Simenon, Georges - Un crime en Hollande
- Название:Un crime en Hollande
- Автор:
- Жанр:
- Издательство:неизвестно
- Год:неизвестен
- ISBN:нет данных
- Рейтинг:
- Избранное:Добавить в избранное
-
Отзывы:
-
Ваша оценка:
Simenon, Georges - Un crime en Hollande краткое содержание
Quand Maigret arriva à Delfzijl, une après-midi de mai, il n'avait sur l'affaire qui l'appelait dans cette petite ville plantée à l'extrême nord de la Hollande que des notions élémentaires. Un certain Jean Duclos, professeur à l'université de Nancy, faisait une tournée de conférences dans les pays du Nord. A Delfzijl, il était l'hôte d'un professeur à l'Ecole navale, M. Popinga. Or, M. Popinga était assassiné et, si l'on n'accusait pas formellement le professeur français, on le priait néanmoins de ne pas quitter la ville et de se tenir à la disposition des autorités néerlandaises. C'était tout, ou à peu près. Jean Duclos avait alerté l'université de Nancy, qui avait obtenu qu'un membre de la Police Judiciaire fût envoyé en mission à Delfzijl. La tâche incombait à Maigret. Tâche plus officieuse qu'officielle et qu'il avait rendue moins officielle encore en omettant d'avertir ses collègues hollandais de son arrivée. Par les soins de Jean Duclos, il avait reçu un rapport assez confus, suivi d'une liste des noms de ceux qui étaient mêlés de près ou de loin à cette histoire. Ce fut cette liste qu'il consulta un peu avant d'arriver en gare de Delfzijl.
Un crime en Hollande - читать онлайн бесплатно полную версию (весь текст целиком)
Интервал:
Закладка:
— Prenez place, comme l’autre soir… Où est l’appareil de TSF ?…
Il le trouva lui-même, tourna les boutons, fit gicler des sifflements, éclater des voix, des résidus de musique, accrocha enfin un poste où deux comiques jouaient un sketch français.
— Le colon disait au capiston…
La voix s’amplifia avec la mise au point. Deux ou trois sifflements encore.
— … et c’est un bon type, le capiston… Mais le colon, mon vieux…
Et cette voix faubourienne, gouailleuse, résonnait dans le salon bien rangé, où tout le monde gardait une immobilité absolue.
— Asseyez-vous ! tonna Maigret. Qu’on fasse le thé ! Qu’on parle…
Il voulut voir à travers la fenêtre, mais les volets étaient clos. Il alla ouvrir la porte, appela :
— Pijpekamp !
— Oui… fit une voix dans l’ombre.
— Il est là ?
— Derrière le deuxième arbre, oui !
Maigret rentra. La porte claqua. Le sketch était fini et la voix du speaker annonçait :
— … disque Odéon N ° 28675.
Un grattement. Un air de jazz. Mme Popinga se collait au mur. A travers l’audition, on devinait une autre voix qui nasillait dans une langue étrangère, et parfois il y avait un craquement, après quoi la musique reprenait…
Maigret chercha Beetje des yeux. Elle était écroulée dans un fauteuil. Elle pleurait à chaudes larmes. Elle balbutiait entre ses sanglots :
— Pauvre Conrad !… Conrad !…
Et Barens, exsangue, se mordait les lèvres.
— Le thé !… commanda Maigret à Any.
— Ce n’était pas encore maintenant… On avait roulé le tapis… Conrad dansait…
Beetje eut un sanglot plus aigu. Maigret regarda le tapis, la table de chêne et son surtout brodé, la fenêtre, Mme Wienands qui ne savait que faire de ses enfants.
X
Quelqu’un qui attend l’heure
Maigret les dominait de toute sa taille, ou plutôt de toute sa masse. Le salon était petit. Adossé à la porte, le commissaire semblait trop grand pour lui. Il était grave. Peut-être ne fut-il jamais plus humain que quand il prononça, lentement, d’une voix un peu sourde :
— La musique continue… Barens aide Popinga à rouler le tapis… Dans un coin, Jean Duclos parle et s’écoute parler, face à Mme Popinga et à Any… Wienands et sa femme songent à partir, à cause des enfants, se le disent à voix basse… Popinga a bu un verre de cognac… C’est assez pour l’exciter… Il rit… Il fredonne… Il s’approche de Beetje et l’invite à danser…
Mme Popinga regardait fixement le plancher. Any gardait ses prunelles fiévreuses braquées sur le commissaire, qui acheva :
— L’assassin sait déjà qu’il tuera… Il y a quelqu’un qui regarde danser Conrad et qui sait que dans deux heures cet homme qui rit d’un rire un peu trop sonore, qui voudrait s’amuser malgré tout, qui a soif de vie et d’émotion, ne sera plus qu’un cadavre…
On sentit le choc, littéralement. La bouche de Mme Popinga s’ouvrit pour un cri qu’elle n’articula pas. Beetje sanglotait toujours.
L’atmosphère, du coup, était changée. Pour un peu, on eût cherché Conrad des yeux. Conrad qui dansait ! Conrad que deux prunelles d’assassin guettaient !
Il n’y eut que Jean Duclos pour laisser tomber :
— Très fort !
Et, comme personne ne l’écoutait, il poursuivit pour lui-même, avec l’espoir d’être entendu de Maigret :
— Maintenant, j’ai compris votre méthode, qui n’est pas nouvelle ! Terroriser le coupable, le suggestionner, le remettre dans l’atmosphère de son crime pour le forcer à avouer… On en a vu qui, traités de la sorte, répétaient malgré eux les mêmes gestes…
Mais ce n’était qu’un bourdonnement confus. Ces mots-là n’étaient pas de ceux qu’on pouvait entendre à pareil moment.
Le haut-parleur continuait à répandre sa musique et cela suffisait à hausser l’atmosphère d’un ton.
Wienands, après que sa femme lui eut chuchoté quelque chose à l’oreille, se leva timidement.
— Oui ! Oui ! Vous pouvez aller ! lui dit Maigret avant qu’il eût parlé.
Pauvre Mme Wienands, petite bourgeoise bien élevée, qui aurait voulu dire au revoir à tout le monde, faire saluer ses enfants, et qui ne savait comment s’y prendre, qui serrait la main de Mme Popinga sans rien trouver à dire !
Il y avait une pendule sur la cheminée. Elle marquait dix heures cinq minutes.
— Ce n’est pas encore le moment du thé ? questionna Maigret.
— Oui ! répondit Any en se levant et en se dirigeant vers la cuisine.
— Pardon, madame ! Vous n’êtes pas allée préparer le thé avec votre sœur ?
— Un peu plus tard…
— Vous l’avez trouvée dans la cuisine ?
Mme Popinga se passa la main sur le front. Elle faisait un effort pour ne pas sombrer dans l’hébétude. Elle fixa le haut-parleur avec désespoir.
— Je ne sais plus… Attendez !… Je crois qu’Any sortait de la salle à manger, parce que le sucre est dans le buffet…
— Il y avait de la lumière ?
— Non… Peut-être… Non ! Il me semble que non.
— Vous ne vous êtes rien dit ?
— Oui ! J’ai dit :
— Il ne faut pas que Conrad boive d’autres verres, autrement il ne sera plus correct…
Maigret se dirigea vers le corridor, au moment où les Wienands refermaient la porte d’entrée. La cuisine était très claire, d’une propreté méticuleuse. De l’eau chauffait sur un réchaud à gaz. Any retirait le couvercle d’une théière.
— Ce n’est pas la peine de faire du thé.
Ils étaient seuls. Any le regarda dans les yeux.
— Pourquoi m’avez-vous forcée à prendre la casquette ? questionna-t-elle.
— Peu importe… Venez…
Dans le salon, personne ne parlait, personne ne bougeait.
— Vous comptez laisser jouer cette musique jusqu’au bout ? se décida pourtant à protester Jean Duclos.
— Peut-être. Il y a encore quelqu’un que je voudrais voir : c’est la servante.
Mme Popinga regarda Any, qui répondit :
— Elle est couchée… Elle se couche toujours à neuf heures…
— Eh bien ! allez lui dire de descendre un moment… Ce n’est pas la peine qu’elle s’habille…
Et, de la même voix de récitant qu’il avait adoptée au début, il répéta, obstiné :
— Vous dansiez avec Conrad, Beetje… Dans le coin, on parlait gravement… Et quelqu’un savait qu’il y aurait un mort… Quelqu’un savait que c’était le dernier soir de Popinga…
On perçut du bruit, des pas, un claquement de porte au deuxième étage de la maison, étage qui n’était composé que de mansardes. Puis un murmure se rapprocha. Any entra la première. Une silhouette restait debout dans le corridor.
— Venez !… grogna Maigret. Que quelqu’un lui dise de ne pas avoir peur, d’entrer…
La servante avait des traits flous, un grand visage plat, ahuri. Sur une chemise de nuit en pilou crème, qui lui tombait sur les pieds, elle s’était contentée de passer un manteau. Ses yeux étaient brouillés de sommeil, ses cheveux en désordre. Elle sentait le lit tiède.
Le commissaire s’adressa à Duclos.
