Valentin Krasnogorov - Pièces choisies
- Название:Pièces choisies
- Автор:
- Жанр:
- Издательство:неизвестно
- Год:2021
- ISBN:978-5-532-96784-7
- Рейтинг:
- Избранное:Добавить в избранное
-
Отзывы:
-
Ваша оценка:
Valentin Krasnogorov - Pièces choisies краткое содержание
Pièces choisies - читать онлайн бесплатно ознакомительный отрывок
Интервал:
Закладка:
LUI. Comment précisément?
ELLE. Pas comme tu le penses. Il suffisait à Don Juan de coucher avec une femme, pour que cela soit perçu comme sa victoire. Mais pour moi, se donner, ce n’est pas une victoire sur l’homme, c’est une défaite. Et moi je veux vaincre. Je veux réellement le séduire, qu’il tombe amoureux de moi. Et c’est de loin plus difficile.
LUI. Même pour une femme comme toi?
ELLE. La principale difficulté c’est que l’on permet à l’homme de prendre l’initiative, et pas à moi, comme tu l’as expliqué. Et il m’a fallu braver les convenances et me lancer. Le reste s’avéra assez simple.
LUI. Et comment, selon toi, rend-on les hommes amoureux?
ELLE. En gros, comme avec les femmes. Par la flatterie. Grossièrement, droit dans les yeux. Presqu’à la Hugo :
« Comment, disaient-elles,
Attirer Achille,
Sans brûler nos ailes?»
(Après une pause :)
«Flattez, disaient-ils. »
LUI. Et ça marche?
ELLE. Infaillible. Certes, il y a une différence. Si l’homme arrive à ses fins par des promesses d’amour éternel, la femme, au contraire, est obligée de promettre de ne pas s’imposer à jamais. Cela effraie l’homme. Non, rien qu’une nuit. Qu’une heure. Tu es libre. Tu n’es pas lié. Tu n’es tenu à rien. Tu peux disparaître, partir quand bon te semble, où bon te semble.
LUI. ( Avec froideur. ). Idée intéressante.
ELLE. Tellement rebattue, que s’en est même ennuyeux.
LUI. Et moi aussi, tu as tenté de me prendre de la même façon?
ELLE. ( Sur un ton provocateur. ). Et qu’est-ce qui te distingue des autres? À propos, n’est-il pas temps que tu ailles à l’aéroport?
LUI. Tu as beaucoup d’esprit, beaucoup de fiel mais peu de cœur.
ELLE. On voit tout de suite que la remarque émane d’un biologiste.
Pause.
LUI. Je crois que je vais y aller.
ELLE. N’est-il pas trop tôt?
LUI. J’attendrai l’avion à l’aéroport. De toute façon, je ne m’endormirai pas. ( Il prend son porte-documents, y jette sa cravate, son rasoir électrique et ses autres rares affaires. )
ELLE. Tu pars comme ça? Sans aucune hésitation?
LUI. Je pars comme ça.
Pause.
LUI. Supposons que je reste et que je fasse l’amour avec toi. Peut-être que ça me plaira. Peut-être, cela éveillera-t-il en moi quelque chose de plus que la sympathie. Et ensuite, tu te mettras à rire, tu prendras ton carnet, tu noteras et diras : « C’est bon, tu es dans la liste. Numéro cent. Tu peux y aller. » C’est bien ça, non?
La femme se tait.
LUI. Non, je ne changerai pas mon programme. Tu te fais une fierté maintenant de ce que c’est toujours toi qui quittes, eh bien! cette fois-ci c’est toi qu’on quitte.
ELLE. Ce n’est pas grave, je survivrai. J’ai déjà connu ça. Et puis, nous ne nous quittons pas. Nous nous séparons simplement, faute d’avoir pu nous rencontrer.
LUI. Tant mieux. ( L’homme fait claquer son porte-documents, fait quelques pas vers la sortie, mais s’arrête. ) Je veux seulement demander… Comment es-tu au courant, quand même, de ce qui s’est dit à la conférence?
ELLE. C’est la seule chose qui te tracasse en ce moment?
LUI. Non, mais… Tu n’es pas obligée de le dire.
ELLE. J’y ai participé en tant qu’interprète. Quand tu lisais ton rapport, je le traduisais instantanément en français, et quand les Français ou les Espagnols lisaient leurs rapports, je les traduisais en russe.
LUI. Voilà donc pourquoi ta voix m’est familière!
ELLE. Oui, tu l’as entendue dans les écouteurs. Tu vois, que tout est simple.
LUI. Mais la traduction simultanée, qui plus est, de textes spécialisés, exige un haut degré de qualification.
ELLE. Oui. Et pour ça, on me paie bien. Tu voulais savoir comment je gagnais ma vie et combien je touchais, maintenant tu le sais. Au fait, ton rapport m’a beaucoup intéressée.
LUI. Tu y as compris quelque chose?
ELLE. Figure-toi qu’à l’université nous avons aussi étudié la psychologie, si bien que j’ai même trouvé intéressant de t’écouter. Ce n’est pas pour rien que sur Internet il y a des milliers de liens vers ton nom.
LUI. Je vois que tu t’étais bien préparée.
ELLE. « Connais-toi et connais ton ennemi, ainsi cent fois tu vaincras dans cent batailles ». C’est un aphorisme chinois. Mais je n’ai pas vaincu.
LUI. Et tu le voulais?
ELLE. Beaucoup. Toute la soirée j’ai craint qu’à tout moment tu ne te lèves et partes et je m’efforçais de te retenir par tous les moyens. Au moins cinq minutes encore, une minute… Voilà pourquoi tantôt je jouais les prostituées, tantôt je simulais la femme honnête, avec des manières tantôt exquises, tantôt vulgaires. J’enflammais ta curiosité, t’appâtais, minaudais, faisais l’intéressante pourvu seulement que tu ne partes pas. Pourvu que tu ne partes pas…
LUI. ( Après avoir gardé le silence. ). Oui, notre rencontre n’a pas été des plus faciles. Tu avais raison. ( Il prend la clé. ) Allons.
ELLE. ( Sans bouger de sa place. ). Tu pars quand même?
LUI. Et toi aussi tu pars. ( Il fait tourner sa clé accrochée à un porte-clé. ) Je dois fermer la porte à clé.
ELLE. Tu veux me mettre à la rue sous la pluie?
LUI. Tu ne peux pas rester ici. Je dois rendre la clé.
ELLE. Ne t’en fais pas pour moi. Va. Je vais ranger, puis je fermerai la porte et je rapporterai ta clé.
LUI. Et pour aller où en pleine nuit?
ELLE. Ça te tracasse? J’occupe la chambre contiguë avec la tienne, mais tu ne l’avais même pas remarqué. Et moi, je voulais tellement que tu m’adresses la parole!
LUI. Tous ces quatre jours, nous étions à côté l’un de l’autre?
ELLE. Oui, et maintenant la conférence est achevée et demain soir, moi aussi, je prends l’avion. Plus exactement, aujourd’hui déjà.
LUI. Alors… ( Après hésitation. ) Et puis, non… Au revoir.
ELLE. Un moment!
LUI. ( S’arrêtant. ). Quoi encore?
ELLE. ( D’un ton libéré. ). Rien de particulier. Je veux simplement te raconter une anecdote en guise d’adieux. Puisqu’il faut te distraire, allons jusqu’au bout. Un homme, épuisé et pâle, arrive chez son médecin : « Docteur, toutes les nuits le même cauchemar m’assaille. Une voix me dit en boucle quelque chose en italien, sûrement, quelque chose de très important. Je fais des efforts pour comprendre, mais c’est peine perdue. Ça me plonge dans une telle inquiétude que je me réveille et que je ne peux plus me rendormir ». ‒ Et vous comprenez l’italien? ‒ demande le médecin. ‒ Justement, non, ‒ répond le patient. ‒ Alors, la seule chose que je puisse vous conseiller, ‒ dit le médecin, c’est d’apprendre l’italien. Alors vous comprendrez ce que vous dit la voix et, peut-être, serez-vous rassuré. Deux mois ont passé et le médecin rencontre son patient, par hasard, dans la rue, joyeux, resplendissant et le teint coloré. ‒ Alors, vous avez appris l’italien? ‒ demande le docteur. Le patient répond : ‒ Non, je dors avec une interprète.
LUI. Pourquoi est-ce que tu me racontes ça? pour me relancer?
ELLE. ( Moqueuse. ). Pour que tu saches que tu es passé à côté d’une rare possibilité de te défaire de ta dépression. ( Avec cruauté : ) Et maintenant, va-t’en, va-t’en au plus vite. Je suis très fatiguée.
L’homme marche lentement vers la sortie et s’arrête à la porte.
LUI. Probable, qu’on ne se verra plus. Mais ça ne peut pas être autrement… Tu dois me comprendre…
La femme ne répond pas.
LUI. Adieu. ( Il sort. )
La femme, seule, reste longtemps assise et immobile. Puis, lentement, elle éteint les deux bougies, l’une d’abord, puis l’autre. À travers la fenêtre pénètrent les premières clartés d’un matin d’automne maussade. Elle se lève, s’assoit, se relève, puis machinalement débarrasse la table.
À l’embrasure de la porte apparaît l’homme.
LUI. C’est encore moi.
ELLE. ( Pas encore revenue de ses méditations, sur un ton distant : ). Vous avez oublié quelque chose?
LUI. Oui. Heu… non. Dis-moi, tout ce que tu as dit sur toi, tu l’as inventé?
ELLE. Et si je réponds non?
LUI. Tu as raison, ce n’est pas important… Tu sais, à peine étais-je sorti que j’avais compris tout de suite… si je laissais passer cette occasion, je le regretterais toute ma vie… Il y a en toi… J’ai du mal à expliquer…
ELLE. Je ne vous comprends pas bien.
LUI. Moi-même je ne comprends pas. Ça fait si longtemps que je n’ai pas éprouvé ça. Je pensais que jamais plus je ne l’éprouverais… C’est pourquoi j’ai eu peur. Toi et moi, c’est comme deux papillons attirés par un feu… Bien que nous sachions comment cela peut se terminer. Mais ça m’est égal. S’il faut aller au feu, eh bien, soit!
ELLE. ( Avec douceur. ). Tout doux. Assieds-toi.
Il s’assoit.
ELLE. Et maintenant, dis-moi, pourquoi tu es quand même revenu.
LUI. Tu ne comprends pas? ( Il prend en souriant la bouteille de champagne. ) Il nous reste à finir le champagne.
FIN
Aimer a perdre la mémoire
Любовь до потери памяти
Comédie en deux actes
À PROPOS
Un homme souffrant d’amnésie se présente dans le cabinet d’un médecin pour avoir son aide. Le médecin essaie de déceler les symptômes et les causes de la maladie, mais en vain : les réponses du patient sont tellement contradictoires qu’il est impossible d’obtenir quelque chose de sensé. Heureusement, il réussit à faire venir la femme du malade. Elle répond à toutes les questions avec clarté et assurance, mais il ressort de ses affirmations que le docteur aussi souffre d’amnésie. La situation s’embrouille davantage encore lorsqu’apparaît une autre femme déclarant aussi qu’elle est l’épouse du patient. La situation tourne à l’absurdité totale. Le docteur devient presque fou. Cette comédie dynamique et burlesque, vive et sans temps mort, connaît un dénouement inattendu. La pièce est mise en scène dans de nombreux théâtres de Russie et d’autres pays. 3 hommes, 2 femmes. Intérieur.
Personnages
LE DOCTEUR
MICHEL
JEANNE
IRÈNE
L’HOMME
L’âge des personnages n’est pas d’une importance décisive. Il est fort probable qu’ils aient la quarantaine, le Docteur et l’Homme étant un peu plus (ou beaucoup plus) âgés.
ACTE I
Le cabinet d’un Docteur richement meublé, rappelant un salon élégant plutôt qu’une salle médicale stérile. Dans un confortable fauteuil, derrière son bureau, s’est installé le Docteur en personne, un homme dans la fleur de l’âge bien habillé, qui en impose et très sûr de lui. Entre un Visiteur.
LE VISITEUR. Docteur, je souffre d’amnésie.
LE DOCTEUR. Depuis quand ?
LE VISITEUR. « Depuis quand quoi » ?
LE DOCTEUR. Depuis quand souffrez-vous d’amnésie ?
LE VISITEUR. ( Mettant son esprit à la torture .) Je ne m’en souviens pas.
LE DOCTEUR. Bien. Je veux dire : c’est très mauvais. Mais rien n’est irréparable. L’essentiel est que vous soyez venu voir le bon médecin. Celui qui vous guérira. Des médecins qui soignent, on n’en trouve pas tant que ça. Et qui guérissent, pas du tout. Établissons, comme il se doit, une fiche médicale. ( Il commence à entrer les données dans l’ordinateur. ) Et donc, vous souffrez d’amnésie.
Читать дальшеИнтервал:
Закладка: