Simenon, Georges - Le fou de Bergerac
- Название:Le fou de Bergerac
- Автор:
- Жанр:
- Издательство:неизвестно
- Год:неизвестен
- ISBN:нет данных
- Рейтинг:
- Избранное:Добавить в избранное
-
Отзывы:
-
Ваша оценка:
Simenon, Georges - Le fou de Bergerac краткое содержание
Hasard sur toute la ligne ! La veille, Maigret ne savait pas qu’il allait entreprendre un voyage. C’était pourtant la saison où Paris commençait à lui peser : un mois de mars épicé d’un avant-goût de printemps, avec un soleil clair, pointu, déjà tiède. Mme Maigret était en Alsace pour une quinzaine de jours, auprès de sa sœur qui attendait un bébé. Or, le mercredi matin, le commissaire recevait une lettre d’un collègue de la Police Judiciaire qui avait pris sa retraite deux ans plus tôt et qui s’était installé en Dordogne. … Surtout, si un bon vent t’amène dans la région, ne manque pas de venir passer quelques jours chez moi. J’ai une vieille servante qui n’est contente que quand il y a du monde à la maison. Et la saison du saumon commence…
[http://www.amazon.fr/Fou-Bergerac-G-Simenon/dp/2253142506](http://www.amazon.fr/Fou-Bergerac-G-Simenon/dp/2253142506)
Le fou de Bergerac - читать онлайн бесплатно полную версию (весь текст целиком)
Интервал:
Закладка:
Les choses ne s’arrangèrent qu’un peu avant midi. Le chirurgien était occupé à retirer le pansement de Maigret quand le commissaire de police arriva. Il portait un chapeau de paille tout neuf, une cravate bleu de roi.
— Vous n’avez même pas eu la curiosité d’ouvrir mon portefeuille ? lui dit Maigret gentiment.
— Vous savez très bien que vous n’avez pas de portefeuille !
— Bon. Tout s’explique. Téléphonez à la PJ. On vous dira que je suis le commissaire divisionnaire Maigret. Si vous voulez aller plus vite en besogne, avertissez mon collègue Leduc, qui a une campagne à Villefranche… Mais avant tout, veuillez me dire où je suis !…
L’autre résista encore. Il eut des sourires pleins de finesse. Il donna même de petits coups de coude au chirurgien.
Et jusqu’à l’arrivée de Leduc, qui s’amena dans une vieille Ford, les gens se tinrent sur la réserve.
Il fallut enfin convenir que Maigret était bien Maigret et non le fou de Bergerac !
Leduc avait le teint rose, fleuri, d’un bon petit rentier et depuis qu’il avait quitté la PJ affectait de ne fumer qu’une pipe en écume dont le tuyau de merisier dépassait de sa poche.
— Voici l’histoire en quelques phrases. Je ne suis pas de Bergerac, mais j’y viens chaque samedi pour le marché, avec ma voiture… J’en profite pour faire un bon dîner à l’Hôtel d’Angleterre… Eh bien ! il y a un mois à peu près, on a découvert sur la grand-route une femme morte… Étranglée plus exactement… Et pas seulement étranglée !… Une fois le corps inerte, l’assassin avait poussé le sadisme jusqu’à enfoncer une grande aiguille dans le cœur…
— Qui était cette femme ?
— Léontine Moreau, de la ferme du Moulin-Neuf. On ne lui a rien volé…
— Et pas de… ?
— Pas d’outrages, bien que ce soit une belle fille d’une trentaine d’années… Le crime a eu lieu à la tombée de la nuit, alors qu’elle revenait de chez sa belle-sœur… Et d’une !… L’autre…
— Il y en a deux ?
— Deux et demie… L’autre est une gamine de seize ans, la fille du chef de gare, qui était allée se promener à vélo… On l’a retrouvée dans le même état…
— Le soir ?
— Le lendemain matin. Mais le crime a été commis le soir… Enfin, la troisième est une servante de l’hôtel, qui avait été voir son frère, qui est cantonnier et qui travaille sur la route à cinq ou six kilomètres… Elle était à pied…
Quelqu’un, tout à coup, l’a saisie par-derrière et l’a renversée… Mais elle est vigoureuse… Elle est parvenue à mordre le poignet de l’homme… Il a poussé un juron et s’est enfui… Elle ne l’a vu que de dos, vaguement, courant dans le sous-bois…
— C’est tout ?
