Н. Долгорукова - Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut
- Название:Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut
- Автор:
- Жанр:
- Издательство:Литагент «АСТ»c9a05514-1ce6-11e2-86b3-b737ee03444a
- Год:2014
- Город:Москва
- ISBN:978-5-17-085077-8
- Рейтинг:
- Избранное:Добавить в избранное
-
Отзывы:
-
Ваша оценка:
Н. Долгорукова - Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut краткое содержание
В книге представлен один из шедевров западноевропейской литературы средних веков – Тристан и Изольда. В основе сюжета – трагическая любовь Изольды, жены корнуоллского короля, к племяннику её мужа Тристану. Эту легенду не раз перелагали французские поэты. Здесь представлен перевод на современный французский язык, выполненный в начале прошлого века известным филологом Жозефом Бедье и считающийся едва ли не самым удачным.
Текст снабжён комментариями, в которых поясняются некоторые лексические и грамматические сложности. В конце книги помещён небольшой французско-русский словарь.
Издание предназначено для Уровня 4, то есть для продолжающих изучение французского языка верхней ступени.
Французский с любовью. Тристан и Изольда / Le roman de Tristan et Iseut - читать онлайн бесплатно ознакомительный отрывок
Интервал:
Закладка:
Iseut a vu l’anneau. Elle ouvre ses bras tout grands : « Me voici ! Prends-moi, Tristan ! » Alors Tristan cessa de contrefaire sa voix : « Amie, comment m’as-tu si longtemps pu méconnaître, plus longtemps que ce chien ? Qu’importe cet anneau ? Ne sens-tu pas qu’il m’aurait été plus doux d’être reconnu au seul rappel de nos amours passées ? Qu’importe le son de ma voix ? C’est le son de mon cœur que tu devais entendre. – Ami, dit Iseut, peut-être l’ai-je entendu plus tôt que tu ne penses ; mais nous sommes enveloppés de ruses : devais-je comme ce chien suivre mon désir, au risque de te faire prendre et tuer sous mes yeux ? Je me gardais et je te gardais. Ni le rappel de ta vie passée, ni le son de ta voix, ni cet anneau même ne me prouvent rien, car ce peuvent être les jeux méchants d’un enchanteur. Je me rends pourtant, à la vue de l’anneau : n’ai-je pas juré que, sitôt que je le reverrais, dussé-je me perdre, je ferais toujours ce que tu me manderais, que ce fût sagesse ou folie ? Sagesse ou folie, me voici ; prends-moi, Tristan ! »
Elle tomba pâmée sur la poitrine de son ami. Quand elle revint à elle, Tristan la tenait embrassée et baisait ses yeux et sa face. Il entre avec elle sous la courtine. Entre ses bras il tient la reine. Pour s’amuser du fou, les valets l’hébergèrent sous les degrés de la salle, comme un chien dans un chenil. Il endurait doucement leurs railleries et leurs coups, car parfois, reprenant sa forme et sa beauté, il passait de son taudis à la chambre de la reine. Mais, après quelques jours écoulés, deux chambrières soupçonnèrent la fraude ; elles avertirent Andret, qui aposta devant les chambres des femmes trois espions bien armés. Quand Tristan voulut franchir la porte : « Arrière, fou, crièrent-ils, retourne te coucher sur ta botte de paille ! – Eh quoi, beaux seigneurs, dit le fou, ne faut-il pas que j’aille ce soir embrasser la reine ? Ne savez-vous pas qu’elle m’aime et qu’elle m’attend ? » Tristan brandit sa massue ; ils eurent peur et le laissèrent entrer. Il prit Iseut entre ses bras : « Amie, il me faut fuir déjà, car bientôt je serais découvert. Il me faut fuir et jamais sans doute je ne reviendrai. Ma mort est prochaine : loin de vous, je mourrai de mon désir. – Ami, ferme tes bras et accole-moi si étroitement que, dans cet embrassement, nos deux cœurs se rompent et nos âmes s’en aillent ! Emmène-moi au pays fortuné dont tu parlais jadis : au pays dont nul ne retourne, où des musiciens insignes chantent des chants sans fin. Emmène-moi ! – Oui, je t’emmènerai au pays fortuné des Vivants. Le temps approche ; n’avons-nous pas bu déjà toute misère et toute joie ? Le temps approche ; quand il sera tout accompli, si je t’appelle, Iseut, viendras-tu ? – Ami, appelle-moi ! Tu le sais, que je viendrai ! – Amie ! Que Dieu t’en récompense! » Lorsqu’il franchit le seuil, les espions se jetèrent contre lui. Mais le fou éclata de rire, fit tourner sa massue, et dit : « Vous me chassez, beaux seigneurs ; à quoi bon ? Je n’ai plus que faire céans, puisque ma dame m’envoie au loin préparer la maison claire que je lui ai promise, la maison de cristal, fleurie de roses, lumineuse au matin quand reluit le soleil ! – Va-t’en donc, fou, à la male heure ! » Les valets s’écartèrent, et le fou, sans se hâter, s’en fut en dansant.
