Valentin Krasnogorov - Pièces choisies
- Название:Pièces choisies
- Автор:
- Жанр:
- Издательство:неизвестно
- Год:2021
- ISBN:978-5-532-96784-7
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IRÈNE. Ce que nous faisons n’est pas bien.
JEANNE. Nous ne faisons que nous battre pour nous.
IRÈNE. Tout en brisant le docteur.
JEANNE. Je ne comprends pas, tu t’es amourachée de lui, ou quoi ?
IRÈNE. Et si c’est le cas, tu dis quoi ?
JEANNE. Je dis qu’il y a un âge où les femmes ne tombent plus amoureuses.
IRÈNE. Cet âge-là n’existe pas pour les femmes.
JEANNE. Reste raisonnable. De toute façon, il n’y a pas d’autre issue.
IRÈNE. Il y a une issue : tout avouer.
JEANNE. Et mettre en l’air toute notre vie.
IRÈNE. Ne t’inquiète pas, je prends tout sur moi.
JEANNE. Tu crois que c’est de l’héroïsme, mais c’est une connerie.
IRÈNE. C’est un calcul. ( Avec douceur .) Réfléchis toi-même. Si nous menons à bien notre plan, alors, le plus probable, c’est que nous serons pris tous les quatre : nous trois, pour escroquerie et le docteur pour une fausse carte médicale. Mais en cas d’aveu, je suis seule à faire de la prison et vous restez en liberté. De plus, vous avez des enfants, alors que moi je suis seule. Et je ne parle pas de la conscience nette.
JEANNE. ( Après avoir longuement pesé le pour et le contre .) Tu as sûrement raison. ( Elle pleure .) Mais quelle ordure je suis : c’est ensemble que nous avons fait des conneries et c’est toi seule qui devras payer. Pardonne-moi. ( Elle enlace Irène .)
Les deux femmes sanglotent sur l’épaule l’une de l’autre.
IRÈNE. Alors ? On fait venir le docteur ?
JEANNE. Fais-le venir, si tu veux.
IRÈNE. ( Elle s’approche de la porte et fait venir le docteur .) Vous pouvez entrer.
LE DOCTEUR revient dans son cabinet. Les deux femmes essuient leurs larmes.
Eh bien, vous ne comprenez toujours rien ?
LE DOCTEUR. Absolument rien.
IRÈNE. Nous allons tout vous expliquer. Le fait est que… ( À Jeanne .) Je préfère que tu racontes.
JEANNE. Bien. ( Au docteur .) D’abord, buvez vos gouttes. Et asseyez-vous.
LE DOCTEUR s’exécute docilement.
Commençons à faire les présentations. Moi je suis la femme de Michel, il est mon mari. Marina est sa sœur et il est son frère. Vous saisissez ?
LE DOCTEUR. ( Tout déconcerté .) « Il est mon mari, Marina est sa sœur… » ( Radieux .) Mais c’est merveilleux ! Voilà qui change complètement la donne ! Nous allons le guérir, et alors…
JEANNE. Patientez. Il n’a absolument pas besoin de soins car plus sain que lui tu meurs.
LE DOCTEUR. Attendez, et son amnésie…
JEANNE. C’était de la simulation. Il a une excellente mémoire. Ce n’est pas pour rien qu’il a la réputation de meilleur joueur de cartes de notre ville.
LE DOCTEUR. Alors pourquoi avez-vous…
JEANNE. ( Sur le ton d’un avocat .) Docteur, si vous ne cessez pas de poser des questions, nous ne terminerons jamais.
LE DOCTEUR. Pardon.
JEANNE. À présent, écoutez. Il y a deux ans, Michel perd, au casino, une grosse somme. Il supplie Irène de lui donner cette somme et lui promet de la lui rendre rapidement. Sinon, dit-il, on peut l’abattre. Irène lui fait un transfert d’argent par la banque et moi, malheureusement, je n’ai pas tenté de l’en dissuader. Je craignais pour mon mari et les enfants.
LE DOCTEUR. Et ensuite ?
JEANNE. Michel, au lieu de rendre cet argent, le perd, là aussi, au jeu. La dette double. Il court à nouveau voir ma sœur et la supplie de le sauver. Irène aime mon frère à perdre la mémoire et cède. Et de cette façon, nous nous enfonçons tous petit à petit dans un trou dont il n’est plus possible de sortir. Vous n’imaginez pas comme c’est dur : savoir que votre mari joue, qu’il est sur la pente descendante et qu’il entraîne avec lui toute la famille… L’aimer, vouloir le sauver et ne pas être en état de rien changer…
LE DOCTEUR. Bon… Et qu’ai-je à voir avec tout ça ?
JEANNE. ( Embarrassée .) Pour être honnête, cette partie de l’histoire n’est pas très agréable à raconter, mais on ne change pas les mots de la chanson. Il y avait un recours, vous, et ça, c’est ma contribution.
LE DOCTEUR. Et en quoi a-t-elle consisté ?
JEANNE. Nous comprenions que l’on ne tarderait pas à être démasqués. J’ai échafaudé un plan : faire en sorte, au plus vite, que Michel soit reconnu irresponsable. Alors, il pourrait éviter le jugement et la condamnation. Mais pour ça, il fallait les conclusions d’un médecin reconnu et honnête. Dans votre genre.
LE DOCTEUR. Ah ! c’est donc ça…
JEANNE. Nous comprenions qu’obtenir de vous par la voie normale une carte médicale était impossible.
LE DOCTEUR. C’est juste.
JEANNE. C’est pourquoi j’ai imaginé de faire donner la grosse artillerie pour vous mettre dans un état de profond désarroi et obtenir de cette manière ce qu’il nous fallait. Nous avons étudié dans le guide médical les symptômes de la maladie et tous les trois nous avons monté cette comédie. ( L’air repenti .) Je reconnais que c’était stupide, malhonnête et cruel. Nous regrettons beaucoup.
IRÈNE, durant tout ce temps reste assise, tête baissée.
LE DOCTEUR. Quoi d’autre ?
JEANNE. Rien. C’est tout.
LE DOCTEUR. Irène, est-ce cela que vous vouliez m’avouer ?
IRÈNE. ( Sans lever la tête .) Oui.
JEANNE. À présent, vous pouvez nous chasser. D’ailleurs, nous partons de nous-mêmes. Nous ne demandons pas votre pardon, nous ne le méritons pas. ( Elle prend Irène par le bras et se dirige avec elle vers la sortie .)
LE DOCTEUR. Attendez. ( Plein d’entrain .) Vous croyez m’avoir blessé, mais en réalité vous m’avez extrêmement réjoui.
JEANNE. Comment ?
LE DOCTEUR. ( Il a retrouvé optimisme et assurance en soi .) Premièrement, en reconnaissant votre faute et en renonçant. Deuxièmement, il y a encore dix minutes je croyais être tombé dans le marasme et je me croyais malade de la sclérose et, à présent, je me suis convaincu que j’étais en parfaite santé. Et, ce qui est le principal, Irène, voyez-vous, n’est pas mariée, elle est libre !
JEANNE. Oui, libre. Si on fait abstraction du fait qu’on va la coffrer pour huit ans.
LE DOCTEUR. ( Effrayé .) Comment « pour huit ans » ? ( À Irène .) C’est vrai ?
IRÈNE, muette, hausse les épaules.
JEANNE. On l’arrête demain.
LE DOCTEUR. Je ne laisserai pas faire !
JEANNE. Que pouvez-vous faire ?
LE DOCTEUR. Je ne sais pas encore, mais je ne laisserai pas faire ! Je protesterai ! Je… Je vous donnerai mes conclusions d’expertise sur votre irresponsabilité. À tous les trois. Et à moi aussi, on ne sait jamais.
JEANNE. Docteur, soyez sérieux. La banque exige le remboursement immédiat de la somme.
LE DOCTEUR. Qui exige ? Ce vice-président aux allures de détective ? Faites-le venir. Je vais régulariser cette affaire.
JEANNE. Docteur, c’est impossible.
LE DOCTEUR. J’en ai vu d’autres. Faites venir votre banquier.
JEANNE et IRÈNE échangent des regards. IRÈNE sort.
JEANNE. Comment comptez-vous arranger l’affaire avec la banque ?
LE DOCTEUR. C’est tout simple, je lui verserai ce maudit argent.
JEANNE. Vous n’avez aucune idée de ce que représente la somme.
LE DOCTEUR. Cela ne m’intéresse pas.
JEANNE. Je crains que votre bourse ne soit pas assez ronde.
LE DOCTEUR. N’ayez crainte. Je suis un homme très fortuné.
JEANNE. Et pourquoi vous priveriez-vous de votre argent pour des inconnus, qui, de plus, vous ont trompé ? L’argent vous encombre, peut-être ?
LE DOCTEUR. Et il me sert à quoi ? Comme tous les gens riches je suis un régime et je ne mange rien de gras, de salé, d’épicé, de cher et de goûteux. Et le reste du temps, je travaille.
Entrent IRÈNE et LE VICE-PRÉSIDENT. LE DOCTEUR s’adresse à lui.
Mon cher, peut-on, pour quelques misérables billets poursuivre une si charmante femme ?
LE VICE-PRÉSIDENT. L’argent, bien sûr, compte pour rien. Il est des choses, dans la vie, autrement plus importantes : l’amour, la beauté, la santé, la bonté…
LE DOCTEUR. Je ne vous le fais pas dire.
LE VICE-PRÉSIDENT. D’un autre côté, si l’argent compte pour rien, alors pourquoi ne pas le rendre ?
LE DOCTEUR. Parce que son frère l’a perdu en jouant au casino. Elle n’a pas un centime.
LE VICE-PRÉSIDENT. ( À Irène .) Est-ce vrai ?
IRÈNE ne répond pas.
Pourquoi ne l’avez-vous pas dit plus tôt ?
IRÈNE. Qu’est-ce que ça aurait changé ?
LE VICE-PRÉSIDENT. Sur le fond, rien. Mais maintenant, au moins, je comprends votre conduite. Cependant il faut quand même rendre l’argent.
LE DOCTEUR. Dites-moi, combien. ( Il sort son portefeuille .)
LE VICE-PRÉSIDENT. Une somme misérable, on peut même dire insignifiante, tout bonnement ridicule, de la petite monnaie, à quoi bon en parler.
LE DOCTEUR. Pouvez-vous avancer un chiffre approximatif ?
LE VICE-PRÉSIDENT. Deux millions d’euros.
LE DOCTEUR. Deux millions d’euros ?!
LE VICE-PRÉSIDENT. Oui, dans ces eaux-là. Comme vous le comprenez, pour une banque cela ne saurait passer pour un dommage. Beaucoup plus graves apparaissent le vol en lui-même et l’escroquerie. Croyez-moi, il me sera très difficile d’étouffer l’affaire.
LE DOCTEUR. Je comprends et j’apprécie beaucoup. ( Il range son portefeuille. À Irène .) Je crains, ma chère, de n’être pas en état de rendre cette modique somme à la banque. Et comment, tout de même, votre frère s’y est-il pris pour perdre si grande quantité d’argent ?
IRÈNE. ( Soupirant .) Au casino, on peut dépenser de telles sommes en trente minutes.
LE DOCTEUR. Mais ne m’aviez-vous pas vous-même dit, qu’il était le meilleur joueur de cartes ?
IRÈNE. De cartes, mais pas à la roulette. Et Michel, pour notre malheur, a la passion du jeu.
JEANNE. ( Troublée .) À propos, où est-il ?
IRÈNE. En effet, où est Michel ? ( Elle regarde, inquiète, tout autour d’elle .) Va voir, il est peut-être dans la salle d’attente.
JEANNE sort précipitamment et revient. Le désarroi se lit sur son visage.
JEANNE. Il n’y est pas.
IRÈNE. ( D’une voix qui tombe .) Nous l’avons laissé encore échapper.
LE DOCTEUR. Je ne comprends pas pourquoi vous vous faites autant de soucis pour lui. Vous dites bien qu’il est en parfaite santé ?
JEANNE. Oui, il est en bonne santé, mais…
LE DOCTEUR. Mais quoi ?
IRÈNE. Vous comprenez, il vit très mal le fait que nous soyons dans le malheur à cause de lui.
LE DOCTEUR. Et alors ?
IRÈNE. Et il a cette manie : jouer tout son argent. Et plus il joue, plus il perd. C’est pourquoi, ces dernières semaines nous nous efforçons de ne pas le perdre de vue.
JEANNE. Irène, calme-toi. Il ne peut pas être au casino car en ce moment il n’a simplement pas de quoi jouer. Je lui ai confisqué tout l’argent, même la monnaie.
LE DOCTEUR. Hum… J’ai peur d’avoir commis un impair.
Les femmes fixent un regard interrogatif sur LE DOCTEUR. Il avoue, l’air contrit.
Je lui ai avancé de l’argent.
JEANNE. Combien ?
LE DOCTEUR. Mille euros.
JEANNA. Vous avez perdu la tête ?!
LE DOCTEUR. ( L’air coupable .) Oui, depuis ce matin.
Un téléphone sonne. IRÈNE sort le sien de son sac .
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