Simenon, Georges - La guinguette à deux sous
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Simenon, Georges - La guinguette à deux sous краткое содержание
Une fin d'après-midi radieuse. Un soleil presque sirupeux dans les rues paisibles de la Rive Gauche. Et partout, sur les visages, dans les mille bruits familiers de la rue, de la joie de vivre. Il y a des jours ainsi, où l'existence est moins quotidienne et où les passants, sur les trottoirs, les tramways et les autos semblent jouer leur rôle dans une féerie. C'était le 27 juin. Quand Maigret arriva à la poterne de la Santé, le factionnaire attendri regardait un petit chat blanc qui jouait avec le chien de la crémière. Il doit y avoir des jours aussi où les pavés sont plus sonores. Les pas de Maigret résonnèrent dans la cour immense. Au bout d'un couloir, il interrogea un gardien. - Il a appris ?... - Pas encore. Un tour de clef. Un verrou. Une cellule très haute, très propre, et un homme qui se levait tandis que son visage semblait chercher une expression. - Ça va, Lenoir ? questionna le commissaire.
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On chanta. On traversa Seineport et les gens vinrent sur les seuils pour assister au défilé. Des gamins coururent longtemps derrière les chars en hurlant d’enthousiasme.
Les chevaux se mirent au pas. On traversait un pont. Quelque part, une enseigne était visible dans le clair-obscur :
Eugène Rougier – Débitant.
La maison était toute petite, toute blanche, serrée entre le chemin de halage et la colline. Les caractères de l’enseigne étaient naïfs. À mesure que l’on approchait, on percevait des ritournelles de musique, entrecoupées de grincements.
Qu’est-ce qui provoqua le tour de clé ? Maigret eût été bien en peine de le dire. Peut-être la mollesse du soir, la petite maison blanche avec ses deux fenêtres lumineuses et le contraste avec cette invasion carnavalesque ?
Peut-être le couple qui s’avançait pour regarder la « noce » ? Lui, un jeune ouvrier d’usine. Elle, une belle fille vêtue de soie rose, les mains aux hanches…
La maison n’avait que deux pièces. Dans celle de droite, une vieille femme s’agitait autour de son fourneau. Dans celle de gauche, on devinait un lit, des portraits de famille.
Le bistrot était derrière. C’était un grand hangar tout un côté était ouvert sur le jardin. Des tables et des bancs. Un comptoir. Un piano mécanique et des lampions.
Des mariniers buvaient, au comptoir. Une fillette d’une douzaine d’années surveillait le piano mécanique qu’elle remontait de temps en temps et glissait deux sous dans la fente.
Tout cela s’anima très vite. À peine descendus des chars à bancs, les nouveaux venus dansaient, bousculaient les tables, réclamaient à boire. Maigret, qui avait perdu James de vue, le retrouva au comptoir, rêveur devant un pernod.
Dehors, sous les arbres, un garçon dressait les couverts. Et le conducteur d’un char soupirait :
— Pourvu qu’ils ne nous tiennent pas trop tard ! Un samedi !…
Maigret était seul. Il fit lentement un tour complet sur lui-même. Il vit la petite maison qui fumait, les chars, le hangar, le couple d’amoureux, la foule travestie.
— C’est cela ! grommela-t-il.
La guinguette à deux sous ! Une allusion à la pauvreté du lieu, ou encore aux deux sous qu’il fallait mettre dans le piano pour avoir de la musique.
Et c’était là qu’il y avait un assassin ! Peut-être quelqu’un de la noce ! Peut-être le jeune ouvrier ! Peut-être un marinier !…
Ou James ! Ou M. Basso ?…
Il n’y avait pas l’électricité. Le hangar était éclairé par deux lampes à pétrole et d’autres étaient posées sur les tables, dans le jardin, si bien que le décor était partagé en taches d’ombre et de lumière.
— À table !… On mange !…
Mais on dansait toujours. On buvait. Les yeux s’animaient. Quelques personnes durent prendre plusieurs apéritifs coup sur coup car, en moins d’un quart d’heure, il y eut de l’ivresse dans l’air.
La vieille femme du bistrot servait elle-même à table, s’inquiétait du succès de ses plats – du saucisson, une omelette et un lapin ! – mais personne n’y prenait garde. On mangeait sans même s’en rendre compte. Et toutes les voix réclamaient à boire.
Un charivari confus, couvrant la musique. Les mariniers, du comptoir, contemplaient la scène en continuant leur conversation lente sur les canaux du Nord et le halage électrique.
Les jeunes amoureux dansaient, joue à joue ; mais leurs regards ne quittaient pas les tables où l’on s’amusait.
Maigret ne connaissait personne. Il avait à côté de lui une femme qui s’était fait une tête ridicule, moustachue, piquée de grains de beauté multiples, et qui l’appelait sans cesse l’oncle Arthur.
— Passe-moi le sel, oncle Arthur…
— Alors, et ton viau, oncle Arthur ?…
On se tutoyait. On se donnait de grands coups de coude. Est-ce que ces gens-là se connaissaient très bien entre eux ? Est-ce que ce n’étaient que des compagnons de hasard ?
Et que pouvait bien faire dans la vie, par exemple, le bonhomme à cheveux gris habillé en vieille femme ?
Et cette dame vêtue en petite fille qui adoptait une voix de fausset !
Des bourgeois, comme les Basso ? Marcel Basso était à côté de la mariée. Il ne la chahutait pas. De temps en temps, seulement, il avait un regard entendu qui devait signifier : « Ce qu’on était bien, après midi ! »
Avenue Niel, dans la garçonnière meublée ! Est-ce que le mari était ici aussi ?
Quelqu’un fit partir des pétards. Un feu de Bengale s’alluma dans le jardin et le couple d’ouvriers le regarda tendrement, la main dans la main.
— On dirait un décor de théâtre… dit la belle fille en rose.
Et il y avait un assassin !
— Un discours ! Un discours ! Un discours !
Ce fut M. Basso qui se leva, un sourire ravi aux lèvres, qui toussa, feignit l’embarras, commença un discours saugrenu que hachaient les applaudissements.
À certain moment, son regard s’arrêta sur Maigret. C’était le seul visage grave autour de la table. Et le commissaire sentit une gêne chez l’homme, qui détourna la tête.
Mais deux fois, trois fois le regard revint vers lui, interrogateur, ennuyé.
— … et vous répéterez tous avec moi : Vive la mariée !…
— Vive la mariée !
On se levait. On embrassait la mariée. On dansait. On entrechoquait les verres. Maigret vit M. Basso qui s’approchait de James et lui posait une question. Sans doute :
— Qui est-ce ?
Il entendit la réponse :
— Je ne sais pas… Un copain !… Un chic type !…
Les tables étaient abandonnées. Tout le monde dansait dans le hangar et des gens venus on ne savait d’où restaient dans la nuit, à peine distincts des troncs d’arbres, à contempler ceux qui s’amusaient.
Les bouchons de mousseux sautèrent.
— Viens boire une fine ! dit James. Je suppose que tu ne danses pas…
Drôle de garçon ! Il avait bu déjà de quoi enivrer quatre ou cinq hommes normaux. Et il n’était pas ivre à proprement parler. Il se traînait, saumâtre, d’une démarche flegmatique. Il fit entrer Maigret dans la maison. Il s’installa dans le fauteuil Voltaire du patron.
Une grand-mère toute cassée lavait la vaisselle tandis que la patronne, qui devait être sa fille et qui n’avait pas loin de cinquante ans, s’affairait.
— Eugène !… Encore six bouteilles de mousseux… Tu ferais peut-être bien de demander au cocher d’aller en chercher à Corbeil.
Un petit intérieur de campagne, très pauvre. Une horloge à balancier, dans une caisse de noyer sculpté. Et James allongeait les jambes, saisissait la bouteille de fine qu’il avait commandée, en servait deux pleins verres.
— À ta santé !…
On ne voyait plus rien de la noce. On entendait seulement une rumeur qui couvrait la musique. Par la porte ouverte, on devinait la surface fuyante de la Seine.
— Des trucs pour s’embrasser dans les coins, et tout le reste ! dit James avec mépris.
Il avait trente ans. Mais on sentait bien qu’il n’était pas l’homme à embrasser les femmes dans les coins.
— Je parie qu’il y en a déjà dans le fond du jardin…
Il observait la grand-mère pliée en deux au-dessus de son bassin à vaisselle.
— Donne-moi un torchon, tiens ! lui dit-il.
Et il se mit en devoir d’essuyer les verres et les assiettes, en ne s’interrompant que pour avaler de temps en temps une gorgée de cognac.
Parfois quelqu’un passait devant la porte. Maigret profita d’un moment où James parlait à la vieille pour s’esquiver. Il n’avait pas fait dix pas dehors que quelqu’un lui demandait du feu. L’homme aux cheveux gris, habillé en femme.
— Merci !… Vous ne dansez pas non plus ?
— Jamais !
— Ce n’est pas comme ma femme. Elle n’a pas encore raté une danse.
Maigret eut une intuition.
— La mariée ?
— Oui… Et tout à l’heure, quand elle restera tranquille, elle va prendre froid…
Il soupira. Il était grotesque, avec son visage grave d’homme de cinquante ans et sa robe de vieille. Le commissaire se demanda ce qu’il pouvait bien faire dans la vie, quel était son aspect habituel.
— Il me semble que je vous ai déjà rencontré quelque part… dit-il à tout hasard.
— J’ai la même impression… Nous nous sommes déjà vus… Mais où ?… À moins que vous ne soyez client de ma chemiserie…
— Vous êtes chemisier ?
— Sur les grands boulevards…
Sa femme était maintenant la plus bruyante de tous. Son ivresse était évidente. Elle se marquait par une exubérance inouïe. Elle dansait avec Basso, tellement rivée à lui que Maigret détourna la tête.
— Une drôle de petite fille, soupira le mari.
Une petite fille ! Cette femme de trente ans bien en chair, aux lèvres sensuelles, au regard allumé, qui semblait s’offrir toute à son cavalier !
— Quand elle s’amuse, elle devient comme folle…
Le commissaire regarda son compagnon, ne put deviner si celui-ci était furieux ou attendri.
Au même instant, quelqu’un criait :
— On couche la mariée !… En place pour le coucher de la mariée !… Où est le marié ?…
Il y avait un petit réduit au fond du hangar. On en ouvrit la porte. Quelqu’un alla chercher le marié au fond du jardin.
Maigret, lui, observait le vrai mari, qui souriait.
— D’abord la jarretelle souvenir !
Ce fut M. Basso qui enleva la jarretelle, la découpa en petits morceaux qu’il distribua. On poussa marié et mariée dans le réduit, dont on ferma la porte à clé.
— Elle s’amuse… murmura le compagnon de Maigret. Vous êtes marié aussi ?
— Heu !… Oui…
— Votre femme n’est pas ici ?
— Non… Elle est en vacances…
— Elle aime la jeunesse aussi ?…
Et Maigret se demandait si l’autre se payait sa tête ou parlait sérieusement. Il profita d’un moment d’inattention, pénétra dans le jardin, passa près du couple d’ouvriers collés à un arbre.
Dans la cuisine, James parlait avec la vieille, gentiment, sans cesser d’essuyer les verres, ni d’en vider.
— Qu’est-ce qu’ils f… ? demanda-t-il à Maigret. Vous n’avez pas vu ma femme ?
— Je ne l’ai pas remarquée.
— Pas faute qu’elle soit assez grosse !
Cela se précipita. Il pouvait être une heure du matin. Des gens parlaient à voix basse de partir. Quelqu’un était malade, au bord de la Seine. La mariée avait recouvré sa liberté. Il n’y avait que les plus jeunes à danser encore.
Le cocher du char vint trouver James.
— Vous croyez que ce sera encore long ?… J’ai la bourgeoise qui m’attend depuis une heure et…
— T’as une femme aussi ?
Et James donna le signal du départ. Sur les banquettes, les uns s’endormaient à moitié en dodelinant de la tête, d’autres continuaient à chanter et à rire avec plus ou moins de conviction.
On passa près d’un groupe de péniches endormies. Un train siffla. Sur le pont, on ralentit.
Les Basso descendirent en face de leur villa. Le chemisier avait déjà quitté le groupe à Seineport. Une femme disait à mi-voix à son mari qui était ivre :
— … Je te le dirai demain, ce que tu as fait !… Tais-toi !… Je ne t’écoute même pas !…
Le ciel était criblé d’étoiles que l’eau du fleuve reflétait. Au Vieux-Garçon, tout dormait. Poignées de main.
— Tu fais de la voile ?
— Nous allons au brochet…
— Bonne nuit…
Un rang de chambres. Maigret demanda à James :
— Il y en a une pour moi ?
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