Simenon, Georges - Liberty Bar
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Simenon, Georges - Liberty Bar краткое содержание
Cela commença par une sensation de vacances. Quand Maigret descendit du train, la moitié de la gare d'Antibes était baignée d'un soleil si lumineux qu'on n'y voyait les gens s'agiter que comme des ombres. Des ombres portant chapeau de paille, pantalon blanc, raquette de tennis. L'air bourdonnait. Il y avait des palmiers, des cactus en bordure du quai, un pan de mer bleue au-delà de la lampisterie. Et tout de suite quelqu'un se précipita. - Le commissaire Maigret, je pense ? Je vous reconnais grâce à une photo qui a paru dans les journaux... Inspecteur Boutigues...
Boutigues ! Rien que ce nom-là avait l'air d'une farce ! Boutigues portait déjà les valises de Maigret, l'entraînait vers le souterrain. Il avait un complet gris perle, un œillet rouge à la boutonnière, des souliers à tiges de drap. - C'est la première fois que vous venez à Antibes ?
[http://www.amazon.fr/Maigret-Liberty-Bar-Georges-Simenon/dp/2253142522](http://www.amazon.fr/Maigret-Liberty-Bar-Georges-Simenon/dp/2253142522)
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— Évidemment !
— Alors, il a rédigé un testament… Il ne peut pas déshériter sa femme et ses enfants… Mais il peut disposer d’une partie de sa fortune… Savez-vous au profit de qui il l’a fait ?… De quatre femmes…
Maigret faillit éclater de rire. En tout cas, il ne put s’empêcher de sourire en imaginant les deux Martini, la mère et la fille, puis Jaja et Sylvie arrivant en Australie pour défendre leurs droits…
— C’est ce testament que vous avez à la main ?…
Il était long, établi dans toutes les règles, par-devant notaire.
— C’est à cela que mon père faisait allusion en disant que, même après sa mort, les histoires continueraient…
— Vous en connaissiez les termes ?
— Ce matin encore, je ne savais rien… Quand je suis rentré au Provençal, après l’enterrement, un homme m’attendait…
— Un nommé Joseph ?
— Une sorte de garçon de café… Il m’a dit que si je voulais lui racheter l’original, je n’avais qu’à me rendre dans un hôtel de Cannes et apporter vingt mille francs… Cette sorte de gens n’a pas l’habitude de mentir…
Maigret avait pris une attitude sévère.
— Autrement dit, vous étiez disposé à détruire un testament ! Il y a même commencement d’exécution…
Brown ne se troubla pas plus que précédemment.
— Je sais ce que je fais ! dit-il avec calme. Et je sais ce que sont ces femmes…
Il se leva, regarda le verre plein de Maigret.
— Vous ne buvez pas ?
— Merci !
— N’importe quel tribunal comprendra que…
— … que le groupe de là-bas doit gagner…
Qu’est-ce qui avait poussé Maigret à dire cela ? Le vertige de la gaffe ?
Harry Brown ne broncha pas, articula, en se dirigeant vers la porte de sa chambre où cliquetait la machine à écrire :
— Le document n’est pas détruit… Je vous le laisse… Je reste ici jusqu’à ce que…
La porte était déjà ouverte, et le secrétaire annonçait :
— C’est Londres qui…
Il avait l’appareil téléphonique à la main. Brown le saisit, commença à parler anglais avec volubilité.
Maigret en profita pour s’en aller, avec le testament. Il pressa en vain le bouton d’appel de l’ascenseur, finit par s’engager dans l’escalier en se répétant :
— Surtout, pas d’histoires !
En bas, l’inspecteur Boutigues prenait le porto en compagnie du gérant. De beaux grands verres à dégustation, en cristal taillé. Et la bouteille à portée de la main !
VIII
Les quatre héritières
Boutigues sautillait au côté de Maigret, et ils n’avaient pas parcouru vingt mètres que l’inspecteur annonçait :
— Je viens de faire une découverte !… Le directeur, que je connais depuis longtemps, surveille l’Hôtel du Cap, au cap Ferrat, qui appartient à la même société…
Ils venaient de quitter le Provençal. Devant eux, la mer n’était, dans la nuit, qu’une mare d’encre d’où ne s’élevait même pas un frémissement.
À droite, les lumières de Cannes. À gauche, celles de Nice. Et la main de Boutigues désignait l’obscurité, au-delà de ces lucioles.
— Vous connaissez le cap Ferrat ?… Entre Nice et Monte-Carlo…
Maigret savait. Maintenant, il avait à peu près compris la Côte d’Azur : un long boulevard partant de Cannes et finissant à Menton, un boulevard de soixante kilomètres, avec des villas et, par-ci par-là, un casino, quelques palaces…
La fameuse mer bleue… La montagne… Et toutes les douceurs promises par les prospectus : les orangers, les mimosas, le soleil, les palmiers, les pins parasols, les tennis, les golfs, les salons de thé et les bars américains…
— La découverte ?
— Eh bien ! Harry Brown a une maîtresse sur la Côte ! Le directeur l’a aperçu plusieurs fois au cap Ferrat, où il lui rend visite… Une femme d’une trentaine d’années, veuve ou divorcée, très comme il faut, paraît-il, qu’il a installée dans une villa…
Est-ce que Maigret écoutait ? Il regardait le prestigieux panorama nocturne d’un air grognon. Boutigues poursuivait :
— Il va la voir environ une fois par mois… Et c’est la fable de l’Hôtel du Cap, parce que Brown y joue toute une comédie afin de cacher sa liaison… Au point que, quand il découche, il rentre par l’escalier de service et feint de n’être pas sorti de la nuit…
— C’est rigolo ! dit Maigret, avec si peu de conviction que l’inspecteur en fut tout déconfit.
— Vous ne le faites plus surveiller ?
— Non… oui…
— Vous irez voir la dame en question au cap Ferrat ?
Maigret n’en savait rien ! Il ne pouvait penser à trente-six choses à la fois, et pour l’instant il ne pensait pas à Harry Brown, mais à William. Place Macé, il serra négligemment la main de son compagnon, sauta dans un taxi.
— Suivez la route du cap d’Antibes… Je vous arrêterai…
Et il se répéta, tout seul dans le fond de la voiture :
— William Brown a été assassiné !
La petite grille, l’allée de gravier, puis la cloche, une lampe électrique s’allumant au-dessus de la porte, des pas dans le hall, l’huis entrouvert…
— C’est vous ! soupira Gina Martini en reconnaissant le commissaire et en s’effaçant pour le laisser entrer.
On entendait une voix d’homme dans le salon.
— Venez… je vais vous expliquer…
L’homme était debout, un carnet à la main, et la vieille femme avait la moitié du corps engagée dans une armoire.
— M. Petitfils… Nous lui avons demandé de venir pour…
M. Petitfils était maigre, avec de longues moustaches tristes, des yeux fatigués.
— C’est le directeur de la principale agence de location de villas… Nous l’avons appelé pour prendre conseil et…
Toujours l’odeur de musc. Les deux femmes avaient retiré leurs vêtements de deuil et portaient des peignoirs d’intérieur, des savates.
Tout cela était désordonné. Est-ce que la lumière était moins forte que d’habitude ? On avait une impression de grisaille. La vieille femme sortait de son armoire, saluait Maigret, expliquait :
— Depuis que j’ai vu ces deux femmes à l’enterrement, je ne suis pas tranquille… Alors je me suis adressée à M. Petitfils pour lui demander son avis… Il pense comme moi qu’il faut dresser un inventaire…
— Un inventaire de quoi ?
— Des objets qui nous appartiennent et de ceux qui appartiennent à William… Nous travaillons depuis deux heures de l’après-midi…
Cela se voyait ! Il y avait des piles de linge sur les tables, des objets disparates par terre, des livres entassés, du linge encore dans des corbeilles…
Et M. Petitfils prenait des notes, dessinait des croix à côté de la désignation des objets.
Qu’est-ce que Maigret était venu faire là ? Ce n’était déjà plus la villa Brown. Inutile d’y chercher son souvenir. On vidait les armoires, les tiroirs, on entassait tout, on triait, on classait.
— Quant au poêle, il m’a toujours appartenu, disait la vieille. Je l’avais déjà il y a vingt ans, dans mon logement de Toulouse.
— Vous ne voulez pas prendre quelque chose, commissaire ? questionnait Gina.
Il y avait un verre sale : celui de l’homme d’affaires. Il fumait, tout en prenant des notes, un cigare de Brown.
— Merci… Je voulais seulement vous dire…
Leur dire quoi ?
— … que j’espère, demain, mettre la main sur l’assassin…
— Déjà ?
Cela ne les intéressait pas. Par contre, la vieille questionnait :
— Vous avez dû voir le fils, n’est-ce pas ?… Qu’est-ce qu’il dit ?… Qu’est-ce qu’il compte faire ?… Est-ce qu’il a l’intention de venir tout nous prendre ?…
— Je ne sais pas… Je ne le pense pas…
— Ce serait honteux ! Des gens aussi riches ! Mais ce sont justement ceux-là qui…
La vieille souffrait vraiment ! L’inquiétude lui était une torture ! Elle regardait toutes les vieilleries qui l’entouraient avec une peur atroce de les perdre.
Et Maigret avait la main sur son portefeuille ! Il lui suffirait de l’ouvrir, d’en tirer une petite feuille de papier, de la montrer aux deux femmes…
Est-ce que, du coup, elles ne danseraient pas d’allégresse ? Est-ce que, même, la joie, trop forte, ne tuerait pas la mère ?
Des millions et des millions ! Des millions qu’elles ne tiendraient pas encore, certes, qu’il leur faudrait aller conquérir en Australie, à grand renfort de procès !
Mais elles iraient ! Il croyait les voir s’embarquer, descendre du paquebot, là-bas, avec des airs dignes !
Ce ne serait plus un M. Petitfils qu’elles auraient comme homme d’affaires, mais des notaires, des avoués, des avocats…
— Je vous laisse travailler… Je viendrai vous voir demain…
Il avait toujours son taxi à la porte. Il s’y installa sans donner d’adresse, et le chauffeur attendit, tenant la portière entrouverte.
— À Cannes… dit enfin Maigret.
Et c’étaient toujours les mêmes pensées qui lui revenaient : « Brown a été assassiné !… Pas d’histoires ! »
Sacré Brown ! Si la blessure eût été à la poitrine, on eût pu croire qu’il s’était tué pour faire enrager le monde.
Mais on ne se poignarde pas soi-même par-derrière, que diable !
Ce n’était plus lui qui intriguait Maigret ! Le commissaire avait l’impression de le connaître aussi bien que s’il eût été son ami de toujours.
D’abord William en Australie… Un garçon riche, bien élevé, un peu timide, vivant chez ses parents, se mariant quand il en avait l’âge avec une personne convenable, lui faisant des enfants…
Ce Brown-là ressemblait assez au fils Brown… Il avait peut-être parfois du vague à l’âme, des désirs troubles, mais il devait les mettre sur le compte d’une mauvaise santé passagère et se purger.
Le même William en Europe… Les digues qui cédaient soudain… Il ne pouvait plus se contenir… Tout l’affolait, toutes les possibilités qui s’offraient à lui…
Et il devenait un familier de ce boulevard qui s’étend de Cannes à Menton… Yacht à Cannes… Parties de baccara à Nice… Et tout !… Et une paresse incommensurable à l’idée de retourner là-bas…
— Le mois prochain…
Et le mois suivant c’était la même chose !
Alors, on lui coupait les vivres. Le beau-frère veillait ! Tous les Brown, et les tenants et aboutissants des Brown, se défendaient !
Lui était incapable de quitter son boulevard, la molle atmosphère de la Côte, son indulgence, sa facilité…
Plus de yacht. Une petite villa…
Dans le domaine des femmes, il descendait aussi de quelques degrés, en arrivait à Gina Martini…
Un dégoût… Un besoin de désordre, de veulerie… La villa du cap d’Antibes étant encore trop bourgeoise…
Il dénichait le Liberty-Bar… Jaja… Sylvie…
Et il continuait le procès, là-bas, contre tous les Brown restés sages, pour les faire enrager… Il s’assurait par un testament qu’ils enrageraient encore après sa mort…
Qu’il eût tort ou raison, cela ne regardait pas Maigret. Et pourtant le commissaire ne pouvait s’empêcher de comparer le père au fils, à Harry Brown, correct, maître de lui, qui, lui, avait su faire la part des choses.
Harry n’aimait pas le désordre ! Harry avait quand même de troubles besoins.
Et il installait une maîtresse au cap Ferrat… Une maîtresse comme il faut, sachant vivre, veuve ou divorcée, discrète…
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