— C’est tout ! Les gens sont persuadés qu’il s’agit d’un fou réfugié dans les bois des environs. On ne peut à aucun prix admettre que c’est peut-être quelqu’un de la ville… Quand le fermier est venu annoncer qu’il t’avait trouvé sur la route, on a cru que c’était toi l’assassin et que, tentant un nouveau crime, tu avais été blessé.
Leduc était grave. Il ne paraissait pas apprécier le comique de cette méprise.
— D’ailleurs, ajouta-t-il, il y a des gens qui n’en démordront pas.
— Qui est-ce qui enquête sur ces crimes ?
— Le Parquet et la police locale.
— Laisse-moi dormir, veux-tu ?
C’était à cause de sa faiblesse, sans doute : Maigret avait sans cesse une envie irrésistible de sommeiller. Il n’était bien que dans une demi-veille, les yeux clos, de préférence tourné vers le soleil dont les rayons traversaient ses paupières.
Maintenant, il avait des personnages nouveaux à évoquer, à animer dans son esprit comme un enfant fait marcher les soldats multicolores de sa boîte.
La fermière de trente ans… La fille du chef de gare… La servante de l’hôtel…
Il se souvenait du bois, des grands arbres, de la route claire et il imaginait l’agression, la victime roulant dans la poussière, l’autre brandissant sa longue aiguille…
C’était fantastique ! Surtout évoqué dans cette chambre d’hôpital d’où l’on entendait les bruits paisibles de la rue. Quelqu’un resta au moins dix minutes avant de pouvoir mettre son auto en marche, sous la fenêtre même de Maigret. Le chirurgien arriva dans une voiture souple et rapide qu’il conduisait lui-même.
Il était huit heures du soir et les lampes étaient allumées quand il se pencha au chevet de Maigret.
— C’est grave ?
— Ce sera surtout long… Une quinzaine de jours d’immobilité…
— Je ne pourrais pas, par exemple, m’installer à l’hôtel ?
— Vous n’êtes pas bien ici ?… Évidemment, si vous avez quelqu’un pour vous soigner…
— Dites donc ! Entre nous, qu’est-ce que vous pensez, vous, du fou de Bergerac ?
Le médecin resta un bon moment sans répondre. Maigret fut plus précis.
— Vous croyez, comme les gens, que c’est une espèce de forcené qui vit dans les bois ?
— Non !
Parbleu ! Maigret avait eu le temps d’y penser, de se souvenir des quelques affaires analogues qu’il avait connues ou dont il avait entendu parler.
— Un homme qui, dans la vie courante, doit se comporter comme vous et moi, n’est-il pas vrai ?
— C’est probable !
— Autrement dit, il y a beaucoup de chances pour qu’il habite Bergerac et qu’il y exerce une profession quelconque…
Le chirurgien lui lança un drôle de regard, hésita, se troubla.
— Vous avez une idée ? poursuivit Maigret sans le quitter des yeux…
— J’en ai eu beaucoup, tour à tour… Je les prends… Je les rejette avec indignation… Je les reprends… Étudiés sous un certain angle, les gens deviennent tous suspects de dérangement cérébral.
Maigret rit.
— Et toute la ville y a passé ! Depuis le maire et même le procureur jusqu’au premier passant venu… Sans oublier vos collègues, le portier de l’hôpital…
Non ! le chirurgien ne riait pas !
— Un instant… Ne bougez plus… dit-il, comme il sondait la plaie à l’aide d’une fine lame… C’est plus terrible que vous ne croyez…
— Combien d’habitants, à Bergerac ?
— Dans les seize mille… Tout me porte à croire que le fou appartient à une classe sociale supérieure… Et même…
— L’aiguille, évidemment ! grommela Maigret en grimaçant parce que le chirurgien lui faisait mal.
— Que voulez-vous dire ?
— Que cette aiguille plantée exactement dans le cœur, sans coup férir, deux fois de suite, prouve déjà quelques connaissances anatomiques…
Ce fut le silence. Le chirurgien avait le front soucieux. Il rétablit le pansement autour de l’épaule et du torse de Maigret, se redressa en soupirant.
— Vous disiez que vous préférez être installé dans une chambre d’hôtel ?
— Oui… J’y ferai venir ma femme…
— Vous voulez vous occuper de cette affaire ?
— Et comment !
La pluie eût suffi à tout gâcher. Mais il n’y eut pas une goutte de pluie pendant quinze jours pour le moins.
Et Maigret fut installé dans la plus belle chambre de l’Hôtel d’Angleterre, au premier étage. Son lit fut tiré près des fenêtres, si bien qu’il jouissait du panorama de la grand-place, où il voyait l’ombre quitter un rang de maisons pour passer lentement au rang opposé.
