Simenon, Georges - Un crime en Hollande
- Название:Un crime en Hollande
- Автор:
- Жанр:
- Издательство:неизвестно
- Год:неизвестен
- ISBN:нет данных
- Рейтинг:
- Избранное:Добавить в избранное
-
Отзывы:
-
Ваша оценка:
Simenon, Georges - Un crime en Hollande краткое содержание
Quand Maigret arriva à Delfzijl, une après-midi de mai, il n'avait sur l'affaire qui l'appelait dans cette petite ville plantée à l'extrême nord de la Hollande que des notions élémentaires. Un certain Jean Duclos, professeur à l'université de Nancy, faisait une tournée de conférences dans les pays du Nord. A Delfzijl, il était l'hôte d'un professeur à l'Ecole navale, M. Popinga. Or, M. Popinga était assassiné et, si l'on n'accusait pas formellement le professeur français, on le priait néanmoins de ne pas quitter la ville et de se tenir à la disposition des autorités néerlandaises. C'était tout, ou à peu près. Jean Duclos avait alerté l'université de Nancy, qui avait obtenu qu'un membre de la Police Judiciaire fût envoyé en mission à Delfzijl. La tâche incombait à Maigret. Tâche plus officieuse qu'officielle et qu'il avait rendue moins officielle encore en omettant d'avertir ses collègues hollandais de son arrivée. Par les soins de Jean Duclos, il avait reçu un rapport assez confus, suivi d'une liste des noms de ceux qui étaient mêlés de près ou de loin à cette histoire. Ce fut cette liste qu'il consulta un peu avant d'arriver en gare de Delfzijl.
Un crime en Hollande - читать онлайн бесплатно полную версию (весь текст целиком)
Интервал:
Закладка:
— Cela ne vous dérange pas de lui demander où il était à l’heure où Popinga a été tué ?…
Le policier traduisit. Oosting commença un long discours que Maigret ne comprit pas, ce qui ne l’empêcha pas de trancher :
— Non ! Arrêtez-le ! Une réponse en trois mots !
Pijpekamp traduisit encore. Nouveau regard de reproche.
Une réplique, aussitôt traduite.
— Il était à bord de son bateau !
— Dites-lui que ce n’est pas vrai !
Et Maigret allait et venait toujours, les mains derrière le dos.
— Qu’est-ce qu’il répond à cela ?
— Qu’il le jure !
— Bon ! Qu’il vous dise, dans ce cas, qui lui a volé sa casquette…
Pijpekamp était d’une docilité absolue. Il est vrai que Maigret donnait une telle impression de puissance !
— Eh bien ?
— Il était dans sa cabine… Il faisait des comptes… Il a vu, par les hublots, des jambes sur le pont… Il a reconnu un pantalon de marin…
— Et il a suivi l’homme ?
Oosting hésita, ferma à demi les paupières, fit claquer les doigts et parla avec volubilité.
— Qu’est-ce qu’il dit ?
— Qu’il préfère dire la vérité ! Qu’il sait bien qu’il faudra qu’on reconnaisse son innocence… Quand il est monté sur le pont, le marin s’éloignait… Il l’a suivi de loin… Il a été conduit ainsi, le long de l’Amsterdiep, jusqu’à proximité de la maison des Popinga… Là, le marin s’est caché… Intrigué, Oosting a attendu, caché de son côté…
— Il a entendu le coup de feu, deux heures plus tard ?
— Oui… Mais il n’a pu rattraper l’homme qui s’enfuyait…
— Il a vu cet homme entrer dans la maison ?
— Dans le jardin tout au moins… Il suppose qu’il est monté au premier étage en se servant de la gouttière…
Maigret souriait. Un sourire vague, bienheureux d’homme qui fait une excellente digestion.
— Il reconnaîtrait l’homme ?
Traduction. Haussement d’épaules du Baes.
— Il ne sait pas…
— Il a vu Barens guetter Beetje et le professeur ?…
— Oui…
— Et, comme il a craint d’être accusé, comme d’autre part il a voulu donner la bonne piste à la police, il a chargé Cornélius de parler à sa place…
— C’est ce qu’il prétend… Je ne dois pas le croire, n’est-ce pas ?… Il est coupable, c’est évident…
Jean Duclos donnait des signes d’impatience. Oosting était calme, en homme qui s’attend désormais à tout. Il prononça une phrase que le policier traduisit.
— Il dit maintenant qu’on peut faire de lui ce qu’on voudra, mais que Popinga était à la fois son ami et son bienfaiteur.
— Et qu’est-ce que vous allez faire ?
— Le garder à la disposition de la Justice… Il avoue qu’il était là…
Toujours à cause du cognac, la voix de Pijpekamp était plus forte que d’habitude, ses gestes plus violents, et ses décisions s’en ressentaient. Il voulait paraître catégorique. Il était en face d’un collègue étranger et il tenait à sauver sa réputation en même temps que celle de la Hollande.
Il prit une mine grave, pressa une fois de plus le timbre électrique.
Et, à l’agent qui s’empressait, il commanda, avec des petits coups de coupe-papier sur le bureau :
— Arrêtez cet homme… Qu’on l’emmène !… Je le verrai plus tard…
C’était dit en néerlandais, mais le ton suffisait à faire comprendre les mots.
Sur ce, il se leva, expliqua :
— Je vais achever d’éclaircir cette affaire… Je ne manquerai pas de faire ressortir le rôle que vous avez joué… Bien entendu, votre compatriote est libre…
Il ne se doutait pas que Maigret, en le voyant gesticuler, les yeux brillants, songeait à part lui : « Toi, mon pauvre vieux, tu regretteras rudement ce que tu viens de faire quand, dans quelques heures, tu seras calmé !… »
Pijpekamp ouvrait la porte. Le commissaire ne se décidait pas à partir.
— Je voudrais vous demander une dernière faveur ! dit-il avec une politesse inaccoutumée.
— Je vous écoute, mon cher collègue…
— Il n’est pas encore quatre heures… Ce soir, nous pourrions reconstituer le drame, avec tous ceux qui y ont été mêlés de près ou de loin… Voulez-vous prendre note des noms ?… Mme Popinga… Any… M. Duclos… Barens… les Wienands… Beetje… Oosting… Et enfin M. Liewens, le père de Beetje…
— Vous voulez…
— Reprendre les événements à partir du moment où, dans la salle Van Hasselt, la conférence s’est terminée…
Il y eut un silence ; Pijpekamp réfléchissait.
— Je vais téléphoner à Groningen, dit-il enfin, pour demander conseil à mes chefs…
Il ajouta, sans être trop sûr de sa plaisanterie et en guettant l’expression de ses interlocuteurs :
— Par exemple, il manquera quelqu’un… Conrad Popinga, qui ne pourra pas…
— C’est moi qui tiendrai ce rôle… acheva Maigret.
Et il partit, suivi de Jean Duclos, après avoir prononcé :
— Et merci de votre excellent déjeuner !
VIII
Maigret et les jeunes filles
Le commissaire, au lieu de prendre à travers la ville pour aller du bureau de police à l’Hôtel Van Hasselt, faisait le détour par les quais, suivi de Jean Duclos, dont la démarche, le port de tête et le visage exhalaient de la mauvaise humeur.
— Vous savez que vous vous rendrez odieux ? mâchonna-t-il enfin tout en regardant la grue en action dont le croc venait de frôler leur tête.
— Parce que ?
Duclos haussa les épaules, fit quelques pas sans répondre.
— Vous ne comprendrez quand même pas ! Ou bien vous ne voudrez pas comprendre ! Vous êtes comme tous les Français…
— Il me semblait que nous étions de même nationalité…
— Seulement, moi, j’ai beaucoup voyagé… J’ai une culture universelle… Je sais me mettre au diapason du pays où je vis… Vous, depuis que vous êtes ici, vous foncez droit devant vous, sans vous inquiéter des contingences…
— Sans m’inquiéter de savoir, par exemple, si l’on désire découvrir le coupable !
Duclos s’anima.
— Et pourquoi pas ?… Il ne s’agit pas d’un crime crapuleux… Donc l’auteur n’est pas un professionnel de l’assassinat et du vol… Ce n’est pas un individu qu’il faut nécessairement mettre à l’ombre pour protéger la société…
— Et dans ce cas ?…
Maigret avait une façon réjouie de fumer sa pipe, de tenir les mains derrière le dos.
— Regardez… murmura Duclos en désignant le décor autour d’eux, la ville proprette où tout était en ordre comme dans le buffet d’une bonne ménagère, le port trop petit pour que l’atmosphère en fût âpre, les gens sereins plantés dans leurs sabots jaunes.
Puis il reprit :
— Chacun gagne sa vie… Chacun est à peu près heureux… Et surtout, chacun refrène ses instincts, parce que c’est la règle, c’est une nécessité si l’on veut vivre en société… Pijpekamp vous confirmera que les vols sont une chose rarissime… Il est vrai que celui qui dérobe un pain de deux livres ne s’en tire pas à moins de quelques semaines de prison… Où voyez-vous du désordre ?… Pas de rôdeurs !… Pas de mendiants… C’est la propreté organisée…
— Et je viens bousculer la porcelaine !
— Attendez ! Les maisons, à gauche, près de l’Amsterdiep, sont les maisons des notables, des riches, de ceux qui détiennent un pouvoir quelconque… Tout le monde les connaît… Il y a le maire, les pasteurs, les professeurs, les fonctionnaires, tous ceux qui veillent à ce que la ville ne soit pas troublée, à ce que chacun se tienne à sa place sans heurter le voisin… Ces gens-là, je crois que je vous l’ai dit, ne se reconnaissent même pas le droit d’aller au café, car ce serait donner le mauvais exemple… Or, un crime est commis… Vous flairez un drame de famille…
Maigret écoutait tout en regardant les bateaux qui avaient leur pont beaucoup plus haut que le quai, se dressaient comme des murs bariolés, car c’était marée haute.
— Je ne connais pas l’opinion de Pijpekamp, qui est un inspecteur très estimé. Ce que je sais, c’est qu’il était préférable pour tout le monde d’annoncer ce soir que l’assassin du professeur est un matelot étranger et que les recherches continueront… Pour tout le monde ! Pour Mme Popinga ! Pour sa famille ! Pour son père, entre autres, qui est un intellectuel notoire ! Pour Beetje et pour M. Liewens… Mais surtout pour l’exemple !… Pour les gens de toutes les petites maisons de la ville qui regardent ce qui se passe dans les grandes maisons de l’Amsterdiep et qui sont prêtes à faire la même chose… Vous, vous voulez la vérité pour la vérité, pour la gloriole de démêler une affaire difficile…
— C’est ce que Pijpekamp vous a dit ce matin ?… Il vous a demandé par la même occasion comment on pourrait bien calmer mon ardeur brouillonne… Et vous lui avez dit qu’en France, les gens comme moi, on les a avec un bon déjeuner, voire avec un pourboire…
— Nous n’avons pas prononcé de phrases aussi précises…
— Savez-vous à quoi je pense, monsieur Jean Duclos ?
Maigret s’était arrêté pour mieux savourer le panorama du port. Un tout petit bateau, aménagé en boutique, allait de navire en navire, accostait péniches et voiliers, pétaradant et fumant de son moteur à essence, vendant du pain, des épices, du tabac, des pipes et du genièvre.
— Je vous écoute…
— Je pense que vous avez de la chance d’être sorti de la salle de bains avec le revolver à la main.
— C’est-à-dire ?…
— Rien ! Répétez-moi seulement que vous n’avez vu personne dans cette salle de bains.
— Je n’ai vu personne.
— Et vous n’avez rien entendu ?
Il détourna la tête.
— Je n’ai rien entendu de précis… Peut-être ai-je eu l’impression que quelque chose remuait sous le couvercle de la baignoire…
— Vous permettez ?… J’aperçois quelqu’un qui m’attend…
Et il se dirigea à grands pas vers la porte de l’Hôtel Van Hasselt, où l’on voyait Beetje Liewens qui arpentait le trottoir en guettant son arrivée.
Elle essaya de lui sourire, comme les autres fois, mais son sourire manqua d’entrain. On la sentait nerveuse. Elle continuait à observer la rue comme si elle eût craint de voir surgir quelqu’un.
— Il y a près d’une demi-heure que je vous attends.
— Voulez-vous entrer ?
— Pas dans le café, n’est-ce pas ?…
Dans le corridor, il hésita une seconde. Il ne pouvait pas non plus la recevoir dans sa chambre. Alors il poussa la porte de la salle de bal, vaste et vide, où les voix résonnèrent comme dans un temple.
A la lumière du jour, le décor de la scène était terne, poussiéreux. Le piano était ouvert. Il y avait une grosse caisse dans un coin et des chaises entassées jusqu’au plafond.
Derrière, des guirlandes en papier qui avaient dû servir pour un bal de société.
Beetje gardait son air de santé. Elle portait un tailleur bleu et sa poitrine était plus aguichante que jamais sous un chemisier de soie blanche.
— Vous avez pu sortir de chez vous ?
Elle ne répondit pas tout de suite. Elle avait évidemment beaucoup de choses à dire, mais elle ne savait par où commencer.
— Je me suis sauvée ! déclara-t-elle enfin. Je ne pouvais plus rester. J’avais peur ! C’est la servante qui est venue me dire que mon père était furieux, qu’il serait capable de me tuer… Déjà il m’avait enfermée dans ma chambre, sans parler… Car il ne dit jamais rien quand il est en colère… L’autre nuit, nous sommes rentrés sans un mot… Il a fermé la porte à clé. Cet après-midi, la servante m’a parlé par la serrure… Il paraît qu’à midi il est revenu, tout pâle… Il a déjeuné, puis il s’est promené à grands pas autour de la ferme… Enfin il est parti sur la tombe de ma mère…
Читать дальшеИнтервал:
Закладка: