Simenon, Georges - Maigret et son mort
- Название:Maigret et son mort
- Автор:
- Жанр:
- Издательство:неизвестно
- Год:неизвестен
- ISBN:нет данных
- Рейтинг:
- Избранное:Добавить в избранное
-
Отзывы:
-
Ваша оценка:
Simenon, Georges - Maigret et son mort краткое содержание
Maigret et son mort - читать онлайн бесплатно полную версию (весь текст целиком)
Интервал:
Закладка:
— Qui est-ce que tu vois, toi, qui pourrais faire l’affaire ?
— Il y a Chevrier. Ses parents tenaient un hôtel à Moret-sur-Loing, et il les a aidés jusqu’à son service militaire.
— Touche-le dès ce soir, afin qu’il se prépare. À ta santé ! Il faut qu’il déniche une femme sachant faire la cuisine.
— Il se débrouillera.
— Encore un petit vermouth ?
— Merci. Je file.
— Envoie-moi Moers tout de suite. Qu’il apporte son outillage.
Et Maigret le reconduisait jusqu’à la porte, contemplait un moment le quai désert, les barriques alignées, les péniches amarrées pour la nuit.
C’était un petit café comme on en voit beaucoup, non dans Paris même, mais dans les banlieues, un vrai petit café pour cartes postales ou pour images d’Épinal. La maison, qui faisait le coin, n’avait qu’un étage, un toit de tuiles rouges, des murs peints en jaune sur lesquels on lisait en grosses lettres brunes : Au Petit Albert . Puis, de chaque côté, avec de naïves arabesques : Vins - Casse-croûte à toute heure .
Dans la cour, derrière, sous un auvent, le commissaire avait trouvé des tonneaux verts qui contenaient des arbustes et qu’on devait, l’été, installer sur le trottoir, avec deux ou trois tables formant terrasse.
Maintenant, il était chez lui dans la maison vide. Comme il n’y avait pas eu de feu depuis quelques jours, l’air était froid, humide, et plusieurs fois Maigret loucha vers le gros poêle dressé au milieu du café, avec son tuyau qui parcourait l’espace, noir et luisant, avant de se perdre dans un mur.
Pourquoi pas, après tout, puisqu’il y avait un seau presque plein de charbon ? Sous le même auvent de la cour, il dénicha du petit bois à côté d’une hache et d’un billot. Il y avait de vieux journaux dans un coin de la cuisine.
Quelques minutes plus tard, le feu ronflait, et le commissaire se carrait devant le poêle, les mains derrière le dos, dans une pose qui lui était familière.
Au fond, la vieille femme de Lucas n’était pas si folle que ça. Ils étaient allés chez elle. Dans le taxi, elle avait parlé tout le temps avec volubilité, mais parfois elle épiait ses compagnons d’un regard en dessous afin de connaître l’impression qu’elle leur produisait.
Sa maison était à moins de cent mètres, une petite maison à un étage aussi, ce qu’on appelle un pavillon, avec un jardinet. Maigret s’était demandé comment se trouvant fatalement du même côté du quai, elle avait pu voir ce qui se passait sur le trottoir à une certaine distance de chez elle, surtout alors que la nuit était tombée.
— Vous n’êtes pas restée tout ce temps-là sur le trottoir ?
— Non.
— Ni sur votre seuil ?
— J’étais dans ma maison.
Elle avait raison. La pièce de devant, qui était étonnamment propre et nette, avait non seulement des fenêtres sur la rue, mais aussi une fenêtre latérale par laquelle on voyait une grande partie du quai, dans la direction du Petit Albert . Comme il n’y avait pas de volets, il était naturel que les phares d’une auto en stationnement eussent attiré l’attention de la vieille.
— Vous étiez seule chez vous ?
— M meChauffier était avec moi.
Une sage-femme qui habitait une rue plus loin. On avait vérifié. C’était vrai. La maison, contrairement à ce qu’on aurait pu attendre en voyant la vieille, ressemblait à tous les intérieurs de femmes seules. Il ne s’y trouvait pas de ce bric-à-brac dont s’entourent volontiers les diseuses de bonne aventure. Au contraire, les meubles clairs venaient tout droit du boulevard Barbès, et il y avait par terre un linoléum jaune.
— Cela devait arriver, disait-elle. Vous avez lu ce qu’il a inscrit sur la façade de son café ? Ou bien c’était un initié, ou bien il a commis un sacrilège.
Elle avait mis de l’eau à chauffer pour le café. Elle voulait à toutes forces en faire boire une tasse à Maigret. Elle lui expliquait que le Petit Albert était un livre de magie qui datait du quatorzième ou du quinzième siècle.
— Et si son prénom est Albert ? Et s’il est effectivement petit ? ripostait le commissaire.
— Il est petit, je le sais. Je l’ai vu souvent. Ce n’est pas une raison suffisante. Il y a des choses avec lesquelles il est imprudent de jouer.
De la femme d’Albert, elle disait :
— Une grande brune pas très propre, dont je ne voudrais pas manger la cuisine et qui sentait toujours l’ail.
— Depuis quand les volets sont-ils fermés ?
— Je ne sais pas. Le lendemain du jour où j’ai aperçu l’auto, je suis restée au lit, car j’avais la grippe. Quand je me suis levée, le café était fermé, et j’ai pensé que c’était un bon débarras.
— On y faisait du bruit ?
— Non. Il n’y venait presque personne. Tenez, les ouvriers de la grue que vous voyez sur le quai y prenaient leur déjeuner. Il y avait aussi le caviste de chez Cess, les négociants en vins. Des mariniers y allaient boire le coup sur le zinc.
Elle avait insisté pour savoir dans quels journaux paraîtrait sa photographie.
— Surtout, j’interdis qu’on écrive que je suis cartomancienne. C’est un peu comme si on disait que vous êtes sergent de ville.
— Il n’y aurait pas d’offense.
— Moi, cela me ferait du tort.
Allons ! Il en avait fini avec la vieille. Il avait bu son café. Ils s’étaient approchés de la maison du coin, Lucas et lui. C’est Lucas qui avait tourné machinalement le bec-de-cane de la porte, et celle-ci s’était ouverte.
C’était curieux, ce petit bistrot dont la porte était restée ouverte pendant au moins quatre jours et qu’on retrouvait intact, avec ses bouteilles sur l’étagère et de l’argent dans le tiroir-caisse.
Les murs étaient peints à l’huile, en brun jusqu’à un mètre du sol environ, en vert pâle au-dessus ; on y voyait les calendriers-réclames qu’on retrouve dans tous les cafés de campagne.
Au fond, « le petit Albert » n’était pas si Parisien que cela, ou plutôt, comme la plupart des Parisiens, il avait gardé des goûts paysans. Ce café, on le devinait arrangé à sa façon, avec une sorte d’amour, et on aurait pu en trouver un pareil dans n’importe quel village de France.
Il en était de même de la chambre, là-haut. Car Maigret, les mains dans les poches, avait parcouru toute la maison. Lucas l’avait suivi, amusé, parce que le commissaire, son pardessus et son chapeau retirés, paraissait vraiment prendre possession d’un nouveau domicile. En moins d’une demi-heure, il y était comme chez lui et allait de temps en temps se camper derrière le comptoir.
— Ce qu’il y a de certain, c’est que Nine n’est pas ici.
Ils l’avaient cherchée de la cave au grenier, fouillant aussi la cour, le jardinet encombré de vieilles caisses et de bouteilles vides.
— Qu’est-ce que tu en penses, toi ?
— Je ne sais pas, patron.
Le café ne comportait que huit tables, quatre le long d’un mur, deux en face et les deux dernières enfin au milieu de la pièce, près du poêle. C’était une de ces dernières que les deux hommes regardaient de temps en temps, parce que la sciure de bois, au pied d’une des chaises, avait été soigneusement balayée. Pourquoi, sinon pour faire disparaître des taches de sang ?
Mais qui avait retiré le couvert de la victime, qui l’avait lavé et avait lavé les verres ?
— Peut-être qu’ils sont revenus après ? proposa Lucas.
Il y avait en tout cas un détail curieux. Alors que tout était en ordre dans la maison, une bouteille, une seule, restait débouchée sur le comptoir, et Maigret s’était bien gardé d’y toucher. C’était une bouteille de cognac, et il fallait supposer que celui ou ceux qui s’en étaient servis s’étaient passés de verre et avaient bu au goulot.
Les visiteurs inconnus étaient montés là-haut. Ils avaient fouillé tous les tiroirs, où le linge et les objets étaient restés pêle-mêle, mais les avaient refermés.
Le plus étrange, c’était que deux cadres, au mur de la chambre, qui avaient dû contenir des photographies, étaient vides.
Ce n’était pas le portrait du petit Albert qu’on avait voulu supprimer, car on en voyait un sur la commode : visage rond et joyeux, toupet sur le front, l’air d’un comique, selon l’expression du patron des Caves du Beaujolais .
Un taxi s’arrêtait. On entendait des pas sur le trottoir. Maigret allait retirer le verrou.
— Entre, disait-il à Moers qui portait une valise assez lourde. Tu as dîné ? Non ? Un petit apéritif ?
Et ce fut une des soirées, une des nuits les plus curieuses de sa vie. De temps en temps, il venait regarder Moers, qui avait entrepris un travail de longue haleine, relevant partout, dans le café d’abord, puis dans la cuisine, dans la chambre, dans toutes les pièces de la maison, les moindres empreintes digitales.
— Celui qui a pris cette bouteille le premier portait des gants de caoutchouc, put-il affirmer.
Il avait aussi prélevé des échantillons de sciure de bois, près de la fameuse table. Et Maigret, dans la poubelle, avait retrouvé des restes de morue.
Quelques heures plus tôt, le mort n’avait pas encore de nom et ne représentait aux yeux de Maigret qu’une image assez floue. Maintenant, non seulement on possédait sa photographie, mais le commissaire vivait dans sa maison, parmi ses meubles, tripotait des vêtements qui lui avaient appartenu, maniait ses objets personnels. Non sans une certaine satisfaction, il avait désigné à Lucas, dès leur arrivée, un vêtement qui pendait à un des portemanteaux de la chambre : C’était un veston du même tissu que le pantalon du mort.
Autrement dit, il avait raison. Albert était rentré chez lui et s’était changé, par habitude.
— Tu crois, mon petit Moers, qu’il y a longtemps que quelqu’un est venu ici ?
— Je jugerais qu’on est venu aujourd’hui, répondait le jeune homme, après avoir examiné des traces d’alcool sur le comptoir, près de la bouteille débouchée.
C’était possible. La maison était ouverte à tout le monde. Seulement les passants ne le savaient pas. Quand on aperçoit des volets clos, on a rarement l’idée de tourner le bec-de-cane pour savoir si la porte est fermée ou non.
— Ils cherchent quelque chose, hein ?
— C’est mon avis aussi.
Quelque chose de pas volumineux, vraisemblablement un papier, car on avait ouvert jusqu’à une boîte de carton minuscule qui avait contenu des boucles d’oreilles.
Drôle de dîner que celui qu’ils avaient fait en tête à tête, Moers et Maigret, dans la salle du café. Maigret s’était chargé du service. Il avait trouvé dans l’office un saucisson, des boîtes de sardines, du fromage de Hollande. Il était descendu à la cave tirer du vin au tonneau, un vin épais, bleuâtre. Il y avait des bouteilles bouchées, mais il n’y avait pas touché.
— Vous restez, patron ?
— Ma foi, oui. Il ne viendra probablement personne cette nuit, mais je n’ai pas envie de rentrer chez moi.
— Vous voulez que je reste avec vous ?
— Merci, mon petit Moers. Je préfère que tu ailles tout de suite faire tes analyses.
Moers ne négligeait rien, même pas des cheveux de femme enroulés à un démêloir, sur la toilette du premier étage. On entendait peu de bruit dehors. Les passants étaient rares. De temps en temps, surtout après minuit, le vacarme d’un camion venant de la banlieue et se dirigeant vers les Halles.
Maigret avait téléphoné à sa femme.
— Tu es sûr que tu ne vas pas encore prendre froid ?
Читать дальшеИнтервал:
Закладка: