Simenon, Georges - Le chien jaune
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Simenon, Georges - Le chien jaune краткое содержание
En ce vendredi 7 novembre, à Concarneau, quand l'horloge lumineuse indique onze heures, toutes les routes sont désertes. Mais à l'hôtel l'Amiral, il y a encore des hommes en train de jouer aux cartes. Cinq minutes plus tard, l'un des joueurs, M. Mostaguen sort ivre de l'hôtel, avance d'environ 200 mètres, s'arrête sur le seuil d'une maison, allume son cigare puis tombe en arrière, blessé par une balle. Malgré l'arrivée de Maigret, les crimes se succèdent et, à chaque meurtre, on constate la présence d'un étrange chien jaune sur les lieux...
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— Six francs… Mais j’ai servi un whisky à un de ces messieurs et c’est le même prix… Peut-être est-ce ce verre-ci ?… Peut-être pas…
Le photographe, qui ne perdait pas le nord, prenait des clichés de toute cette verrerie glauque étalée sur les tables de marbre.
— Allez me chercher le pharmacien ! commanda le commissaire à Leroy.
Et ce fut vraiment la nuit des verres et des assiettes. On en apporta de la maison du vice-consul de Danemark. Les reporters pénétraient dans le laboratoire du pharmacien comme chez eux, et l’un d’eux, ancien étudiant en médecine, participait même aux analyses.
Le maire, au téléphone, s’était contenté de laisser tomber d’une voix coupante :
— … toutes vos responsabilités…
On ne trouvait rien. Par contre, le patron surgit soudain, questionna :
— Qu’est-ce qu’on a fait du chien ?…
Le réduit où on l’avait couché sur la paille était vide. Le chien jaune, incapable de marcher et même de se traîner, à cause du pansement qui emprisonnait son arrière-train, avait disparu.
Les verres ne révélaient rien !
— Celui de M. Le Pommeret a peut-être été lavé… Je ne sais plus… Dans cette bousculade !… disait Emma.
Chez la logeuse aussi, la moitié de la vaisselle avait été passée à l’eau chaude.
Ernest Michoux, le teint terreux, s’inquiétait surtout de la disparition du chien.
— C’est par la cour qu’on est venu le chercher !… Il y a une entrée sur le quai… Une sorte d’impasse… Il faudrait faire condamner la porte, commissaire… Sinon… Pensez qu’on a pu pénétrer ici sans que personne s’en aperçoive !… Et repartir avec cet animal dans les bras !…
On eût dit qu’il n’osait pas quitter le fond de la salle, qu’il se tenait aussi loin des portes que possible.
V
L’homme au Cabélou
Il était huit heures du matin. Maigret, qui ne s’était pas couché, venait de prendre un bain et achevait de se raser devant un miroir suspendu à l’espagnolette de la fenêtre.
Il faisait plus froid que les jours précédents. La pluie trouble ressemblait à de la neige fondue. Un reporter, en bas, guettait l’arrivée des journaux de Paris. On avait entendu siffler le train de sept heures et demie. Dans quelques instants, on verrait arriver les porteurs d’éditions sensationnelles.
Sous les yeux du commissaire, la place était encombrée par le marché hebdomadaire. Mais on devinait que ce marché n’avait pas son animation habituelle. Les gens parlaient bas. Des paysans semblaient inquiets des nouvelles qu’ils apprenaient.
Sur le terre-plein, il y avait une cinquantaine d’étals, avec des mottes de beurre, des œufs, des légumes, des bretelles et des bas de soie. A droite, des carrioles de tous modèles stationnaient et l’ensemble était dominé par le glissement ailé des coiffes blanches aux larges dentelles.
Maigret ne s’aperçut qu’il se passait quelque chose qu’en voyant toute une portion du marché changer de physionomie, les gens s’agglutiner et regarder dans une même direction. La fenêtre était fermée. Il n’entendait pas les bruits, ou plutôt ce n’était qu’une rumeur confuse qui lui parvenait.
Il chercha plus loin. Au port, quelques pêcheurs chargeaient des paniers vides et des filets dans les barques. Mais ils s’immobilisaient soudain, faisaient la haie au passage des deux agents de police de la ville qui conduisaient un prisonnier vers la mairie.
Un des policiers était tout jeune, imberbe. Son visage était pétri de naïveté. L’autre portait de fortes moustaches acajou, et d’épais sourcils parvenaient presque à lui donner un air terrible.
Au marché, les discussions avaient cessé. On regardait les trois hommes qui s’avançaient. On se montrait les menottes serrant les poignets du malfaiteur.
Un colosse ! Il marchait penché en avant, ce qui faisait paraître ses épaules deux fois plus larges. Il traînait les pieds dans la boue et c’était lui qui semblait tirer les agents en remorque.
Il portait un vieux veston quelconque. Sa tête nue était plantée de cheveux drus, très courts et très bruns.
Le journaliste courait dans l’escalier, ébranlait une porte, criait à son photographe endormi :
— Benoît !… Benoît !… Vite !… Debout… Un cliché épatant…
Il ne croyait pas si bien dire. Car, pendant que Maigret effaçait les dernières traces de savon sur ses joues et cherchait son veston, sans quitter la place des yeux, il se passa un événement vraiment extraordinaire.
La foule n’avait pas tardé à se resserrer autour des agents et du prisonnier. Brusquement celui-ci, qui devait guetter depuis longtemps l’occasion, donna une violente secousse à ses deux poignets.
De loin, le commissaire vit les piteux bouts de chaîne qui pendaient aux mains des policiers. Et l’homme fonçait sur le public. Une femme roula par terre. Des gens s’enfuirent. Personne n’était revenu de sa stupeur que le prisonnier avait bondi dans une impasse, à vingt mètres de l’Hôtel de l’Amiral, tout à côté de la maison vide dont la boîte aux lettres avait craché une balle de revolver le vendredi précédent.
Un agent – le plus jeune – faillit tirer, hésita, se mit à courir en tenant son arme de telle manière que Maigret attendait l’accident. Un auvent de bois céda sous la pression des fuyards et son toit de toile s’abattit sur les mottes de beurre.
Le jeune agent eut le courage de se précipiter tout seul dans l’impasse. Maigret, qui connaissait les lieux, acheva de s’habiller sans fièvre.
Car ce serait désormais un miracle de retrouver la brute. Le boyau, large de deux mètres, faisait deux coudes en angle droit. Vingt maisons qui donnaient sur le quai ou sur la place avaient une issue dans l’impasse. Et il y avait en outre des hangars, les magasins d’un marchand de cordages et d’articles pour bateaux, un dépôt de boîtes à conserve, tout un fouillis de constructions irrégulières, des coins et des recoins, des toits facilement accessibles qui rendaient une poursuite à peu près impossible.
La foule, maintenant, se tenait à distance. La femme qu’on avait renversée, rouge d’indignation, tendait le poing dans toutes les directions tandis que des larmes venaient trembler sous son menton.
Le photographe sortit de l’hôtel, un trench-coat passé sur son pyjama, pieds nus.
Une demi-heure plus tard, le maire arrivait, peu après le lieutenant de gendarmerie, dont les hommes se mettaient en devoir de fouiller les maisons voisines.
En trouvant Maigret attablé dans le café en compagnie du jeune agent et occupé à dévorer des toasts, le premier magistrat de la ville trembla d’indignation.
— Je vous ai prévenu, commissaire, que je vous rendais responsable de… de… Mais cela n’a pas l’air de vous émouvoir !… J’enverrai tout à l’heure un télégramme au Ministère de l’intérieur pour le mettre au courant de… de… et lui demander… Avez-vous seulement vu ce qui se passe dehors ?… Les gens fuient leur maison… Un vieillard impotent hurle d’effroi parce qu’il est immobilisé à un deuxième étage… On croit voir le bandit partout…
Maigret se retourna, aperçut Ernest Michoux qui, tel un enfant peureux, se tenait aussi près de lui que possible sans déplacer plus d’air qu’un fantôme.
— Vous remarquerez que c’est la police locale, c’est-à-dire de simples agents de police, qui l’ont arrêté, pendant que…
— Vous tenez toujours à ce que je procède à une arrestation ?
— Que voulez-vous dire ?… Prétendez-vous mettre la main sur le fuyard ?…
— Vous m’avez demandé hier une arrestation, n’importe laquelle…
Les journalistes étaient dehors, aidaient les gendarmes dans leurs recherches. Le café était à peu près vide, en désordre, car on n’avait pas encore eu le temps de faire le nettoyage. Une âcre odeur de tabac refroidi prenait à la gorge. On marchait sur les bouts de cigarettes, les crachats, la sciure et les verres brisés.
Le commissaire, cependant, tirait de son portefeuille un mandat d’arrêt en blanc.
— Dites un mot, monsieur le maire, et je…
— Je serais curieux de savoir qui vous arrêteriez !…
— Emma !… Une plume et de l’encre, s’il vous plaît…
Il fumait à petites bouffées. Il entendit le maire qui grommelait avec l’espoir d’être entendu :
— Du bluff !…
Mais il ne se démonta pas, écrivit à grands jambages écrasés, selon son habitude :
… le nommé Ernest Michoux, administrateur de la Société immobilière des Sables-Blancs…
Ce fut plus comique que tragique. Le maire lisait à l’envers. Maigret dit :
— Et voilà ! Puisque vous y tenez, j’arrête le docteur…
Celui-ci les regarda tous les deux, esquissa un sourire jaune, comme un homme qui ne sait que répondre à une plaisanterie. Mais c’était Emma que le commissaire observait, Emma qui marchait vers la caisse et qui se retourna soudain, moins pâle qu’à l’ordinaire, sans pouvoir maîtriser un tressaillement de joie.
— Je suppose, commissaire, que vous vous rendez compte de la gravité de…
— C’est mon métier, monsieur le maire.
— Et tout ce que vous trouvez à faire, après ce qui vient de se passer, c’est d’arrêter un de mes amis… de mes camarades plutôt… enfin, un des notables de Concarneau, un homme qui…
— Avez-vous une prison confortable ?…
Michoux, pendant ce temps-là, ne semblait préoccupé que par la difficulté d’avaler sa salive.
— A part le poste de police, à la mairie, il n’y a que la gendarmerie, dans la vieille ville…
L’inspecteur Leroy venait d’entrer. Il eut la respiration coupée quand Maigret lui dit de sa voix la plus naturelle :
— Dites donc, vieux ! Vous seriez bien gentil de conduire le docteur à la gendarmerie… Discrètement !… Inutile de lui passer les menottes… Vous l’écrouerez, tout en veillant à ce qu’il ne manque de rien…
— C’est de la folie pure ! balbutia le docteur. Je n’y comprends rien… Je… C’est inouï !… C’est infâme !…
— Parbleu ! grommela Maigret.
Et, se tournant vers le maire :
— Je ne m’oppose pas à ce qu’on continue à rechercher votre vagabond… Cela amuse la population… Peut-être même est-ce utile ?… Mais n’attachez pas trop d’importance à sa capture… Rassurez les gens…
— Vous savez que quand on a mis la main sur lui, ce matin, on l’a trouvé porteur d’un couteau à cran d’arrêt ?…
— Ce n’est pas impossible…
Maigret commençait à s’impatienter. Debout, il endossait son lourd pardessus à col de velours, brossait de la manche son chapeau melon.
— A tout à l’heure, monsieur le maire… Je vous tiendrai au courant. Encore un conseil : qu’on ne raconte pas trop d’histoires aux journalistes… Au fond, dans tout ceci, c’est à peine s’il y a de quoi fouetter un chat… Vous venez ?…
Ces derniers mots s’adressaient au jeune sergent de ville qui regarda le maire avec l’air de dire : « Excusez-moi… Mais je suis obligé de le suivre… »
L’inspecteur Leroy tournait autour du docteur comme un homme bien embarrassé par un fardeau encombrant.
On vit Maigret tapoter en passant la joue d’Emma, puis traverser la place sans s’inquiéter de la curiosité des gens.
— C’est par ici ?…
— Oui… Il faut faire le tour des bassins… Nous en avons pour une demi-heure…
Les pêcheurs étaient moins bouleversés que la population par le drame qui se jouait autour du Café de l’Amiral et une dizaine de bateaux, profitant du calme relatif, se dirigeaient à la godille vers la sortie du port, où ils prenaient le vent.
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