M me Maigret acceptait la situation comme elle acceptait tout, sans étonnement, sans fièvre. Elle était depuis une heure dans la chambre, que cette chambre devenait sa chambre, qu’elle y apportait ses petites commodités, sa note personnelle.
Deux jours avant, elle devait être la même au chevet de sa sœur qui accouchait, en Alsace.
— Une grosse fille ! Si tu la voyais ! Elle pèse près de cinq kilos…
Elle questionnait le chirurgien.
— Qu’est-ce qu’il peut manger, docteur ? Un bon bouillon de poule ? Il y a une chose que vous devez lui interdire : c’est sa pipe !… C’est comme la bière ! Dans une heure, il va m’en demander…
Il y avait au mur un papier peint merveilleux rouge et vert ! Un rouge sanglant ! Un vert criard ! De longues raies qui chantaient dans le soleil !
Et les méchants petits meubles d’hôtel, en pitchpin verni, mal d’aplomb sur des jambes trop grêles !
Une chambre immense, à deux lits. Et une cheminée vieille de deux siècles dans laquelle on avait installé un radiateur bon marché !
— Ce que je me demande, c’est pourquoi tu es descendu derrière cet homme… Suppose que tu sois tombé sur les rails… Une idée !… Je vais te préparer une crème au citron… J’espère qu’ils me laisseront disposer de la cuisine.
Les moments de rêve étaient plus rares, maintenant. Même quand il fermait les yeux dans un rayon de soleil, Maigret avait des idées à peu près nettes.
Mais il continuait à agiter des personnages créés ou reconstitués par son imagination.
— La première victime… La fermière… Mariée ?… Des enfants ?…
— Mariée avec le fils des fermiers… Mais elle ne s’entendait pas fort avec sa belle-mère qui l’accusait d’être trop coquette et de mettre des combinaisons en soie pour traire les vaches…
Alors, patiemment, avec amour, comme un peintre brosse une toile, Maigret échafaudait en esprit un portrait de la fermière, qu’il voyait appétissante bien en chair, bien lavée, apportant, dans la maison de ses beaux-parents, des idées modernes et consultant des catalogues de Paris.
Elle revenait de la ville… Et il voyait très bien la route… Elles devaient se ressembler toutes, à cause des grands arbres mettant de l’ombre des deux côtés… Et du sol crayeux, très blanc, vibrant au moindre rayon de soleil…
Puis la gamine sur son vélo.
— Est-ce qu’elle avait un amoureux ?
— On n’en parle pas ! Tous les ans, elle allait passer quinze jours de vacances à Paris chez une tante…
Le lit était moite. Le chirurgien venait deux fois par jour. Après le déjeuner, Leduc arrivait dans sa Ford, faisait des manœuvres maladroites sous les fenêtres avant de se mettre dans l’alignement.
Le troisième matin, il vint avec un chapeau de paille, lui aussi, comme le commissaire de police.
Le procureur fit une visite. Il prit M me Maigret pour la servante et lui tendit sa canne et son chapeau melon.
— Bien entendu, vous excuserez la méprise… Mais le fait que vous n’aviez pas de papiers sur vous…
— Oui ! Mon portefeuille a disparu. Mais asseyez-vous donc, cher monsieur…
Il avait toujours un air agressif. Il n’y pouvait rien. Cela tenait à son petit nez en boule, aux poils trop raides de sa moustache.
— Cette affaire est lamentable et menace la tranquillité d’un si beau pays… Que cela arrive à Paris, où le vice règne à l’état endémique… Mais ici !…
Sacrebleu ! Lui aussi avait d’épais sourcils ! Comme le paysan ! Comme le docteur ! Des sourcils gris pareils à ceux que Maigret attribuait machinalement à l’homme du train !
Et une canne à pommeau d’ivoire sculpté.
— Enfin ! J’espère que vous vous rétablirez rapidement et que vous ne garderez pas un trop mauvais souvenir de notre région !…
Ce n’était qu’une visite de politesse. Il avait hâte de s’en aller.
— Vous avez un excellent médecin… Il est élève de Martel… Dommage que, pour le reste…
— Quel reste ?…
— Je m’entends… Ne vous tracassez pas… À bientôt… Je ferai prendre chaque jour de vos nouvelles.
Maigret mangea sa crème au citron, qui était un pur chef-d’œuvre. Mais il souffrait de sentir un fumet de truffes qui montait de la salle à manger.
Читать дальшеИнтервал:
Закладка: