Simenon, Georges - Maigret et son mort
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— Du talent ?
Marchand regarda le commissaire avec un étonnement comique.
— Pourquoi voudriez-vous qu’elle ait du talent ? Je ne connais pas son âge exact, mais cela ne dépasse guère vingt ans. Et elle est déjà habillée chez les couturiers, je crois même qu’elle commence à avoir des diamants. En tout cas, la semaine dernière, elle est arrivée avec un vison sur le dos. Qu’est-ce qu’il vous faut de plus ?
— Elle a des amants ?
— Elle a un ami, comme tout le monde.
— Vous le connaissez ?
— Je voudrais bien voir que je ne le connaisse pas.
— Un étranger, n’est-ce pas ?
— À l’heure qu’il est, ils sont tous plus ou moins étrangers, à croire que la France ne fournit plus que des maris fidèles.
— Écoutez-moi, Marchand. C’est infiniment plus grave que vous ne pouvez le penser.
— Quand est-ce que vous le bouclez ?
— Cette nuit, je l’espère. Ce n’est pas ce que vous croyez.
— En tout cas, il en a l’habitude. Si je me souviens bien, il a passé deux fois en correctionnelle pour chèques sans provision ou quelque chose dans ce goût-là. Pour le moment, il paraît à flot.
— Son nom ?
— Tout le monde, dans les coulisses, l’appelle M. Jean. Son vrai nom est Bronsky. C’est un Tchèque.
— Sans provision, acheva Colombani, tandis que Maigret haussait les épaules.
— Il a tripoté un certain temps dans le cinéma. Je crois qu’il s’en occupe encore, poursuivait Marchand, qui aurait pu réciter le curriculum vitae de toutes les personnalités parisiennes, y compris les plus faisandées. Un beau garçon, sympathique, généreux. Les femmes l’adorent, les hommes se méfient de sa séduction.
— Amoureux ?
— Je crois. En tout cas, il ne quitte guère la petite. On prétend qu’il en est jaloux.
— Où croyez-vous qu’il soit à cette heure-ci ?
— S’il y a eu des courses cet après-midi, il y a des chances pour qu’il y soit allé avec elle. Une femme qui, depuis quatre ou cinq mois, s’habille rue de la Paix et qui portait un nouveau vison ne se lasse pas des champs de courses. Pour le moment, ils doivent prendre l’apéritif dans quelque bar des Champs-Elysées. La petite ne passe qu’à neuf heures et demie. Elle arrive au théâtre vers neuf heures. Ils ont donc le temps d’aller dîner au Fouquet’s , au Maxim’s ou au Ciro’s . Si vous tenez à les trouver...
— Pas maintenant. Bronsky l’accompagne au théâtre ?
— Presque toujours. Il la conduit dans sa loge, traîne un peu dans les coulisses, s’installe au bar. dans le grand hall, et bavarde avec Félix. Après le deuxième sketch, il la rejoint dans sa loge, et dès qu’elle est prête, il l’emmène. C’est rare qu’ils n’aient pas un « cocktail party » quelque part.
— Il habite avec elle ?
— Probable, mon bon. Ça, c’est plutôt à la concierge qu’il faudrait le demander.
— Vous l’avez vu ces derniers jours ?
— Lui ? Je l’ai encore vu hier.
— Il ne vous a pas paru plus nerveux que d’habitude ?
— Ces gens-là, vous savez, sont toujours un peu nerveux. Quand on marche sur la corde raide... Bon ! Si je comprends bien, la corde est en train de casser. Dommage pour la petite ! Il est vrai que, maintenant qu’elle est nippée, cela ira tout seul et qu’elle a des chances de trouver mieux.
Tout en parlant, Marchand mangeait, buvait, s’essuyait la bouche de sa serviette, saluait familièrement des gens qui entraient ou qui sortaient, trouvait encore le moyen d’interpeller le maître d’hôtel ou le sommelier.
— Vous ne savez pas comment il a commencé ?
Et Marchand, à qui les petits journaux de chantage rappelaient volontiers ses propres origines, de répliquer assez sèchement :
— Ça, mon gros, c’est une question qu’on ne pose pas à un gentleman.
Il voulut bien renchaîner quelques instants plus tard :
— Ce que je sais, c’est qu’il a tenu à un certain moment une agence de figurants.
— Il y a longtemps ?
— Quelques mois. Je pourrais m’informer.
— C’est inutile. Je voudrais même que vous ne fassiez, surtout ce soir, aucune allusion à notre conversation.
— Vous venez au théâtre ?
— Non.
— J’aime mieux ça. Je vous aurais prié de ne pas procéder à votre petite affaire chez moi.
— Je ne veux courir aucun risque, Marchand. Ma photo et celle de Colombani ont paru trop souvent dans les journaux. L’homme est assez fin, d’après ce que vous en dites et d’après ce que j’en sais, pour flairer n’importe lequel de mes inspecteurs.
— Dites donc, vieux, vous prenez cette histoire-là au sérieux, il me semble ? Servez-vous de perdrix.
— Il peut y avoir de la casse.
— Ah !
— Il y en a déjà eu. Beaucoup.
— Bon ! Ne me racontez rien. J’aime mieux lire tout cela demain ou après-demain dans le journal. Cela risque de me gêner s’il m’invite ce soir à prendre un verre avec lui. Mangez, mes amis. Que dites-vous de ce châteauneuf ?... Ils n’en ont plus que cinquante bouteilles, et je me les suis fait mettre de côté. Il en reste quarante-neuf. J’en demande une autre ?
— Merci. On aura du boulot toute la nuit.
Ils se séparaient un quart d’heure plus tard, un peu alourdis par un dîner trop copieux et trop bien arrosé.
— Pourvu qu’il se taise, grogna Colombani.
— Il se taira.
— À propos, Maigret, ta tante t’a apporté de bons tuyaux ?
— Excellents. À vrai dire, je connais à peu près toute l’histoire du petit Albert.
— Je m’en doutais. Il n’y a rien comme les femmes pour être renseignées. Surtout les tantes de province ! Je peux savoir ?
Ils avaient un peu de temps devant eux. Une détente était la bienvenue avant la nuit qui s’annonçait mouvementée, et ils marchèrent le long des trottoirs en devisant.
— Tu avais raison tout à l’heure. On aurait probablement pu les pincer tous à Vincennes. Pourvu que Jean Bronsky ne se doute pas qu’on le serre de près.
— On fera ce qu’on pourra, pas vrai ?
Ils arrivèrent à la P. J. vers neuf heures et demie, et une importante nouvelle les attendait. Un inspecteur était là, agité.
— Cari Lispchitz est mort, commissaire. Pour ainsi dire sous mes yeux. Je me tenais dans l’ombre, rue de Sèvres, à une centaine de mètres de l’hôpital. Il y avait un certain temps que j’entendais des bruits à ma droite, quelqu’un qui, dans l’obscurité, semblait hésiter à avancer. Puis il y a eu des pas précipités, et un coup de feu a claqué. C’était si près que ma première pensée a été qu’on tirait sur moi et que j’ai eu automatiquement mon revolver à la main. J’ai deviné plutôt que vu un corps qui tombait, une silhouette qui s’éloignait en courant. J’ai tiré.
— Tu l’as tué ?
— J’ai tiré dans les jambes et j’ai eu la chance, à la deuxième balle, de faire mouche. Le type qui se sauvait est tombé à son tour.
— Qui ?
— Le gamin, celui qu’ils appellent Pietr. On n’a pas eu à le transporter loin, puisque l’hôpital était en face.
— En somme, Pietr a tiré sur Cari ?
— Oui.
— Ils étaient ensemble ?
— Non. Je ne crois pas. Je pense plutôt que Pietr suivait Cari et l’a abattu.
— Qu’est-ce qu’il dit ?
— Le gamin ? Rien. Il ne desserre pas les dents. Il a les yeux brillants, fiévreux. Il paraissait tout heureux ou tout fier d’entrer à l’hôpital et, dans les couloirs, il jetait des regards avides autour de lui.
— À cause de Maria qui s’y trouve, parbleu ! La blessure est grave ?
— La balle lui est entrée dans le genou gauche. On doit être occupé à l’opérer, à l’heure qu’il est.
— Dans les poches ?
Il y avait deux petits tas distincts sur le bureau de Maigret, qu’on avait préparés avec soin.
— Le premier, ce sont les poches de Cari. L’autre, celles du petit.
— Moers est là-haut ?
— Il a annoncé qu’il passerait la nuit au laboratoire.
— Qu’on lui demande de descendre. Que quelqu’un monte aux sommiers. J’ai besoin de la fiche et du dossier d’un certain Jean Bronsky. Je n’ai pas ses empreintes, mais il a passé deux fois en correctionnelle et a dû tirer dix-huit mois de prison.
Il envoya aussi des hommes rue de Provence, en face des Folies-Bergères, avec mission de ne se faire voir en aucun cas.
— Attendez avant de partir de voir la photographie de Bronsky. Il n’y a qu’au cas où il essayerait de prendre le train ou l’avion qu’il faudrait lui mettre la main dessus. Je ne crois pas que cela lui arrive.
Le portefeuille de Cari Lipschitz contenait quarante-deux billets de mille francs, une carte d’identité à son nom et une autre carte qui portait un nom italien : Filipino. Celui-là ne fumait pas, car il n’avait sur lui ni cigarettes, ni pipe, ni briquet, mais une lampe électrique de poche, deux mouchoirs, dont un crasseux, un billet de cinéma qui portait la date du jour même, un canif et un revolver automatique.
— Tu vois ! fit remarquer Maigret à Colombani. Nous nous figurions avoir pensé à tout.
Il montrait le billet de cinéma.
— Eux, ils ont eu cette idée. Cela vaut mieux que de traîner dans les rues. On peut passer des heures dans l’obscurité. Dans un cinéma des boulevards, qui reste ouvert toute la nuit, on peut même faire un somme.
Dans les poches de Pietr, il y avait tout juste trente-huit francs de monnaie. Un portefeuille contenait deux photographies, une de Maria, une petite photographie de passeport qui avait dû être prise l’année précédente, alors qu’elle se coiffait d’une autre façon, et le portrait de deux paysans, un homme et une femme, assis sur leur seuil, en Europe Centrale, pour autant qu’on en pouvait juger d’après le style de la maison.
Pas de papiers d’identité. Des cigarettes. Un briquet. Un petit calepin bleu, dont un certain nombre de pages étaient couvertes d’une écriture serrée, au crayon.
— On dirait des vers.
— Je suis persuadé que ce sont, en effet, des vers.
Moers exulta en voyant les deux tas qu’il allait emporter dans son repaire, sous les toits. Un inspecteur déposait bientôt sur le bureau le dossier Bronsky.
La photographie, dure et cruelle comme toutes les photos anthropométriques, ne correspondait pas tout à fait à la description de Marchand, car l’homme, encore jeune, avait les traits tirés, une barbe de deux jours, la pomme d’Adam saillante.
— Janvier a téléphoné ?
— Il a dit que tout était calme et que vous pouviez l’appeler à Passy 62-41.
— Demande-moi le numéro.
Il lisait à mi-voix. D’après le dossier, Bronsky était né à Prague et avait actuellement trente-cinq ans. Il avait fait des études universitaires à Vienne, puis avait vécu quelques années à Berlin. Il s’y était marié à une certaine Hilda Braun, mais, quand il était entré en France, à vingt-huit ans, avec des papiers réguliers, il était seul. Déjà il donnait comme profession : cinéaste, et son premier domicile était un hôtel du boulevard Raspail.
— Janvier est à l’appareil, patron.
— C’est toi, mon petit ? Tu as dîné ? Écoute-moi bien. Je vais t’envoyer deux hommes en voiture.
— Nous sommes déjà deux ! protestait l’inspecteur, vexé.
— Peu importe. Écoute ce que je te dis. Quand ils seront là, tu les laisseras dehors. Il ne faut pas qu’ils se montrent. Il ne faut surtout pas que quelqu’un qui rentrerait à pied ou qui descendrait de taxi puisse soupçonner leur présence. Toi et ton copain, vous allez entrer dans la maison. Attendez qu’il n’y ait plus de lumière dans la loge de la concierge. Quel genre d’immeuble ?
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