— Demandez-lui en néerlandais si elle était la maîtresse de Popinga…
Mme Popinga détourna la tête douloureusement. La phrase fut traduite. La domestique secoua énergiquement la tête.
— Répétez votre question ! Demandez-lui si jamais son patron n’a essayé d’obtenir quelque chose d’elle…
Nouvelles protestations.
— Dites-lui qu’elle risque la prison si elle ne dit pas la vérité ! Divisez la question. L’a-t-il déjà embrassée ? A-t-il parfois pénétré dans sa chambre quand elle y était ?…
Ce fut brutalement une crise de larmes de la fille en chemise de nuit, qui s’écria :
— Je n’ai rien fait !… Je jure que je n’ai rien fait…
Duclos traduisit. Les lèvres pincées, Any fixait la bonne.
— Elle était tout à fait sa maîtresse ?
Mais la servante était incapable de parler. Elle protestait. Elle pleurait. Elle demandait pardon. Elle articulait des mots dévorés à moitié par les sanglots.
— Je ne crois pas ! traduisit enfin le professeur. A ce que je comprends, il la lutinait. Quand il était seul avec elle dans la maison, il tournait autour d’elle à la cuisine… Il l’embrassait… Une fois il a pénétré dans sa chambre comme elle s’habillait… Il lui donnait du chocolat en cachette… Mais pas plus !…
— Elle peut aller se recoucher…
On entendit la jeune fille monter l’escalier. Quelques instants plus tard, il y avait des allées et venues dans sa chambre. Maigret s’adressa à Any.
— Voulez-vous avoir l’obligeance de voir ce qu’elle fait ?
On le sut très vite.
— Elle veut partir tout de suite ! Elle a honte ! Elle ne veut pas rester une heure de plus dans la maison ! Elle demande pardon à ma sœur… Elle dit qu’elle ira à Groningen ou ailleurs, mais qu’elle ne vivra plus à Delfzijl…
Et Any d’ajouter, agressive :
— C’est cela que vous cherchez ?
L’horloge marquait dix heures quarante. Une voix, dans le haut-parleur, annonçait :
— Notre émission est terminée. Bonsoir mesdames, bonsoir mesdemoiselles, bonsoir messieurs…
Puis on entendait une musique lointaine, très assourdie, celle d’un autre poste.
Maigret, nerveusement, coupa le contact et ce fut le silence brutal, absolu. Beetje ne pleurait plus, mais elle continuait à se cacher le visage de ses deux mains.
— La conversation a continué ? questionna le commissaire avec une lassitude sensible.
Personne ne répondit. Les traits étaient encore plus burinés que dans la salle de l’Hôtel Van Hasselt.
— Je vous demande pardon de cette soirée pénible…
Maigret s’adressait surtout à Mme Popinga.
— … mais n’oubliez pas que votre mari était encore en vie… Il était ici, un peu excité par le cognac… Il a dû en boire à nouveau…
— Oui…
— Il était condamné, vous comprenez !… Et par quelqu’un qui le regardait… Et d’autres, qui sont ici en ce moment, refusent de dire ce qu’ils savent, se font ainsi les complices de l’assassin…
Barens eut un hoquet, se mit à trembler.
— N’est-ce pas, Cornélius ?… lui dit Maigret à brûle-pourpoint, en le regardant dans les yeux.
— Non !… Non !… Ce n’est pas vrai…
— Alors, pourquoi tremblez-vous ?…
— Je… je…
Il était sur le point de céder à une nouvelle crise, comme sur le chemin de la ferme.
— Ecoutez-moi !… Il va être l’heure à laquelle Beetje est partie avec Popinga… Vous êtes sorti tout de suite après, Barens… Vous les avez suivis un moment… Vous avez vu quelque chose…
— Non !… Ce n’est pas vrai…
— Attendez !… Après ce triple départ, il ne restait ici que Mme Popinga, Any et le professeur Duclos… Ces trois personnes ont gagné le premier étage…
Any approuva de la tête.
— Chacun est entré dans sa chambre, n’est-ce pas ? Dites-moi ce que vous avez vu, Barens !…
Il s’agita vainement. Maigret le tenait, tout palpitant, sous son regard.
— Non !… Rien !… Rien !…
— Vous n’avez pas vu Oosting, caché derrière un arbre ?
— Non !
— Et pourtant vous avez rôdé autour de la maison… Donc, vous aviez vu quelque chose…
— Je ne sais pas… Je ne veux pas… Non !… C’est impossible !…
Tout le monde le regardait. Lui n’osait regarder personne. Et Maigret, impitoyable :
Читать дальшеИнтервал:
Закладка: