Simenon, Georges - Maigret et son mort
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Dès lors, toutes les cellules puantes de la maison se mettaient à vivre d’une vie grouillante. Des coups étaient frappés à une première porte.
— Police !
Des gens en chemises, des hommes, des femmes, mal réveillés, le teint blême, avec tous, ce même air anxieux, parfois hagard.
— Vos papiers !
Pieds nus, ils allaient les chercher sous l’oreiller ou dans un tiroir, devaient parfois fouiller de vieilles malles démodées qui venaient de l’autre extrémité de l’Europe.
À l’ Hôtel du Lion d’Or , un homme tout nu restait assis sur son lit, les jambes pendantes, pendant que sa compagne montrait une carte de prostituée.
— Et toi ?
Il regardait l’inspecteur sans comprendre.
— Ton passeport ?
Il ne bougeait toujours pas. Son corps paraissait d’autant plus blême qu’il était couvert de poils très noirs, très longs. Des voisins, du palier, le regardaient en riant.
— Qui est-ce ? demandait l’inspecteur à la fille.
— Je ne sais pas.
— Il ne t’a rien dit ?
— Il ne parle pas un mot de français.
— Où l’as-tu rencontré ?
— Dans la rue.
Au Dépôt ! On lui fourrait ses vêtements dans la main. On lui faisait signe de se rhabiller, et il était longtemps sans comprendre, protestait, se tournait vers sa compagne, à qui il semblait réclamer quelque chose. Son argent, sans doute ? Peut-être était-il arrivé en France le soir même, et il finirait sa première nuit quai de l’Horloge.
— Papiers...
Les portes s’entrouvraient sur des chambres délabrées, dont chacune, en plus de l’odeur de la maison, exhalait l’odeur de ses hôtes d’une semaine ou d’une nuit.
Quinze, vingt personnes se massaient devant les paniers à salade. On les poussait une à une à l’intérieur, et certaines des filles, qui avaient l’habitude, plaisantaient avec les agents. Il y en avait qui, pour s’amuser, leur adressaient des gestes obscènes.
Certains pleuraient. Des hommes serraient les poings, entre autres un adolescent très blond, le crâne rasé, qui n’avait aucun papier et sur qui on avait trouvé un revolver.
Que ce soit dans les hôtels ou dans la rue, on n’effectuait qu’un tri élémentaire. Le vrai travail se ferait au Dépôt, soit au cours de la nuit, soit le lendemain matin.
— Papiers...
Les tenanciers étaient les plus nerveux, parce qu’ils risquaient leur patente. Or, aucun n’était en règle. Chez tous on trouvait des voyageurs non inscrits.
— Vous savez, monsieur l’inspecteur, que j’ai toujours été régulier, mais, quand un client se présente à minuit et qu’on est tout endormi…
Une fenêtre s’ouvrit à l’ Hôtel du Lion d’Or dont la boule laiteuse était la plus proche de Maigret. Un coup de sifflet éclata. Le commissaire s’avança, leva la tête.
— Qu’est-ce que c’est ?
Comme par hasard, un tout jeune inspecteur se trouvait là-haut et balbutiait :
— Je crois que vous devriez monter.
Maigret s’engagea dans l’escalier étroit, avec Lucas sur ses talons. Il touchait à la fois la rampe et le mur. Les marches craquaient. Il y avait des lustres, pour ne pas dire des siècles, que toutes ces maisons auraient dû être rasées, ou plutôt brûlées avec leurs nids de puces et de poux de tous les pays du monde.
C’était au second étage. Une porte était ouverte, une lampe électrique sans abat-jour, de faible voltage, avec des filaments jaunes, brûlait au bout de son fil. La chambre était déserte. Elle contenait deux lits de fer dont un seul était défait. Il y avait aussi un matelas par terre, des couvertures en mauvaise laine grise, un veston sur une chaise, un réchaud à alcool et de la mangeaille, des litres vides sur une table.
— Par ici, patron...
La porte de communication avec la chambre voisine était ouverte, et Maigret aperçut une femme couchée, un visage sur l’oreiller, deux yeux bruns, ardents, magnifiques, qui le fixaient farouchement.
— Qu’est-ce que c’est ? questionna-t-il.
Rarement il avait vu un visage aussi expressif.
Jamais il n’en avait vu de plus sauvage.
— Regardez-la bien, balbutia l’inspecteur. J’ai voulu la faire lever. Je lui ai parlé, mais elle ne s’est pas donné la peine de me répondre. Alors je me suis approché du lit. J’ai tenté de lui secouer les épaules. Voyez ma main. Elle m’a mordu jusqu’au sang.
La femme ne souriait pas en voyant l’inspecteur montrer son pouce endolori. Ses traits, au contraire, se crispaient, comme sous le coup d’une souffrance violente.
Et Maigret, qui observait le lit, fronçait les sourcils, grognait :
— Mais elle est en train d’accoucher !
Il se tourna vers Lucas.
— Téléphone pour l’ambulance. Emmène-la à la maternité. Dis au patron de monter tout de suite.
Le jeune inspecteur, à présent, rougissait, n’osait plus regarder le lit. La chasse continuait aux autres étages de la maison, et les planchers frémissaient.
— Tu ne veux pas parler ? demandait Maigret à la femme. Tu ne comprends pas le français ?
Elle le fixait toujours, et il était impossible de deviner ce qu’elle pensait. Le seul sentiment qu’exprimait son visage était une haine farouche.
Elle était jeune. Elle n’avait pas vingt-cinq ans, sans doute, et ses joues pleines étaient encadrées de cheveux longs, d’un noir soyeux. On butait dans l’escalier. Le tenancier s’arrêtait, hésitant, dans l’encadrement de la porte.
— Qui est-ce ?
— On l’appelle Maria.
— Maria qui ?
— Je ne crois pas qu’elle ait un autre nom.
Soudain Maigret fut pris d’une colère dont il eut aussitôt honte. Il ramassa un soulier d’homme, au pied du lit.
— Et ça... ? cria-t-il en le jetant dans les jambes du patron. Cela n’a pas de nom non plus ?... Et ça ?... Et ça ?...
Il attrapait un veston, une chemise sale au fond du placard, un autre soulier, une casquette.
— Et ça.
Il passait dans la pièce voisine, désignait deux valises dans un coin.
— Et ça ?
Du fromage sur un papier gras, des verres, quatre verres, des assiettes, avec encore des restes de charcuterie.
— Ils étaient inscrits sur ton livre, tous ceux qui habitaient ici ? Hein ? Réponds ! Et, d’abord, combien étaient-ils ?
— Je ne sais pas.
— Est-ce que cette femme parle le français ?
— Je ne sais pas... Non !... Elle comprend quelques mots...
— Depuis combien de temps est-elle ici ?
— Je ne sais pas.
Il avait un vilain furoncle bleuâtre dans le cou, l’air malsain, le cheveu rare. Son pantalon, dont il n’avait pas passé les bretelles, lui glissait sur les hanches, et il le retenait à deux mains.
— Quand est-ce que ça a commencé ?
Maigret désignait la femme.
— On ne m’avait pas prévenu...
— Tu mens !... Et les autres ? Où sont-ils ?
— Sans doute qu’ils sont partis...
— Quand ?
Maigret marchait vers lui, dur, les poings serrés. Il était capable, à ce moment, de frapper.
— Ils ont filé tout de suite après que le type a été descendu dans la rue, avoue-le ! Ils ont été plus malins que les autres. Ils n’ont pas attendu que les barrages de police soient en place.
Le patron ne répondait pas.
— Regarde ceci, avoue que tu le connais !
Il lui fourrait sous le nez la photographie de Victor Poliensky.
— Tu le connais ?
— Oui.
— Il vivait dans cette chambre ?
— À côté.
— Avec les autres ?... Et qui couchait avec cette femme ?
— Je vous jure que je n’en sais rien. Peut-être qu’ils étaient plusieurs…
Lucas remontait. Presque aussitôt on entendait dehors la sirène de l’ambulance. La femme eut un cri arraché par la douleur, mais aussitôt elle se mordit les lèvres et regarda les hommes avec défi.
— Écoute, Lucas, j’ai encore pour un bon moment ici. Tu iras avec elle. Tu ne la quitteras pas. Je veux dire que tu ne quitteras pas le couloir de l’hôpital. J’essayerai tout à l’heure de dénicher un traducteur tchèque.
D’autres locataires qu’on emmenait descendaient pesamment l’escalier, se heurtaient aux infirmiers qui montaient avec la civière. Tout cela, dans la mauvaise lumière, avait un air fantomatique. Cela ressemblait à un cauchemar, mais un cauchemar qui aurait senti la crasse et la sueur.
Maigret préféra passer à côté pendant que les infirmiers s’occupaient de la jeune femme.
— Où la conduis-tu ? demanda-t-il à Lucas.
— À Laennec. J’ai téléphoné à trois hôpitaux avant de trouver de la place.
Le patron de l’hôtel n’osait pas bouger et regardait le plancher d’un œil lugubre.
— Reste ici. Ferme la porte ! lui commanda Maigret quand le terrain fut libre. Et, maintenant, raconte.
— Je ne sais pas grand-chose, je vous jure.
— Ce soir, un inspecteur est venu et t’a montré la photo. Est-ce exact ?
— C’est exact.
— Tu as déclaré que tu ne connaissais pas le type.
— Pardon ! J’ai dit qu’il n’était pas client de l’hôtel.
— Comment ça ?
— Il n’est pas inscrit, ni la femme. C’est un autre qui est inscrit pour les deux chambres.
— Depuis combien de temps ?
— Environ cinq mois.
— Comment s’appelle-t-il ?
— Serge Madok.
— C’est le chef ?
— Le chef de quoi ?
— Je vais te donner un bon conseil : ne fais pas l’idiot ! Sinon, nous irons poursuivre cette conversation ailleurs, et demain matin la boîte sera bouclée. Compris ?
— J’ai toujours été régulier.
— Sauf ce soir. Parle-moi de ton Serge Madok. Un Tchèque ?
— C’est ce qui est inscrit sur ses papiers. Ils parlent tous la même langue. Ce n’est pas du polonais, car j’ai l’habitude des Polonais.
— Quel âge ?
— Une trentaine d’années. Au début, il m’a dit qu’il travaillait en usine.
— Il travaillait réellement ?
— Non.
— Comment le sais-tu ?
— Parce qu’il restait ici toute la journée.
— Et les autres ?
— Les autres aussi. Il n’y en avait jamais qu’un à la fois qui sortait. Le plus souvent, c’était la femme, qui allait faire le marché rue Saint-Antoine.
— Qu’est-ce qu’ils fabriquaient du matin au soir ?
— Rien. Ils dormaient, mangeaient, buvaient, jouaient aux cartes. Ils étaient assez tranquilles. De temps en temps, ils se mettaient à chanter, mais jamais la nuit, de sorte que je n’avais rien à dire.
— Combien étaient-ils ?
— Quatre hommes et Maria.
— Et les quatre hommes... avec Maria ?
— Je ne sais pas.
— Tu mens ! Parle.
— Il se passait quelque chose, mais je ne sais pas au juste quoi. Il leur arrivait de se disputer, et j’ai cru comprendre que c’était à cause d’elle. Plusieurs fois, je suis entré dans la chambre de derrière, et ce n’était pas toujours le même qui manquait.
— Celui de la photo, Victor Poliensky ?
— Je crois. Cela a dû lui arriver. En tout cas, il était amoureux…
— Qui était le plus important ?
— Je crois que c’est celui qu’ils appelaient Cari. J’ai entendu son autre nom, mais c’est si compliqué que je n’ai jamais pu le prononcer et que je ne l’ai pas retenu.
— Un instant.
Maigret tirait de sa poche son calepin de blanchisseuse, mouillait son crayon comme un écolier.
— D’abord la femme, que tu appelles Maria. Puis Cari. Puis Serge Madok, au nom de qui étaient les deux chambres. Victor Poliensky, celui qui est mort. C’est tout ?
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