sortilège, aux heures tristes, charmait ses yeux et son cœur. Sur une table recouverted’une pourpre noble et riche, on plaça son chien Petit-Crû [56]. C’était un chien enchanté : il venait au duc de l’île d’Avallon ; une fée le lui avait envoyé comme un présent d’amour. Nul ne saurait par des paroles assez habiles décrire sa nature et sa beauté. Son poil était coloré de nuances si merveilleusement disposées que l’on ne savait nommer sa couleur ; son encolure semblait d’abord plus blanche que neige, sa croupe plus verte que feuille de trèfle, l’un de ses flancs rouge comme l’écarlate, l’autre jaune comme le safran, son ventre bleu comme le lapis-lazuli, son dos rosé ; mais quand on le regardait plus longtemps, toutes ces couleurs dansaient aux yeux et muaient, tour à tour blanches et vertes, jaunes, bleues, pourprées, sombres ou fraîches. Il portait au cou, suspendu à une chaînette d’or, un grelot au tintement si gai, si clair, si doux, qu’à l’ouïr le cœur de Tristan s’attendrit, s’apaisa, et que sa peine se fondit. Il ne lui souvint plus de tant de misères endurées pour la reine ; car telle était la merveilleuse vertu du grelot : le cœur, à l’entendre sonner si doux, si gai, si clair, oubliait toute peine. Et tandis que Tristan, ému par le sortilège, caressait la petite bête enchantée qui lui prenait tout son chagrin et dont la robe, au toucher de sa main, semblait plus douce qu’une étoffe de samit, il songeait que ce serait là un beau présent pour Iseut. Mais que faire ? Le duc Gilain aimait Petit-Crû par-dessus toute chose, et nul n’aurait pu l’obtenir de lui, ni par ruse, ni par prière.
Un jour, Tristan dit au duc : « Sire, que donneriez-vous à qui délivrerait votre terre du géant Urgan le Velu, qui réclame de vous de si lourds tributs ? – En vérité, je donnerais à choisir à son vainqueur, parmi mes richesses, celle qu’il tiendrait pour la plus précieuse ; mais nul n’osera s’attaquer au géant. – Voilà merveilleuses paroles, reprit Tristan. Mais le bien ne vient jamais dans un pays que par les aventures, et, pour tout l’or de Pavie, je ne renoncerais à mon désir de combattre le géant. – Alors, dit le duc Gilain, que le Dieu né d’une Vierge vous accompagne et vous défende de la mort ! »
Tristan atteignit Urgan le Velu dans son repaire. Longtemps ils combattirent furieusement. Enfin la prouesse triompha de la force, l’épée agile de la lourde massue, et Tristan, ayant tranché le poing droit du géant, le rapporta au duc : « Sire, en récompense, ainsi que vous l’avez promis, donnez-moi Petit-Crû, votre chien enchanté ! – Ami, qu’as-tu demandé ? Laisse-le-moi et prends plutôt ma sœur et la moitié de ma terre. – Sire, votre sœur est belle, et belle est votre terre ; mais c’est pour gagner votre chien-fée que j’ai attaqué Urgan le Velu. Souvenez-vous de votre promesse ! – Prends-le donc ; mais sache que tu m’as enlevé la joie de mes yeux et la gaieté de mon cœur ! »
Tristan confia le chien à un jongleur de Galles, sage et rusé, qui le porta de sa part en Cornouailles. Il parvint à Tintagel et le remit secrètement à Brangien. La reine s’en réjouit grandement, donna en récompense dix marcs d’or au jongleur et dit au roi que la reine d’Irlande, sa mère, envoyait ce cher présent. Elle fit ouvrer pour le chien, par un orfèvre, une niche précieusement incrustée d’or et de pierreries et, partout où elle allait, le portait avec elle, en souvenir de son ami. Et, chaque fois qu’elle le regardait, tristesse, angoisse, regrets s’effaçaient de son cœur. Elle ne comprit pas d’abord la merveille : si elle trouvait une telle douceur à le contempler, c’était, pensait-elle, parce qu’il lui venait de Tristan ; c’était, sans doute, la pensée de son ami qui endormait ainsi sa peine.
Mais un jour elle connut que c’était un sortilège, et que seul le tintement du grelot charmait son cœur. « Ah ! pensa-t-elle, convient-il que je connaisse le réconfort, tandis que Tristan est malheureux ? Il aurait pu garder ce chien enchanté et oublier ainsi toute douleur ; par belle courtoisie, il a mieux aimé me l’envoyer, me donner sa joie et reprendre sa misère. Mais il ne sied pas qu’il en soit ainsi ; Tristan, je veux souffrir aussi longtemps que tu souffriras ».
Читать дальшеИнтервал:
Закладка: