Simenon, Georges - Maigret et son mort
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— Et vous avez décidé d’aller au rendez-vous.
— Est-ce qu’on pouvait faire autrement ?
— Écoute, Jo. Fais pas l’imbécile. Pour une fois que tu ne risques rien, tu peux être franc. Tu as pensé que ton copain Albert avait découvert les types de la bande de Picardie. Tu n’ignorais pas, grâce aux journaux, qu’ils ont raflé plusieurs millions. Et tu t’es demandé s’il n’y avait pas moyen d’en avoir une part. C’est cela ?
— J’ai cru que c’était cela qu’Albert avait pensé.
— Bon. Nous sommes d’accord. Ensuite ?
— On y est allés tous les deux.
— Et vous avez eu une panne boulevard Henri-IV, ce qui me fait supposer que la Citroën jaune était moins neuve qu’elle n’en avait l’air.
— On l’avait retapée pour la vendre. On ne comptait pas s’en servir nous-mêmes.
— Vous êtes arrivés quai de Charenton avec une bonne demi-heure de retard. Les volets étaient fermés. Vous avez ouvert la porte qui n’était pas fermée à clef.
Ils se regardèrent encore, lugubres.
— Et vous avez trouvé votre ami Albert tué d’un coup de couteau.
— C’est exact.
— Qu’est-ce que vous avez fait ?
— On a d’abord cru qu’il n’était pas tout à fait passé, car le corps était encore chaud.
— Ensuite ?
— On a bien vu que la maison avait été fouillée. On a pensé à Nine qui allait rentrer du cinéma. Il n’y a qu’un ciné à proximité, à Charenton, près du canal. Nous y sommes allés.
— Qu’est-ce que vous comptiez faire ?
— On ne savait pas trop, parole d’honneur. On n’était pas fiers, tous les deux. D’abord ce n’est pas rigolo d’annoncer une nouvelle comme celle-là à une femme. Puis on se demandait si des types de la bande ne nous avaient pas repérés. On a discuté, Ferdinand et moi.
— Et vous avez décidé d’aller mettre Nine à la campagne ?
— Oui.
— Elle est loin ?
— Tout près de Corbeil, dans une auberge des bords de la Seine où nous allons pêcher de temps en temps et où Ferdinand a un bateau.
— Elle n’a pas voulu revoir Albert ?
— On l’en a empêchée. Quand on est repassés sur le quai, pendant la nuit, il n’y avait personne autour de la maison. Il y avait toujours de la lumière sous la porte, car on n’avait pas pensé à éteindre.
— Pourquoi avez-vous changé le corps de place ?
— C’est une idée de Ferdinand.
Maigret se tourna vers celui-ci, qui.baissait la tête, et répéta :
— Pourquoi ?
— Je ne pourrais pas vous expliquer. J’étais assez excité. À l’auberge, on avait bu pour se remonter. Je me suis dit que des voisins avaient sans doute vu la voiture, qu’ils nous avaient peut-être aperçus. Puis que, si on savait que c’était Albert qui était mort, on chercherait Nine, et que celle-ci serait incapable de se taire.
— Vous avez créé une fausse piste.
— Si vous voulez. La police s’occupe moins activement d’une affaire quand il s’agit d’un crime crapuleux, d’une affaire qui paraît toute simple, d’un homme qu’on tue d’un coup de couteau dans la rue, par exemple, pour lui prendre son argent.
— C’est vous aussi qui avez pensé à trouer l’imperméable ?
— Il fallait bien. Toujours pour qu’il ait l’air d’avoir été descendu dans la rue.
— Et de le défigurer ?
— C’était nécessaire. Il ne pouvait rien sentir. On s’est dit que comme ça l’affaire serait vite classée et qu’on ne risquait rien.
— C’est tout ?
— C’est tout, je le jure. Pas vrai, Jo ? Dès le lendemain, j’ai peint l’auto en bleu et j’ai changé la plaque.
On voyait qu’ils s’apprêtaient à se lever.
— Un instant. Depuis, vous n’avez rien reçu ?
— Reçu quoi ?
— Une enveloppe, sans doute avec quelque chose dedans.
— Non.
Ils étaient sincères, c’était visible. La question les surprenait vraiment. D’ailleurs, Maigret, en même temps qu’il la posait, découvrait une solution possible au problème qui l’avait le plus préoccupé pendant les derniers jours.
Cette solution, Jo la lui avait fournie, tout à l’heure, sans le savoir. Albert ne lui avait-il pas dit, au téléphone, qu’il venait de trouver un moyen de se débarrasser de la bande qui était à ses trousses ?
N’avait-il pas réclamé une enveloppe à la dernière brasserie où on l’avait aperçu, justement après son coup de téléphone à ses amis ?
Il avait sur lui, dans sa poche, quelque chose de compromettant pour les Tchèques. L’un de ceux-ci ne le quittait pas des yeux. N’était-ce pas un moyen de l’écarter que de jeter ostensiblement une enveloppe dans une boîte aux lettres ?
Glisser le document dans l’enveloppe n’était qu’un jeu.
Mais quelle adresse avait-il écrite ?
Il décrocha le téléphone, appela la P. J.
— Allô ! Qui est à l’appareil ? Bodin ? Du boulot, mon petit. Urgent ! Combien d’inspecteurs y a-t-il au bureau ? Hein ? Seulement quatre ? Il en faut un de garde, oui. Prends les trois autres. Partagez-vous tous les bureaux de poste de Paris. Attends ! Y compris celui de Charenton, par lequel tu commenceras personnellement. Questionnez les employés de la poste restante. Il doit y avoir quelque part, au nom d’Albert Rochain, une lettre qui attend depuis plusieurs jours. La prendre, oui. Me l’apporter. Non. Pas chez moi. Je serai au bureau dans une demi-heure.
Il regarda les deux hommes en souriant.
— Un autre petit verre ?
Ils ne devaient pas aimer le calvados, qu’ils acceptèrent par politesse.
— On peut aller ?
Ils n’avaient pas encore tout à fait confiance, et ils se levaient comme des écoliers à qui le maître annonce la récréation.
— On ne nous mettra pas dans le bain ?
— Il ne sera pas question de vous deux. Je vous demande seulement de ne pas avertir Nine.
— Elle n’aura pas d’ennuis non plus ?
— Pourquoi en aurait-elle ?
— Allez-y doucement avec elle, hein ! Si vous saviez comme elle aimait son Albert !
La porte refermée, Maigret alla éteindre le gaz, car la soupe débordait et commençait à se répandre sur le réchaud.
Ses gaillards avaient un peu menti, il s’en doutait. À en croire le docteur Paul, ils n’avaient pas attendu de mettre Nine en sûreté pour défigurer leur camarade. Mais cela ne changeait rien à l’affaire, et ils s’étaient montrés assez dociles, en définitive, pour que le commissaire ne leur fasse pas de peine. Car, au fond, ces gens-là ont leurs pudeurs, comme tout le monde.
CHAPITRE IX
Le bureau était bleu de fumée. Colombani était assis dans un coin, les jambes étendues. Quelques instants plus tôt, le directeur de la P. J. était là aussi. Des inspecteurs entraient et sortaient. Le juge Coméliau venait de téléphoner. Maigret décrochait une fois de plus le récepteur.
— Allô ! Marchand ? Ici, Maigret. Le vrai, oui. Comment ? Il y en a un autre qui est aussi de vos amis ? Un comte ? Il n’est pas de la famille, non.
Il était sept heures. C’était le secrétaire général des Folies-Bergère qu’il avait au bout du fil.
— Qu’est-ce que vous me voulez, mon bon ? grasseyait celui-ci. Sapristi, ce n’est pas facile ! J’ai juste le temps de casser la croûte sur le pouce dans le quartier avant l’ouverture des portes. À moins que vous mangiez un morceau avec moi ? À la Chope Montmartre , par exemple ? Dans dix minutes ? À tout de suite, mon bon.
Janvier était dans le bureau, très excité. C’était lui qui venait d’apporter de Joinville une belle photographie grand format, comme on en trouve, dédicacées, dans les loges d’artistes. Elle était d’ailleurs signée, d’une haute écriture qui ne doutait de rien : Francine Latour.
La femme était jolie, toute jeune encore. Son adresse figurait au dos : 121, rue de Longchamp, à Passy.
— Il paraît qu’elle joue en ce moment aux Folies-Bergère, avait annoncé Janvier.
— L’employé du Mutuel l’a reconnue ?
— Formellement. Je vous l’aurais bien amené, mais il était déjà en retard et il a très peur de sa femme. Par contre, si nous avons besoin de lui, nous pouvons l’appeler chez lui à n’importe quelle heure. Il habite à deux pas, dans l’île Saint-Louis, et il a le téléphone.
Francine Latour aussi avait le téléphone. Maigret appela son appartement, bien décidé à se taire et à raccrocher aussitôt si on répondait. Mais, comme il s’en doutait, elle n’était pas chez elle.
— Tu veux aller là-bas, Janvier ? Prends quelqu’un de très adroit avec toi. Il ne faut à aucun prix attirer l’attention.
— On fait une visite discrète de l’appartement ?
— Pas tout de suite. Attendez que je téléphone. Que l’un de vous deux se tienne dans un bar, à proximité. Qu’il appelle ici pour donner son numéro.
Il fronçait les sourcils, cherchant à ne rien oublier. On était revenu de chez Citroën avec un résultat au moins : Serge Madok y avait travaillé pendant près de deux ans.
Il passa chez les inspecteurs :
— Écoutez, mes enfants, j’aurai sans doute besoin de beaucoup de monde ce soir ou cette nuit. Il vaudrait mieux que vous restiez tous sur le tapin. Allez manger à tour de rôle dans le quartier, ou bien faites monter des sandwiches et des demis. À tout à l’heure. Tu viens, Colombani ?
— Je croyais que tu dînais avec Marchand ?
— Tu le connais aussi, non ?
Marchand, qui avait débuté comme vendeur de contremarques à la porte des théâtres, était maintenant un des personnages les plus connus de Paris. Il avait conservé une allure vulgaire, un parler cru. Il était au restaurant, les coudes sur la table, un large menu à la main ; au moment où les deux hommes arrivaient, il disait au maître d’hôtel :
— Quelque chose de léger, mon petit Georges... Voyons... Tu as des perdrix ?...
— Au chou, monsieur Marchand.
— Asseyez-vous, mon bon. Tiens ? La Sûreté nationale est de la fête aussi. Un troisième couvert, Georges chéri. Qu’est-ce que vous dites de perdreaux au chou, vous deux ? Attendez ! Avant ça, des petites truites, au bleu. Elles sont vivantes, Georges ?
— Vous pouvez les voir dans le vivier, monsieur Marchand.
— Quelques hors-d’œuvre, pour nous faire patienter. C’est tout. Un soufflé pour finir, si tu y tiens.
C’était sa passion. Il faisait, même seul, des repas semblables midi et soir. Encore était-ce ce qu’il appelait manger légèrement, sur le pouce. Peut-être, après le théâtre, irait-il souper ?
— Alors, mon bon, qu’est-ce que je peux faire pour vous ? Il n’y a rien qui cloche dans ma boîte, j’espère ?
Il était trop tôt pour parler sérieusement. C’était au tour du sommelier de s’approcher, et Marchand mit quelques minutes à choisir les vins.
— Je vous écoute, mes enfants.
— Si je vous dis quelque chose, vous saurez vous taire ?
— Vous oubliez, mon gros, que je suis sans doute l’homme qui connaît le plus de secrets à Paris. Pensez que je tiens le sort de centaines, non de milliers de ménages entre mes mains. Me taire ? Mais je ne fais que ça !
C’était drôle. En effet, il parlait du matin au soir, mais c’était exact qu’il ne disait jamais que ce qu’il voulait bien dire.
— Vous connaissez Francine Latour ?
— Elle passe dans deux de nos sketches avec Dréan.
— Qu’est-ce que vous en pensez ?
— Que voulez-vous que j’en pense ? C’est une poulette. Reparlez-m’en dans dix ans.
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