Simenon, Georges - Au Rendez-vous des Terre-Neuvas
- Название:Au Rendez-vous des Terre-Neuvas
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Simenon, Georges - Au Rendez-vous des Terre-Neuvas краткое содержание
- Que c'est le meilleur petit-gars du pays et que sa maman, qui n'a que lui, est capable d'en mourir. J'ai la certitude, comme tout le monde ici, qu'il est innocent. Mais les marins à qui j'en ai parlé prétendent qu'il sera condamné parce que les tribunaux civils n'ont jamais rien compris aux choses de la mer...
" Fais tout ce que tu pourras, comme si c'était pour toi-même... J'ai appris par les journaux que tu es devenu une haute personnalité de la Police judiciaire... " C'était un matin de juin ; Mme Maigret, dans l'appartement du boulevard Richard-Lenoir, dont toutes les fenêtres étaient ouvertes, achevait de bourrer de grandes malles d'osier, et Maigret, sans faux col, lisait à mi-voix. " De qui est-ce ?
- Jorissen... Nous avons été à l'école ensemble... Il est devenu instituteur à Quimper... Dis donc, tu tiens beaucoup à ce que nous passions nos huit jours de vacances en Alsace ?....
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— Girard, un commissaire de la Brigade du Havre que tu ne connais pas. Un homme intelligent…
— Il le croit coupable ?
— Non ! Et en tout cas il n’y a aucune preuve, ni même aucune présomption sérieuse…
— Qu’est-ce que tu penses, toi ?
Maigret se retourna, comme pour apercevoir le chalutier que lui cachait un pâté de maisons.
— Je pense que ça a été une campagne tragique, pour deux hommes au moins… Assez tragique pour qu’au retour le capitaine Fallut ne puisse plus vivre , pour que le télégraphiste ne puisse plus reprendre le fil normal de son existence …
— À cause d’une femme ?
Il ne répondit pas directement à la question, poursuivit :
— Et tous les autres, ceux qui étaient en dehors du drame, jusqu’aux soutiers, en ont été marqués, à leur insu… Ils sont revenus hargneux, inquiets… Deux hommes et une femme, trois mois durant, se sont agités autour du rouf arrière… Quelques cloisons noires percées de hublots… Cela a suffi…
— Je t’ai rarement vu aussi impressionné par une affaire… Tu parles de trois personnages… Qu’est-ce qu’ils ont pu faire, en plein océan ?…
— Oui… Qu’est-ce qu’ils ont pu faire ?… Une chose qui a suffi à tuer le capitaine Fallut !… Et qui suffit encore maintenant à désemparer ces deux-là, qui ont l’air de chercher dans les galets les restes de leurs rêves…
Ils se rapprochaient, les bras ballants, ne sachant si la politesse leur commandait de rejoindre les Maigret ou si la discrétion leur conseillait de s’éloigner.
Au cours de sa promenade, Marie Léonnec avait perdu beaucoup de son énergie. Elle lança à M meMaigret un regard découragé. On devinait que toutes ses tentatives, tous ses élans s’étaient heurtés comme à un mur de désespoir ou d’inertie.
M meMaigret avait l’habitude de goûter. Si bien que vers quatre heures, ils s’installèrent tous les quatre à la terrasse de l’hôtel sous les parasols à rayures qui donnaient à l’atmosphère une gaieté conventionnelle.
Du chocolat fumait dans deux tasses. Maigret avait commandé de la bière, Le Clinche une fine à l’eau.
On parlait de Jorissen, l’instituteur de Quimper qui avait fait appel à Maigret en faveur du télégraphiste et qui avait amené Marie Léonnec. On échangeait des phrases banales.
— C’est le meilleur homme de la terre…
On brodait sur ce thème, sans conviction, parce qu’il fallait parler. Soudain les yeux de Maigret clignotèrent, fixés sur un couple qui s’avançait le long de la digue.
C’étaient Adèle et Gaston Buzier, lui dégingandé, les mains dans les poches, le canotier rejeté en arrière, la démarche nonchalante, elle animée et provocante comme d’habitude.
— Pourvu qu’elle ne nous aperçoive pas ! songea le commissaire.
Et, au même instant, le regard d’Adèle croisait le sien. La fille s’arrêtait, disait quelque chose à son compagnon qui tentait de la dissuader.
Trop tard ! Elle traversait la rue. Elle examinait une à une les tables de la terrasse, choisissait la plus proche des Maigret, s’installait de façon à avoir Marie Léonnec juste en face d’elle.
Son amant la suivit avec un haussement d’épaules, toucha le bord de son canotier en passant devant le commissaire, se mit à califourchon sur une chaise.
— Qu’est-ce que tu prends ?
— Pas un chocolat, bien sûr !… Un kummel !
N’était-ce pas déjà une déclaration de guerre ? Tout en parlant du chocolat, elle fixait la tasse de la jeune fille et Maigret vit Marie Léonnec tressaillir.
Elle n’avait jamais vu Adèle. Mais n’avait-elle pas compris ? Elle regarda Le Clinche, qui détourna la tête.
Le pied de M meMaigret toucha à deux reprises celui de son mari.
— Si nous allions tous les quatre jusqu’au Casino…
Elle avait deviné aussi. Mais personne ne lui répondait. Seule Adèle parlait, à la table voisine, soupirait :
— Quelle chaleur !… Prends ma jaquette, Gaston…
Et elle retirait la jaquette de son tailleur, se montrait en soie rose, les chairs luxuriantes, les bras nus. Ses prunelles ne quittaient pas un seul instant la jeune fille.
— Tu aimes le gris, toi ?… Tu ne trouves pas qu’on devrait interdire de porter des teintes aussi tristes sur les plages ?…
C’était idiot ! Marie Léonnec était en gris. L’autre manifestait sa volonté d’attaquer, n’importe comment, au plus vite.
— Eh bien, garçon ? Est-ce pour aujourd’hui ?
Elle avait la voix aiguë. Et l’on eût dit qu’elle exagérait encore à dessein sa vulgarité.
Gaston Buzier flairait le danger. Il connaissait sa maîtresse. Il lui dit quelques mots à voix basse. Mais elle, très haut, de répliquer :
— Et après ? Est-ce que la terrasse n’est pas à tout le monde ?…
M meMaigret était seule à leur tourner le dos. Maigret et le télégraphiste étaient de profil, Marie Léonnec de face.
— Tout le monde se vaut, pas vrai ?… Seulement il y a des gens qui se traînent à vos pieds quand on ne peut pas les voir et qui ne vous saluent même pas quand ils sont en compagnie !…
Et elle rit ! Un rire déplaisant ! Elle fixait la jeune fille qui était devenue pourpre !
— Cela fait combien, garçon ? questionnait Buzier, pressé d’en finir.
— Nous avons le temps ! Remettez la même chose, garçon ! Et vous m’apporterez des cacahuètes…
— Il n’y en a pas.
— Vous irez m’en chercher. Vous êtes payé pour ça, je pense ?…
Deux autres tables étaient occupées. Les regards convergeaient vers le nouveau couple qui ne pouvait passer inaperçu. Maigret était soucieux. Sans doute avait-il envie de mettre fin à cette scène qui risquait de mal tourner ?
Mais, d’autre part, il avait le télégraphiste devant lui, il le tenait tout palpitant sous son regard.
C’était passionnant comme une dissection. Le Clinche ne bougeait pas. Il n’était pas tourné vers la femme, mais il devait la voir quand même confusément à sa gauche, il devait apercevoir en tout cas la tache rose de son chemisier.
Ses prunelles étaient fixes, d’un gris terne. Et une main, posée sur la table, se fermait lentement, lentement comme les tentacules d’un animal marin.
On ne pouvait rien prévoir encore. Allait-il se lever, s’enfuir ?… Allait-il se précipiter vers celle qui parlait toujours ?… Allait-il…
Non ! Rien de tout cela ! C’était autre chose, de cent fois plus impressionnant. Ce n’était pas seulement sa main qui se refermait. C’était tout son être. Il se ratatinait. Il se repliait sur lui-même.
Ses yeux devenaient du même gris que son teint.
Il ne bougeait pas. Respirait-il ? Pas un frémissement. Pas une crispation. Mais cette immobilité de plus en plus complète qui devenait hallucinante.
— Cela me rappelle un autre amant, qui était marié et qui avait trois enfants…
Marie Léonnec qui, elle, était pantelante, but son chocolat d’une haleine pour se donner une contenance.
— …C’était l’homme le plus passionné de la terre… Des fois, je refusais de le recevoir et il sanglotait sur le palier, au point que tous les locataires se payaient une pinte de bon sang… « Ma petite Adèle, ma mignonne adorée…» Toute la lyre, quoi !… Un dimanche, je le rencontre qui se promenait avec sa femme et ses gosses. J’entends sa femme qui questionne :
— Qu’est-ce que c’est que cette femme-là ?…
— Et lui, gravement :
— Sûrement une poule !… Rien qu’à la façon ridicule dont elle s’habille…
Et elle riait. Elle posait pour la galerie. Elle guettait l’effet de son attitude sur les visages.
— Il y a quand même des gens qui n’ont pas beaucoup de nerfs…
Son compagnon essaya à nouveau de la faire taire, en lui parlant à voix basse.
— Et puis zut, toi !… Est-ce que tu aurais les foies ?… Je paie mes consommations, pas vrai ?… Je ne fais de mal à personne !… Par conséquent, on n’a rien à me dire… Et ces cacahuètes, garçon ?… Vous apporterez encore un kummel…
— Si nous allions…, dit M meMaigret.
Il était trop tard. Adèle était lancée. On sentait qu’en cas de départ elle ferait n’importe quoi pour provoquer le scandale, coûte que coûte.
Marie Léonnec regardait fixement la table, les oreilles pourpres, les yeux brillants, la bouche entrouverte par l’angoisse.
Quant à Le Clinche, il avait fermé les paupières. Et il restait là, aveugle, les traits figés. Sa main était toujours sur la table, inerte.
Jamais encore Maigret n’avait eu l’occasion de le détailler de la sorte. Le visage était à la fois très jeune et très vieux, comme il arrive souvent chez les adolescents qui ont eu une enfance pénible.
Le Clinche était grand, plus grand que la moyenne, mais les épaules n’étaient pas encore celles d’un homme.
La peau, trop peu soignée, était piquetée de taches de rousseur. Il ne s’était pas rasé ce jour-là, ce qui mettait des reflets blonds sur le menton et sur les joues.
Il n’était pas beau. Il n’avait pas dû rire souvent dans sa vie. Par contre, il avait beaucoup veillé, beaucoup lu, beaucoup écrit, dans des chambres sans feu, dans sa cabine cahotée par l’océan, à la lueur de mauvaises lampes.
— Moi, au fond, ce qui me dégoûte, c’est de voir que les gens qui la font à l’honnêteté ne valent pas mieux que nous…
Adèle s’impatientait. Elle était prête à lancer n’importe quoi pour arriver à ses fins.
— Les jeunes filles, par exemple, qui jouent les oies blanches et qui vous courent après un homme comme aucune grue n’oserait le faire…
Le patron de l’hôtel, du seuil, avait l’air d’interroger ses clients du regard, comme pour savoir s’il devait intervenir.
Maigret ne voyait plus que Le Clinche, en gros plan. La tête s’était un peu penchée en avant. Les yeux ne s’étaient pas ouverts.
Mais des larmes giclaient une à une des paupières closes, écartaient les cils, hésitaient, zigzaguaient sur les joues.
Ce n’était pas la première fois que le commissaire voyait pleurer un homme. C’était la première fois qu’il était empoigné à ce point, peut-être à cause du silence, de l’immobilité de tout le corps.
Il n’y avait que ces perles fluides à vivre chez le télégraphiste. Tout le reste était mort.
Marie Léonnec n’avait rien vu. Adèle allait continuer à parler.
Alors, une seconde plus tard, Maigret eut une intuition. La main posée sur la table venait de se desserrer insensiblement. L’autre était dans la poche.
Les paupières s’entrouvrirent, d’un millimètre à peine, de quoi laisser filtrer une parcelle de regard. C’était Marie que ce regard allait chercher.
À l’instant même où le commissaire se levait une détonation éclatait, tout le monde s’agitait à la fois dans un vacarme de cris et de chaises remuées.
Le Clinche ne bougea pas tout de suite. Seulement son buste pencha insensiblement vers la gauche, sa bouche s’ouvrit dans un râle léger.
Marie Léonnec, qui avait eu de la peine à comprendre, car on n’avait pas vu d’arme, se jetait sur lui, lui serrait les genoux, la main droite, se retournait, affolée.
— Commissaire !… Qu’est-ce que ?…
Maigret seul avait tout deviné. Le Clinche avait un revolver dans sa poche, un revolver trouvé Dieu sait où, car il n’en possédait pas le matin à sa sortie de prison.
Et c’était de sa poche qu’il avait tiré ! C’était la crosse qu’il étreignait pendant de longues minutes tandis qu’Adèle parlait, tandis qu’il fermait les yeux, qu’il attendait, qu’il hésitait peut-être.
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