XIX
La mort
A peine était-il revenu en Petite-Bretagne, à Carhaix, il advint que Tristan, pour porter aide à son cher compagnon Kaherdin, guerroya un baron nommé Bedalis. Il tomba dans une embuscade dressée par Bedalis et ses frères. Tristan tua les sept frères. Mais lui-même fut blessé d’un coup de lance, et la lance était empoisonnée. Il revint à grand’peine jusqu’au château de Carhaix et fit appareiller ses plaies. Les médecins vinrent en nombre, mais nul ne sut le guérir du venin, car ils ne le découvrirent même pas. Ils ne surent faire aucun emplâtre pour attirer le poison au dehors ; vainement ils battent et broient leurs racines, cueillent des herbes, composent des breuvages : Tristan ne fait qu’empirer, le venin s’épand par son corps, il blêmit et ses os commencent à se découvrir. Il sentit que sa vie se perdait, il comprit qu’il fallait mourir. Alors, il voulut revoir Iseut la Blonde. Mais comment aller vers elle ? Il est si faible que la mer le tuerait ; et si même il parvenait en Cornouailles, comment y échapper à ses ennemis ? Il se lamente, le venin l’angoisse, il attend la mort. Il manda Kaherdin en secret pour lui découvrir sa douleur, car tous deux s’aimaient de loyal amour. Il voulut que personne ne restât dans sa chambre, hormis Kaherdin, et même que nul ne se tînt dans les salles voisines. Iseut, sa femme, s’émerveilla en son cœur de cette étrange volonté. Elle en fut toute effrayée et voulut entendre l’entretien. Elle vint s’appuyer en dehors de la chambre, contre la paroi qui touchait au lit de Tristan. Elle écoute ; un de ses fidèles, pour que nul ne la surprenne, guette au dehors. Tristan rassemble ses forces, se redresse, s’appuie contre la muraille, Kaherdin s’assied près de lui, et tous deux pleurent ensemble, tendrement. Ils pleurent leur bon compagnonnage d’armes, si tôt rompu, leur grande amitié et leurs amours ; et l’un se lamente sur l’autre.
« Beau doux ami, dit Tristan, je suis sur une terre étrangère, où je n’ai ni parent, ni ami, vous seul excepté ; vous seul, en cette contrée, m’avez donné joie et consolation. Je perds ma vie, je voudrais revoir Iseut la Blonde. Mais comment, par quelle ruse lui faire connaître mon besoin ? Ah ! Si je savais un messager qui voulût aller vers elle, elle viendrait, tant elle m’aime ! Kaherdin, beau compagnon, par notre amitié, par la noblesse de votre cœur, par notre compagnonnage, je vous en requiers : tentez pour moi cette aventure, et si vous emportez mon message, je deviendrai votre homme-lige et vous aimerai par-dessus tous les hommes ».
Kaherdin voit Tristan pleurer, se déconforter, se plaindre ; son cœur s’amollit de tendresse ; il répond doucement, par amour : « Beau compagnon, ne pleurez plus ; je ferai tout votre désir. Certes, ami, pour l’amour de vous je me mettrais en aventure de mort. Nulle détresse, nulle angoisse ne m’empêchera de faire selon mon pouvoir. Dites ce que vous voulez mander à la reine, et je fais mes apprêts ». Tristan répondit : « Ami, soyez remercié ! Or, écoutez ma prière. Prenez cet anneau : c’est une enseigne entre elle et moi. Et quand vous arriverez en sa terre, faites-vous passer à la cour pour un marchand. Présentez-lui des étoffes de soie, faites qu’elle voie cet anneau : aussitôt elle cherchera une ruse pour vous parler en secret. Alors dites-lui que mon cœur la salue ; que, seule, elle peut me porter réconfort ; dites-lui que, si elle ne vient pas, je meurs ; dites-lui qu’il lui souvienne de nos plaisirs passés, et des grandes peines, et des grandes tristesses, et des joies, et des douceurs de notre amour loyal et tendre ; qu’il lui souvienne du breuvage que nous bûmes ensemble sur la mer ; ah ! C’est notre mort que nous avons bue ! Qu’il lui souvienne du serment que je lui fis de n’aimer jamais qu’elle : j’ai tenu cette promesse ! »
Derrière la paroi, Iseut aux Blanches Mains entendit ces paroles ; elle défaillit presque.
«Hâtez-vous, compagnon, et revenez bientôt vers moi ; si vous tardez, vous ne me reverrez plus. Prenez un terme de quarante jours et ramenez Iseut la Blonde. Cachez votre départ à votre sœur, ou dites que vous allez quérir un médecin. Vous emmènerez ma belle nef ; prenez avec vous deux voiles, l’une blanche, l’autre noire. Si vous ramenez la reine Iseut, dressez au retour la voile blanche ; et si vous ne la ramenez pas, cinglez avec la voile noire. Ami, je n’ai plus rien à vous dire : que Dieu vous guide et vous ramène sain et sauf ! »
Il soupire, pleure et se lamente, et Kaherdin pleure pareillement, baise Tristan et prend congé. Au premier vent il se mit en mer. Les mariniers halèrent les ancres, dressèrent la voile, cinglèrent par un vent léger, et leur proue trancha les vagues hautes et profondes. Ils emportaient de riches marchandises : des draps de soie teints de couleurs rares, de la belle vaisselle de Tours, des vins de Poitou, des gerfauts d’Espagne, et par cette ruse Kaherdin pensait parvenir auprès d’Iseut. Huit jours et huit nuits, ils fendirent les vagues et voguèrent à pleines voiles vers la Cornouailles.
Colère de femme est chose redoutable, et que chacun s’en garde ! Là où une femme aura le plus aimé, là aussi elle se vengera le plus cruellement. L’amour des femmes vient vite, et vite vient leur haine ; et leur inimitié, une fois venue, dure plus que l’amitié. Elles savent tempérer l’amour, mais non la haine. Debout contre la paroi, Iseut aux Blanches Mains avait entendu chaque parole. Elle avait tant aimé Tristan!… Elle connaissait enfin son amour pour une autre. Elle retint les choses entendues ; si elle le peut un jour, comme elle se vengera sur ce qu’elle aime le plus au monde ! Pourtant, elle n’en fit nul semblant, et dès qu’on rouvrit les portes, elle entra dans la chambre de Tristan, et, cachant son courroux, continua de le servir et de lui faire belle chère, ainsi qu’il sied à une amante. Elle lui parlait doucement, le baisait sur les lèvres, et lui demandait si Kaherdin reviendrait bientôt avec le médecin qui devait le guérir… Mais toujours elle cherchait sa vengeance. Kaherdin ne cessa de naviguer, tant qu’il jeta l’ancre dans le port de Tintagel.
Il prit sur son poing un grand autour, il prit un drap de couleur rare, une coupe bien ciselée : il en fit présent au roi Marc et lui demanda courtoisement sa sauvegarde et sa paix, afin qu’il pût trafiquer en sa terre, sans craindre nul dommage de chambellan ni de vicomte. Et le roi le lui octroya devant tous les hommes de son palais. Alors, Kaherdin offrit à la reine un fermail ouvré d’or fin : « Reine, dit-il, l’or en est bon », et, retirant de son doigt l’anneau de Tristan, il le mit à côté du joyau. « Voyez, reine ; l’or de ce fermail est plus riche et pourtant l’or de cet anneau a bien son prix ».
Quand Iseut reconnut l’anneau de jaspe vert, son cœur frémit et sa couleur mua, et, redoutant ce qu’elle allait ouïr, elle attira Kaherdin à l’écart, près d’une croisée, comme pour mieux voir et marchander l’anneau. Kaherdin lui dit simplement : « Dame, Tristan est blessé d’une épée empoisonnée et va mourir. Il vous mande que, seule, vous pouvez lui porter réconfort. Il vous rappelle les grandes peines et les douleurs subies ensemble. Gardez cet anneau, il vous le donne ».
Iseut répondit, défaillante : « Ami, je vous suivrai. Demain, au matin, que votre nef soit prête à l’appareillage ». Le lendemain, au matin, la reine dit qu’elle voulait chasser au faucon et fit préparer ses chiens et ses oiseaux. Mais le duc Andret, qui toujours guettait, l’accompagna. Quand ils furent aux champs, non loin du rivage de la mer, un faisan s’enleva. Andret laissa aller un faucon pour le prendre, mais le temps était clair et beau, le faucon s’essora et disparut. « Voyez, sire Andret, dit la reine, le faucon s’est perché là-bas, au port, sur le mât d’une nef que je ne connaissais pas. À qui est-elle ? – Dame, fit Andret, c’est la nef de ce marchand de Bretagne qui hier vous fit présent d’un fermail d’or. Allons-y reprendre notre faucon ».
Kaherdin avait jeté une planche, comme un ponceau, de sa nef au rivage. Il vint à la rencontre de la reine : « Dame, s’il vous plaisait, vous entreriez dans ma nef, et je vous montrerais mes riches marchandises. – Volontiers, sire », dit la reine. Elle descend de cheval, va droit à la planche, la traverse, entre dans la nef. Andret veut la suivre, et s’engage sur la planche : mais Kaherdin, debout sur le plat bord, le frappe de son aviron ; Andret trébuche et tombe dans la mer. Il veut se reprendre ; Kaherdin le refrappe à coups d’aviron et le rabat sous les eaux, et crie : « Meurs, traître ! Voici ton salaire pour tout le mal que tu as fait souffrir à Tristan et à la reine Iseut ! » Ainsi Dieu vengea les amants des félons qui les avaient tant haïs ! Tous quatre sont morts : Guenelon, Gondoïne, Denoalen, Andret.
Читать дальшеИнтервал:
Закладка: