Simenon, Georges - Maigret et son mort
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— Neuf, moderne, assez chic. Une grande façade blanche et une porte en fer forgé doublée de verre.
— Bon. Vous monterez, après avoir bredouillé un nom quelconque.
— Comment trouverai-je l’appartement ?
— Tu as raison. Il y a bien, dans les environs, une crémerie qui livre le lait. Réveille le crémier s’il le faut. Raconte-lui une histoire, de préférence une histoire d’amour.
— Compris.
— Tu sais encore forcer une serrure ? Entrez. Ne faites pas de lumière. Planquez-vous dans un coin, de façon à être tous les deux prêts à intervenir s’il en est besoin.
— Entendu, patron, soupira le pauvre Janvier qui allait sans doute passer des heures, immobile dans l’obscurité d’un appartement inconnu.
— Surtout, ne fumez pas !
Il sourit lui-même de sa cruauté. Puis il choisit les deux hommes pour la faction dans la rue Longchamp.
— Prenez vos pétards. On ne peut pas prévoir comment les choses se passeront.
Un regard à Colombani. Les deux hommes se comprenaient. Ce n’était pas à un escroc qu’ils avaient affaire, mais au chef d’une bande de tueurs ; ils n’avaient pas le droit de courir des risques.
L’arrestation, au bar des Folies-Bergère, par exemple aurait été plus facile. Mais on ne pouvait prévoir les réactions de Bronsky. Il y avait des chances pour qu’il fût armé, et c’était vraisemblablement l’homme à se défendre, peut-être à tirer dans la foule pour profiter de la panique.
— Qui se dévoue pour commander de la bière à la Brasserie Dauphine ? Et des sandwiches !
C’était signe qu’une des grandes nuits de la P. J. commençait. Il régnait dans les deux bureaux du secteur de Maigret une atmosphère de P.C. Tout le monde fumait, tout le monde s’agitait. Les téléphones restaient inoccupés.
— Les Folies-Bergère, s’il vous plaît.
Il fallut longtemps pour avoir Marchand à l’appareil. On avait dû aller le chercher sur le plateau, où il réglait un différend entre deux danseuses nues.
— Oui, mon bon..., commença-t-il avant de savoir qui était à l’appareil.
— Maigret.
— Alors ?
— Il est là ?
— Je l’ai aperçu tout à l’heure.
— Ça va. Ne dites rien. Un coup de fil seulement s’il s’en allait seul.
— Compris. Ne l’amochez pas trop, hein ?
— C’est probablement un autre qui s’en chargera, répondit énigmatiquement Maigret.
Dans quelques instants, aux Folies, Francine Latour entrerait en scène en compagnie du comique Dréan et, sans doute à ce moment-là, son amant entrait-il un instant dans la salle chaude, se tenait-il au promenoir, en habitué, pour écouter d’une oreille distraite un dialogue qu’il savait par cœur, les rires qui fusaient des galeries.
Maria était toujours couchée dans sa chambre d’hôpital, anxieuse, furieuse, parce que, selon la règle, on lui avait enlevé son bébé pour la nuit, et deux inspecteurs montaient la garde dans le couloir ; il y en avait encore un, un seul, dans une autre aile de Laennec, où l’on venait de ramener Pietr après son passage à la salle d’opération.
Un Coméliau assez nerveux, qui se trouvait chez des amis, boulevard Saint-Germain, et qui s’était retiré un instant pour téléphoner, appelait Maigret.
— Toujours rien ?
— Quelques petites choses. Cari Lipschitz est mort.
— Un de vos hommes a tiré ?
— Non, un des siens. Le petit Pietr a reçu une balle dans la jambe d’un de mes inspecteurs.
— De sorte qu’il n’en reste qu’un ?
— Serge Madok, oui. Et le chef.
— Que vous ne connaissez toujours pas ?
— Qui s’appelle Jean Bronsky.
— Quel nom ?
— Bronsky.
— Il n’est pas producteur de cinéma ?
— Je ne sais pas s’il est producteur, mais il tripote dans le cinéma.
— Je l’ai fait condamner à dix-huit mois de prison voilà à peine trois ans.
— C’est lui.
— Vous êtes sur sa piste ?
— Il est en ce moment aux Folies-Bergère.
— Vous dites ?
— Je dis : aux Folies-Bergère.
— Et vous ne l’arrêtez pas ?
— Tout à l’heure. Nous avons le temps, maintenant. J’aime autant limiter les dégâts, vous comprenez ?
— Prenez note de mon numéro. Je serai chez mes amis jusqu’aux environs de minuit. Ensuite j’attendrai chez moi votre coup de téléphone.
— Vous aurez sans doute le temps de dormir un peu.
Maigret ne se trompait pas. Jean Bronsky et Francine Latour se firent d’abord conduire en taxi au Maxim’s , où ils soupèrent en tête à tête. C’était toujours de son bureau du quai des Orfèvres que Maigret suivait les allées et venues, et c’était déjà la deuxième fois que le garçon de la Brasserie Dauphine venait avec son plateau. Il y avait des verres sales plein le bureau, des sandwiches entamés, et l’odeur de tabac prenait à la gorge. Pourtant, malgré la chaleur, Colombani n’avait pas retiré le pardessus en poil de chameau clair qui était pour lui une sorte d’uniforme et il portait toujours son chapeau en arrière.
— Tu ne fais pas venir la femme ?
— Quelle femme ?
— Nine, la femme d’Albert.
Maigret fit non de la tête, l’air mécontent. Est-ce que cela le regardait, oui ou non ? Il voulait bien collaborer avec les gens de la rue des Saussaies, à la condition qu’on lui laissât la paix.
Pour l’instant, à vrai dire, il était comme un homme qui se tâte. Ainsi que le juge Coméliau venait de le lui dire, il ne tenait qu’à lui d’arrêter Jean Bronsky au moment qu’il choisirait. Il se souvenait d’un mot qu’il avait prononcé au début de l’enquête, il ne savait plus devant qui, avec une gravité inaccoutumée : « Cette fois, nous avons affaire à des tueurs. »
Des tueurs qui savaient bien, les uns comme les autres, qu’ils n’avaient plus rien à perdre. Au point que, s’ils étaient arrêtés dans la foule, si on disait à celle-ci que c’étaient les hommes de la bande de Picardie, la police serait incapable d’empêcher un lynchage.
Après ce qu’ils avaient fait dans les fermes, n’importe quel jury les condamnerait à la peine capitale, ils ne l’ignoraient pas, et c’est à peine si Maria pouvait, à cause de l’enfant, espérer la grâce du président de la République.
L’obtiendrait-elle ? C’était douteux. Il y avait le témoignage de la petite rescapée, il y avait les pieds, les seins brûlés. Il y avait son insolence de femelle et jusqu’à sa beauté sauvage qui joueraient contre elle dans l’esprit des jurés.
Les hommes civilisés ont peur des fauves, surtout des fauves de leur espèce, de ceux qui leur rappellent les époques révolues de la vie dans les forêts.
Jean Bronsky était un fauve plus dangereux encore, un fauve habillé par le meilleur tailleur de la place Vendôme, un fauve en chemise de soie, qui avait fait des études universitaires et que le coiffeur bichonnait chaque matin comme une coquette.
— Tu joues la prudence, remarqua à certain moment Colombani, comme Maigret attendait patiemment devant un des téléphones.
— Je joue la prudence.
— Et s’il te glissait entre les doigts ?
— J’aime encore mieux ça que de voir un de mes hommes abattu.
Au fait, à quoi bon laisser Chevrier et sa femme dans leur bistrot du quai de Charenton ? Il fallait leur téléphoner. Ils devaient être couchés. Maigret sourit, haussa les épaules. Qui sait ? Cette petite mascarade devait les exciter, et il n’y avait pas de raison qu’ils ne jouent pas encore quelques heures au bistrot et à la bistrote.
— Allô !... Patron ?... Ils viennent d’entrer chez Florence .
La boîte chic de Montmartre. Champagne obligatoire. Sans doute Francine Latour avait-elle une nouvelle robe ou un nouveau bijou à montrer. Elle était toute jeune, pas encore fatiguée de cette vie-là. N’en voit-on pas de vieilles, qui sont riches, qui sont titrées, qui ont un hôtel particulier avenue du Bois ou au faubourg Saint-Germain et qui fréquentent les mêmes boîtes pendant quarante ans ?
— Allons ! décida soudain Maigret.
Il prit son revolver dans le tiroir du bureau, s’assura qu’il était chargé, et Colombani le regardait faire avec un léger sourire.
— Tu me veux bien avec toi ?
C’était gentil de la part de Maigret. Les choses se passaient dans son secteur. C’est lui qui avait déniché la bande de Picardie. Il aurait pu garder la besogne pour lui et ses hommes, et ainsi le quai des Orfèvres marquerait une fois de plus un point contre la rue des Saussaies.
— Tu as ton pétard ?
— Je l’ai toujours en poche.
Maigret, non. C’était rare.
Comme ils traversaient la cour, Colombani désigna une des voitures de la police.
— Non ! Je préfère un taxi. C’est moins voyant.
Il en choisit un avec soin, avec un chauffeur qui le connaissait. Il est vrai que presque tous les chauffeurs de taxi le connaissaient.
— Rue de Longchamp. Vous ferez la rue au pas.
L’immeuble qu’habitait Francine Latour était assez haut dans la rue, non loin d’un restaurant fameux où le commissaire se souvenait d’avoir fait quelques bons déjeuners. Tout était fermé. Il était deux heures du matin. Il fallait choisir l’endroit où stationner, et Maigret était grave, grognon, silencieux.
— Refaites le tour. Vous vous arrêterez quand je vous le dirai. Vous ne garderez que vos lanternes allumées, comme si vous attendiez un client.
Ils étaient à moins de dix mètres de la maison. Ils devinaient un inspecteur tapi dans l’ombre d’une porte cochère. Il devait y en avoir un autre quelque part, et, là-haut, Janvier et son. compagnon attendaient toujours dans le noir.
Maigret fumait à petites bouffées. Il sentait l’épaule de Colombani contre la sienne. Il s’était mis du côté du trottoir.
Ils restèrent ainsi quarante-cinq minutes, et de rares taxis passaient, des gens rentrèrent chez eux, quelques maisons plus loin ; enfin un taxi stoppa devant la porte, et un homme jeune et svelte sauta sur le trottoir, se pencha vers l’intérieur pour aider sa compagne à descendre.
— Gi !... prononça seulement Maigret.
Il calcula ses mouvements. Il y avait longtemps que sa portière était entrouverte, qu’il tenait la main crispée sur la poignée. Avec une légèreté qu’on n’eût pas attendue de lui, il bondit en avant, sauta sur l’homme au moment précis où celui-ci, une main dans la poche de son smoking pour prendre son portefeuille, se penchait afin de regarder le compteur de son taxi.
La jeune femme poussa un cri. Maigret tenait l’homme aux épaules, par derrière, et son poids l’entraînait, ils roulèrent tous les deux sur le trottoir.
Le commissaire, qui avait reçu un coup de tête au menton, tentait d’immobiliser les mains de Bronsky, par crainte que celui-ci saisisse son revolver. Colombani était déjà là et, froidement, tranquillement, donnait un coup de talon au visage du Tchèque.
Francine Latour appelait toujours au secours, atteignait la porte de la maison, sonnait éperdument. Les deux inspecteurs arrivaient à leur tour, et la mêlée dura quelques instants encore. Maigret fut le dernier à se redresser, car il était en dessous.
— Personne de blessé ?
Les lanternes de l’auto lui permirent de voir du sang sur sa main, et il regarda autour de lui, s’aperçut que c’était du nez de Bronsky que le sang coulait à flot. L’homme avait les deux mains réunies derrière le dos par les menottes, ce qui le faisait se courber un peu en avant. Son visage avait une expression féroce.
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