Simenon, Georges - Un crime en Hollande
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Simenon, Georges - Un crime en Hollande краткое содержание
Quand Maigret arriva à Delfzijl, une après-midi de mai, il n'avait sur l'affaire qui l'appelait dans cette petite ville plantée à l'extrême nord de la Hollande que des notions élémentaires. Un certain Jean Duclos, professeur à l'université de Nancy, faisait une tournée de conférences dans les pays du Nord. A Delfzijl, il était l'hôte d'un professeur à l'Ecole navale, M. Popinga. Or, M. Popinga était assassiné et, si l'on n'accusait pas formellement le professeur français, on le priait néanmoins de ne pas quitter la ville et de se tenir à la disposition des autorités néerlandaises. C'était tout, ou à peu près. Jean Duclos avait alerté l'université de Nancy, qui avait obtenu qu'un membre de la Police Judiciaire fût envoyé en mission à Delfzijl. La tâche incombait à Maigret. Tâche plus officieuse qu'officielle et qu'il avait rendue moins officielle encore en omettant d'avertir ses collègues hollandais de son arrivée. Par les soins de Jean Duclos, il avait reçu un rapport assez confus, suivi d'une liste des noms de ceux qui étaient mêlés de près ou de loin à cette histoire. Ce fut cette liste qu'il consulta un peu avant d'arriver en gare de Delfzijl.
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Puis Any, pointue, laide, plate, mais énigmatique.
Popinga avait rencontré Beetje, un Popinga bon vivant, un Popinga qui avait tellement envie de savourer des bonnes choses !… Et il n’avait pas vu le visage de Beetje, ses yeux de faïence, il n’avait surtout pas deviné la volonté d’évasion qui se cachait derrière ce visage de poupée.
Il avait vu cette poitrine vivante, ce corps sain, attirant !
Mme Wienands, elle, n’était même plus femme. Elle était la mère, la ménagère. Elle était en train de moucher son gamin qui n’avait plus la force de pleurer.
— Je dois rester ici ? questionna Jean Duclos, de l’estrade.
— Je vous en prie…
Et Maigret s’approcha de Pijpekamp, lui dit quelques mots à voix basse. Le policier de Gronigen sortit un peu plus tard avec Oosting.
Des gens jouaient au billard dans le café. On entendait le heurt des billes.
Et, dans la salle, les poitrines étaient oppressées. Cela sentait la réunion spirite, l’attente de quelque chose d’effrayant. Any fut la seule à oser se lever soudain, à prononcer après avoir hésité un bon moment :
— Je ne vois pas où vous voulez en venir… C’est… c’est…
— Il est l’heure… Pardon ! Où est Barens ?…
Il n’y avait plus pensé. Il le trouva assez loin dans la salle, appuyé à un mur.
— Pourquoi n’avez-vous pas pris votre place ?
— Vous avez dit : comme l’autre soir…
Le regard était mobile, la voix haletante.
— L’autre soir, j’étais dans les places à cinquante cents, avec les autres élèves…
Maigret ne s’en occupa plus. Il alla ouvrir la porte communiquant avec un porche débouchant lui-même dans la rue et permettant de ne pas passer par le café. Il ne vit que trois ou quatre silhouettes dans l’obscurité.
— Je suppose que, la conférence finie, il y a eu un groupement au pied de l’estrade… Le directeur de l’école… Le pasteur… Quelques notables félicitant l’orateur…
Personne ne répondit, mais ces mots suffisaient à évoquer la scène : tous les rangs de spectateurs se dirigeant vers la sortie, les bruits de chaises, les conversations, et là, près de la scène, un groupe, des poignées de main, des éloges…
La salle se vidant… Le dernier groupe se dirigeant enfin vers la porte… Barens rejoignant les Popinga…
— Vous pouvez venir, monsieur Duclos…
Tout le monde se leva. Mais chacun avait l’air d’hésiter sur le rôle qu’il avait à jouer. On regardait Maigret. Any et Beetje feignaient de ne pas se voir. Wienands, gauche, emprunté, portait son plus jeune bébé.
— Suivez-moi…
Et, un peu avant la porte :
— Nous allons nous diriger vers la maison dans le même ordre que le jour de la conférence… Mme Popinga et M. Duclos…
Ils se regardèrent, hésitèrent, firent quelques pas dans la rue obscure…
— Mlle Beetje !… Vous marchiez avec Popinga… Allez toujours… Je vous rejoindrai tout à l’heure…
Elle osait à peine se diriger toute seule vers la ville et surtout elle craignait son père, gardé dans un coin de la salle par un policier.
— M. et Mme Wienands…
Ils furent les plus naturels, parce qu’ils devaient s’occuper des enfants.
— Mlle Any et Barens…
Ce dernier faillit éclater en sanglots, dut se mordre les lèvres, passa pourtant devant Maigret.
Alors le commissaire se tourna vers le policier qui gardait Liewens.
— Le soir du drame, à cette heure, il était chez lui. Voulez-vous l’y conduire et lui faire faire exactement ce qu’il a fait alors ?…
Cela ressemblait à un cortège mal réglé. Les premiers partis s’arrêtaient, se demandant s’ils devaient continuer leur route. Il y avait des hésitations, des haltes.
Mme Van Hasselt, de son seuil, assistait à la scène tout en répondant aux joueurs de billard qui lui parlaient.
La ville était aux trois quarts endormie, les boutiques closes. Mme Popinga et Duclos prirent directement le chemin du quai et l’on devinait que le professeur essayait de rassurer sa compagne.
Il y avait des alternatives de lumière et d’ombre, car les becs de gaz étaient espacés.
On distingua l’eau noire, les bateaux qui se balançaient, avec chacun un fanal dans la mâture. Beetje, sentant Any derrière elle, essayait de marcher d’une allure dégagée, mais le fait qu’elle était seule rendait cette attitude difficile.
Il y avait quelques pas entre chaque groupe. Cent mètres plus loin, on vit nettement le bateau d’Oosting, parce qu’il était le seul à être peint en blanc. Il n’y avait pas de lumière aux hublots. Le quai était désert.
— Voulez-vous vous arrêter tous à la place où vous êtes ? fit Maigret de façon à être entendu de tous les groupes.
Ils restèrent figés. La nuit était noire. Le pinceau lumineux du phare passait très haut au-dessus des têtes et n’éclairait rien.
Alors Maigret s’adressa à Any :
— Vous étiez à cette place dans le cortège ?
— Oui…
— Et vous, Barens ?
— Oui… Je crois…
— Vous en êtes certain ?… Vous marchiez en compagnie d’Any ?…
— Oui… Attendez… Ce n’est pas ici, mais dix mètres plus loin, qu’Any m’a fait remarquer que le manteau d’un des enfants traînait par terre…
— Et vous avez fait quelques pas en avant pour en avertir Wienands ?
— Mme Wienands…
— Cela n’a duré que quelques secondes ?
— Oui… Les Wienands ont continué à marcher… J’ai attendu Any…
— Vous n’avez rien remarqué d’anormal ?
— Rien !…
— Avancez tous de dix mètres !… commanda Maigret.
Et alors il se fit que la sœur de Mme Popinga était juste à hauteur du bateau d’Oosting.
— Marchez vers les Wienands, Barens…
Et, à Any :
— Prenez cette casquette qui est sur le pont !
Il n’y avait que trois pas à faire, se pencher. La casquette était là, noire sur blanc, bien visible, avec son écusson qui avait un reflet métallique.
— Pourquoi voulez-vous ?…
— Prenez-la !
On devinait les autres, plus loin, qui essayaient de se rendre compte de ce qui se passait.
— Mais je n’ai pas…
— Peu importe !… Nous ne sommes pas au complet… Chacun doit jouer plusieurs rôles… Ce n’est qu’une expérience…
Elle prit la casquette.
— Cachez-la sous votre manteau… Rejoignez Barens…
Il monta lui-même sur le pont du bateau, appela :
— Pijpekamp !
— Ya !…
Et le policier se montra, à l’écoutille d’avant. C’était l’écoutille du poste où couchait Oosting. Dans le poste, il n’y avait pas assez de hauteur pour qu’un homme pût se tenir debout, si bien qu’il était logique, pour fumer une dernière pipe, par exemple, de laisser dépasser la tête, de s’accouder au pont.
Oosting était précisément là, dans cette pose. Du quai, de l’endroit où se trouvait la casquette, on ne pouvait le voir, mais lui voyait parfaitement le voleur de la casquette.
— Bon !… Faites-lui faire la même chose que l’autre nuit…
Et Maigret remonta les groupes.
— Continuez à marcher ! Je prends la place de Popinga…
Il se trouva au côté de Beetje, avec devant lui Mme Popinga et Duclos, derrière les Wienands, enfin Any et Barens. On percevait du bruit plus loin encore : Oosting, surveillé par l’inspecteur, qui se mettait en marche.
Désormais, on ne devait plus passer par des rues éclairées. Après le port, on côtoyait l’écluse déserte séparant la mer du canal. Puis c’était le chemin de halage, avec des arbres à droite et, à un demi-kilomètre, la maison des Popinga.
Beetje balbutia :
— Je ne comprends pas…
— Chut !… La nuit est calme… On peut nous entendre comme nous percevons les voix de ceux qui nous précèdent et de ceux qui nous suivent… Donc Popinga vous a parlé à voix haute de choses et d’autres, sans doute de la conférence…
— Oui…
— Seulement, à voix basse, vous lui avez fait des reproches…
— Comment le savez-vous ?
— Peu importe… Attendez !… Pendant la conférence, vous étiez près de lui… Vous avez essayé de toucher sa main… Est-ce qu’il ne vous a pas repoussée ?
— Oui ! balbutia-t-elle, impressionnée, en le regardant avec des prunelles écarquillées.
— Et vous avez recommencé…
— Oui… Jadis, il n’était pas si prudent… Il m’embrassait même chez lui, derrière la porte… Mieux !… Une fois dans la salle à manger, alors que Mme Popinga était dans le salon et nous parlait… C’était les derniers temps qu’il était peureux.
— Donc, vous lui avez fait des reproches… Vous lui avez répété que vous vouliez partir avec lui, sans cesser la conversation à voix haute…
Et l’on entendait des pas devant, des pas derrière, des murmures, Duclos qui disait :
— … vous assure que cela ne correspond à aucune méthode d’investigation policière…
Et, derrière, Mme Wienands qui grondait son gosse en néerlandais.
On aperçut la maison, dans l’ombre. Il n’y avait aucune lumière. Mme Popinga s’arrêta sur le seuil.
— Vous vous êtes arrêtée de même, n’est-ce pas ? parce que c’est votre mari qui avait la clé ?
— Oui…
Les groupes se rejoignaient.
— Ouvrez ! dit Maigret. La bonne était couchée ?
— Oui… comme aujourd’hui…
La porte ouverte, elle tourna le commutateur électrique. Le corridor fut éclairé, et le porte-manteau de bambou, à gauche.
— Popinga était très gai, dès ce moment ?…
— Très gai ! Mais pas naturel… Il parlait trop fort…
On se débarrassait des manteaux et des chapeaux.
— Pardon ! Tout le monde s’est déshabillé ici ?
— Sauf Any et moi ! dit Mme Popinga. Nous sommes montées dans les chambres, pour faire un peu de toilette…
— Sans entrer d’abord dans une autre pièce ? Qui a éclairé le salon ?…
— Conrad…
— Montez, voulez-vous ?…
Et il monta avec elles.
— Any ne s’est pas arrêtée dans votre chambre, qu’elle devait traverser pour gagner la sienne ?
— Non… Je ne crois pas…
— Répétez, je vous prie, les mêmes gestes… Mademoiselle Any, veuillez aller déposer chez vous la casquette, votre manteau et votre chapeau… Qu’est-ce que vous avez fait l’une et l’autre ce soir-là ?…
La lèvre inférieure de Mme Popinga se souleva.
— Un peu de poudre… dit-elle d’une voix d’enfant. Un coup de peigne… Mais je ne peux pas… C’est affreux !… Il me semble… J’entends la voix de Conrad, en bas… Il parlait de TSF, de prendre Radio-Paris…
Mme Popinga jeta son manteau sur son lit. Elle pleurait sans larmes, d’énervement. Any, toute droite au milieu du cabinet de travail qui lui servait de chambre, attendait.
— Vous êtes descendues ensemble ?
— Oui… Non !… Je ne sais plus… Je crois qu’Any est descendue un peu après moi… Je pensais au thé à préparer…
— Dans ce cas, voulez-vous bien descendre ?
Il resta seul avec Any, ne dit pas un mot, lui prit la casquette des mains, regarda autour de lui et la cacha sous le divan.
— Venez…
— Est-ce que vous croyez…
— Non ! Venez… Vous n’avez pas mis de poudre…
— Jamais !
Elle avait les yeux cernés. Maigret la fit passer devant lui. Les marches de l’escalier craquèrent. En bas, c’était un silence absolu. Au point que, quand ils entrèrent dans le salon, l’ambiance était irréelle. Cela ressemblait à un musée de figures de cire. Personne n’avait osé s’asseoir. Seule Mme Wienands arrangeait les cheveux en désordre de son aîné.
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