Simenon, Georges - Le fou de Bergerac
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Simenon, Georges - Le fou de Bergerac краткое содержание
Hasard sur toute la ligne ! La veille, Maigret ne savait pas qu’il allait entreprendre un voyage. C’était pourtant la saison où Paris commençait à lui peser : un mois de mars épicé d’un avant-goût de printemps, avec un soleil clair, pointu, déjà tiède. Mme Maigret était en Alsace pour une quinzaine de jours, auprès de sa sœur qui attendait un bébé. Or, le mercredi matin, le commissaire recevait une lettre d’un collègue de la Police Judiciaire qui avait pris sa retraite deux ans plus tôt et qui s’était installé en Dordogne. … Surtout, si un bon vent t’amène dans la région, ne manque pas de venir passer quelques jours chez moi. J’ai une vieille servante qui n’est contente que quand il y a du monde à la maison. Et la saison du saumon commence…
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— Ce n’est pas vrai !… Dites que ce n’est pas vrai…
Des pas encore… La porte s’ouvrait… Leduc entrait, une mèche de cheveux sur le front, le veston à moitié arraché, la mine lugubre.
— Morts ?
— Tous les deux !
Il arrêta, de ses bras tendus, M me Rivaud qui voulait franchir la porte.
— Pas maintenant…
— Ce n’est pas vrai ! Je sais bien que ce n’est pas vrai ! Je veux le voir…
Elle était à bout de souffle.
Sa mère, elle, ne savait plus quelle contenance prendre.
Et M. Duhourceau regardait fixement le tapis.
À croire qu’il était le plus ahuri, le plus bouleversé par cette nouvelle.
— Comment, tous les deux ?… finit-il par balbutier en se tournant vers Leduc.
— Je les poursuivais dans l’escalier et dans les couloirs. Ils ont pu entrer dans une chambre ouverte et refermer la porte avant mon arrivée… Je ne suis pas de force à défoncer un pareil panneau… J’ai envoyé chercher le patron, qui est fort… Je pouvais les voir par la serrure…
Germaine Rivaud le regardait comme une démente. Quant à Leduc, il cherchait les yeux de Maigret pour savoir s’il devait continuer à parler.
Pourquoi pas ? Ne fallait-il pas aller jusqu’au bout ? Jusqu’au bout du drame, de la vérité !
— Ils s’étreignaient… Elle surtout, toute nerveuse dans les bras de l’homme… J’entendais qu’elle disait :
« — Je ne veux pas… Pas ça !… Non !… Plutôt…
« Et c’est elle qui lui a pris son revolver dans la poche. Elle le lui a mis dans la main… J’entendais :
« — Tire… Tire en m’embrassant…
« Je n’ai plus rien vu, parce que le patron arrivait et que…
Il s’épongea. On pouvait voir, malgré le pantalon, que ses genoux tremblaient.
— Pas plus de vingt secondes trop tard. Rivaud était déjà mort quand je me suis penché sur lui… Françoise avait les yeux ouverts… J’ai d’abord cru que c’était fini… Mais, au moment où je m’y attendais le moins…
— Eh bien ? sanglota presque le procureur.
— Elle m’a souri… J’ai fait mettre le panneau en travers du passage… On ne touchera à rien… On a téléphoné à l’hôpital…
Joséphine Beausoleil ne devait pas avoir bien compris. Elle fixait Leduc avec hébétude. Puis elle se tourna vers Maigret et dit d’une voix de rêve :
— Ce n’est pas possible, n’est-ce pas ?
L’action était partout à la fois autour de Maigret immobile sur son lit. La porte s’ouvrait. L’hôtelier montrait un visage congestionné. Et, tandis qu’il parlait, il envoyait devant lui une haleine chargée d’alcool. Pour se remettre, il avait dû aller vider un grand verre à son comptoir. L’épaule de sa veste blanche était sale, déchirée.
— C’est le docteur… Est-ce que… ?
— J’y vais ! dit Leduc, à regret.
— Vous êtes ici, monsieur le procureur ?… Vous êtes au courant ?… Si vous voyiez ça !… C’est à vous tirer toutes les larmes du corps… Et ils sont beaux, tous les deux !… On dirait…
— Laissez-nous ! cria Maigret.
— Est-ce que je dois fermer la porte de l’hôtel ?… Les gens commencent à s’amasser sur la place… Le commissaire n’est pas à son bureau… Des agents arrivent, mais…
Quand Maigret chercha des yeux Germaine Rivaud, il la trouva étendue de tout son long, sur le lit de M me Maigret, la tête dans l’oreiller. Elle ne pleurait pas. Elle ne sanglotait pas. Elle poussait de longs gémissements, lugubres comme la plainte d’une bête blessée.
M me Beausoleil, elle, s’essuyait les yeux, se levait et demandait avec beaucoup d’énergie :
— Est-ce que je peux aller les voir ?
— Tout à l’heure… Quand le médecin aura terminé…
M me Maigret tournait autour de Germaine Rivaud sans rien trouver à faire pour la soulager. Et le procureur soupirait :
— Je vous le disais bien…
Les bruits de la rue montaient jusqu’à la chambre. Deux agents qui arrivaient à vélo forçaient les curieux à s’écarter. Certains protestaient.
Maigret bourrait une pipe, en regardant dehors, en regardant exactement – sans s’en apercevoir d’ailleurs – la petite épicerie d’en face, dont il avait fini par connaître tous les clients.
— Vous avez laissé l’enfant à Bordeaux, madame Beausoleil.
Elle se tourna vers le procureur pour lui demander conseil.
— Je… oui…
— Il doit avoir trois ans, maintenant ?
— Deux…
— C’est un garçon ?
— Une petite fille… Mais…
— La fille de Françoise, n’est-ce pas ?
Et le procureur, se levant d’un air décidé :
— Commissaire, je vous demande de…
— Vous avez raison… Tout à l’heure… Ou plutôt, à ma première sortie, je me permettrai de vous rendre visite.
Il lui sembla que son interlocuteur en était soulagé.
— À ce moment-là, tout sera fini… Que dis-je ? Tout est fini dès maintenant, n’est-ce pas ?… Ne croyez-vous pas que votre place est là-haut, où il faudra bien faire une descente du Parquet ?
Le procureur, dans sa précipitation, oublia de prendre congé. Il fuyait comme un écolier dont on lève soudain la punition.
Et, la porte refermée, ce fut une autre intimité qui se créa.
Germaine gémissait toujours. Elle restait sourde aux appels de M me Maigret qui lui posait des compresses d’eau froide sur le front. Mais la malade les repoussait d’un geste nerveux et l’eau détrempait peu à peu l’oreiller.
À côté de Maigret, une autre femme : Joséphine Beausoleil, qui se rassit en poussant un soupir.
— Qui m’aurait dit ça !
Une brave femme, au fond ! D’une moralité foncière ! Toute sa vie, elle la trouvait normale, naturelle ! Pouvait-on lui en vouloir ?
Des larmes fluides commençaient à gonfler ses paupières plissées de femme mûre, et bientôt elles roulaient sur les joues dont l’émail se diluait.
— C’était votre préférée…
Elle ne se gêna pas pour Germaine qui, il est vrai, ne devait pas écouter.
— C’est logique ! Elle était si belle, si fine ! Et tellement plus intelligente que l’autre ! Ce n’est pas la faute de Germaine ! Elle a toujours été malade. Alors, elle ne s’est pas très développée… Quand le docteur a voulu épouser Germaine, Françoise était trop jeune. À peine treize ans… Eh bien ! vous le croirez si vous voulez, je me suis doutée que cela ferait des histoires, plus tard… Et c’est ce qui est arrivé.
— Comment s’appelait Rivaud, à Alger ?
— Le docteur Meyer… Je suppose que ce n’est plus la peine de mentir… D’ailleurs, si vous avez fait tout ça, c’est que vous le saviez déjà…
— C’est lui qui a fait fuir son père de l’hôpital ?… Samuel Meyer…
— Oui… Et c’est même comme ça que les choses ont commencé avec Germaine… Il n’y avait que trois malades dans la salle des méningites… Ma fille, Samuel, comme on disait, et un autre… Alors, une nuit, le docteur s’est arrangé pour mettre le feu… Il a toujours juré que l’autre, celui qu’on a laissé dans les flammes et qui a passé ensuite pour Meyer, était déjà mort… Je veux bien le croire, parce que ce n’était pas un mauvais garçon… Il aurait pu ne plus s’occuper de son père, qui avait fait des bêtises…
— Je comprends ! L’autre a donc été inscrit sur les registres de décès comme Samuel Meyer… Le docteur a épousé Germaine… Il vous a emmenées toutes les trois en France…
— Pas tout de suite… Nous avons d’abord séjourné en Espagne… Il attendait des papiers qui ne venaient pas…
— Samuel ?
— On l’avait envoyé en Amérique en lui recommandant de ne plus mettre les pieds en Europe. Il n’avait déjà plus l’air d’un homme qui a tous ses esprits.
— Enfin, votre gendre a reçu des papiers au nom de Rivaud. Il est venu s’installer ici avec sa femme et sa belle-sœur. Et vous ?
— Il me passait une petite pension pour rester à Bordeaux… J’aurais préféré Marseille, par exemple, ou Nice… Nice surtout ! Mais il voulait me garder sous la main… Il travaillait beaucoup… Malgré tout ce qu’on peut dire de lui, c’était un bon docteur qui n’aurait pas fait tort à un malade pour…
Afin d’échapper à la rumeur du dehors, Maigret avait fermé la fenêtre. Les radiateurs chauffaient. L’odeur de pipe emplissait la chambre.
Comme une enfant, Germaine gémissait toujours et sa mère expliquait :
— Depuis qu’elle a été trépanée, c’est encore pis qu’avant… Déjà elle n’était pas gaie… Pensez ! une enfant qui a passé toute sa jeunesse dans son lit !… Après, c’étaient des larmes pour un rien… Et elle avait peur de tout.
Bergerac n’avait rien deviné ! Toute cette vie trouble, dramatique, s’était greffée sur sa vie de petite ville et personne ne s’en était douté.
On disait : « la villa du docteur »… « l’auto du docteur »… « la femme du docteur »… « la belle-sœur du docteur »…
Et on ne voyait que la villa jolie et proprette, l’auto de bonne marque, au capot allongé, la jeune fille sportive, aux lignes nerveuses, la femme un peu lasse…
À Bordeaux, dans quelque appartement bourgeois, M me Beausoleil finissait péniblement une vie agitée. Elle qui avait tant eu à s’inquiéter du lendemain, elle qui avait dépendu du caprice de tant d’hommes, pouvait enfin prendre des allures de rentière !
Elle devait être considérée dans son quartier. Elle avait des habitudes. Elle payait régulièrement les fournisseurs.
Et quand ses enfants venaient la voir, c’était dans une solide voiture…
Voilà qu’elle pleurait à nouveau. Elle se mouchait, dans un mouchoir trop petit, presque tout en dentelle.
— Si vous aviez connu Françoise… Tenez ! quand elle est venue accoucher chez moi… Car c’est chez moi que cela s’est passé… On peut parler devant Germaine !… Elle le sait bien…
M me Maigret écoutait, épouvantée. Car, pour elle, c’était la découverte d’un monde affolant.
Des voitures s’étaient rangées sous les fenêtres. Le médecin légiste était arrivé, ainsi que le juge d’instruction, le greffier, le commissaire qu’on avait enfin trouvé à la foire d’un village voisin où il voulait acheter des lapins.
On frappa à la porte. C’était Leduc, qui regarda timidement Maigret pour savoir s’il pouvait entrer.
— Laisse-nous, vieux, veux-tu ?
Il valait mieux rester dans cette atmosphère d’intimité. Pourtant, Leduc s’approcha du lit, dit à voix basse :
— Si elles veulent encore les voir tels qu’ils sont tombés…
— Mais non ! Mais non !
À quoi bon ? M me Beausoleil attendait le départ de l’intrus. Elle avait hâte de reprendre ses confidences. Avec ce gros homme couché, qui la regardait avec bienveillance, elle se sentait en confiance.
Il la comprenait. Il ne s’étonnait pas. Il ne posait pas de questions ridicules.
— Je crois que vous parliez de Françoise…
— Oui… Eh bien ! quand l’enfant est né… Mais… Sans doute ne savez-vous pas encore tout…
— Je sais !
— C’est elle qui vous l’a dit ?
— M. Duhourceau était là !
— Oui ! Je n’ai jamais vu un homme aussi nerveux, aussi malheureux… Il disait que c’était un crime de faire des enfants, parce qu’on risque toujours de tuer la mère… Il écoutait les cris… J’avais beau lui offrir des petits verres…
— Votre appartement est grand ?
— Trois pièces…
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